Depuis la Conquête, les francophones du Canada n'ont cessé de craindre la disparition de leur langue. D'ailleurs, cette disparition a souvent été annoncée. Jamais elle ne s'est produite. Cependant, la peur demeure. Et les politiciens n'ont pas manqué de l'attiser.

Depuis la Conquête, les francophones du Canada n'ont cessé de craindre la disparition de leur langue. D'ailleurs, cette disparition a souvent été annoncée. Jamais elle ne s'est produite. Cependant, la peur demeure. Et les politiciens n'ont pas manqué de l'attiser.

Dans le contexte du débat sur le projet de loi 103, réponse du gouvernement au jugement de la Cour suprême sur les écoles passerelles, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a évoqué cette semaine la menace d'assimilation qui pèserait sur les Québécois de langue française. Le président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Mario Beaulieu, a souligné que dans l'ouest de l'île de Montréal, «12% des francophones de langue maternelle parlent anglais à la maison, sont anglicisés».

«C'est le début d'un processus d'assimilation», a renchéri Mme Marois.

Compte tenu du passé du Québec, on trouvera toujours, en éminçant les statistiques par région et par époque, une donnée qui semble montrer que le français est menacé, voire en déclin. Pourtant, dès qu'on prend du recul, historique et géographique, on constate que le français ne s'est jamais mieux porté. Certes, l'anglais est très présent chez nous : c'est le reflet de l'importance de cette langue dans le monde. La place du français dans la société québécoise n'est pas pour autant menacée.

Le processus d'assimilation d'un groupe linguistique commence lorsque ses membres laissent tomber graduellement leur langue maternelle pour une autre langue. Or, les Québécois francophones opérant un tel transfert linguistique sont rarissimes : ils représentaient 1,6% de tous les francophones en 1971, ils sont encore moins nombreux aujourd'hui (1,3%). À l'inverse, la proportion d'Anglo-Québécois abandonnant l'anglais pour le français est en hausse, lente mais constante : elle atteint aujourd'hui 10,6%.

Nous ne reviendrons pas longuement sur la situation des allophones. Il est bien établi, même si beaucoup de gens refusent de le voir, que depuis les années 1970, les immigrants adoptent majoritairement le français lorsqu'ils délaissent leur langue d'origine.

Citant les plus récentes prévisions du ministère de l'Éducation, le démographe Charles Castonguay, généralement pessimiste quant à l'avenir du français, a noté que d'ici 15 ans, la proportion d'enfants Québécois inscrits à l'école primaire anglaise glissera de 10,7% à 9,9%. Ainsi, 90% des petits Québécois étudieront en français. Assimilation, dites-vous?

Le projet de loi 103, réponse imparfaite à un mauvais jugement, permettra à quelques enfants de plus d'aller à l'école anglaise. Ce phénomène restera vraisemblablement marginal et n'aura pas d'impact sur la tendance lourde: le Québec sera de plus en plus français, sans pour autant - heureusement! - être fermé à la culture américaine et à l'anglais, langue internationale.