La locomotive chinoise ralentit: production industrielle, ventes de détail, investissements n'ont plus le même élan qu'avant. Preuve que les mesures visant à freiner la spéculation immobilière marchent. Peut-être trop bien.

Le mois dernier, les nouveaux prêts hypothécaires consentis par les banques à Shanghai ont plongé de 98% par rapport au montant enregistré il y a un an, vient d'annoncer la Banque populaire de Chine. Une chute spectaculaire.

Qui plus est, les ventes de maisons, toujours dans la ville-phare des affaires en Chine, ont diminué de 11% au début du mois d'août, selon un sondage, alors que l'offre de propriétés à vendre a rétréci de 36%.

Ces chiffres illustrent à quel point les mesures anti-surchauffe, implantées par Pékin à l'hiver pour dégonfler la bulle immobilière, sont efficaces. C'est comme si les acheteurs, jadis attirés par tout ce qui est «briques et mortier» dans le coin, avaient disparu.

Faut-il rappeler que les mesures chinoises destinées à refroidir l'immobilier ne manquent pas de mordant: durcissement des conditions d'accès au crédit, interdiction aux banques de prêter aux personnes achetant un troisième logement et hausse de la mise de fonds pour l'achat d'une résidence secondaire.

Résultat: l'envolée des prix des maisons en Chine ralentit. Une bonne nouvelle. Mais ce coup de frein de l'État, qui voulait aussi prévenir une crise parmi les banques qui ont prêté des milliards aux promoteurs immobiliers sans trop demander de comptes, touche l'ensemble de l'économie. Peut-être trop. Tant et si bien que Pékin devra tôt ou tard faire une volte-face, croient des experts.

«Le gouvernement sera obligé de relaxer ses politiques pour éviter un atterrissage brutal de l'économie (...), nous nous attendons à un virage à 180 degrés concernant les mesures touchant les prêts bancaires», affirme Mark Williams, économiste de Capital Economics.

Perte de vitesse

Les données de juillet confirment la tendance récente de la conjoncture chinoise: le moteur de la croissance mondiale a perdu de sa vitesse.

Les ventes de détail ont progressé de 17,9%, au lieu de 18,3% en juin. Les investissements augmentent aussi moins rapidement. Et les exportations ont enregistré une progression de 38% alors qu'elles avaient bondi de 44% le mois d'avant.

En somme, les trois moteurs de la croissance - consommation, investissements et exportations - calment leur rythme sous l'effet des mesures anti-surchauffe.

Ces mesures se répercutent sur la production industrielle, qui a progressé de 13,4% en juillet, contre 13,7% le mois précédent et 16,5% en mai. C'est sa plus faible hausse en 11 mois.

Rien de dramatique jusque-là, c'est certain. Mais d'autres indicateurs sont plus inquiétants: les banques chinoises ont réduit leurs prêts - de toutes catégories - de 12% en juillet. Le volume des prêts est inférieur aux prévisions, signe précurseur d'une consommation domestique qui pourrait ralentir davantage.

L'inflation à un sommet

En revanche, les inquiétudes sur l'inflation chinoise persistent et devraient, en principe, pousser le gouvernement à rester vigilant.

Comme on l'a appris la semaine dernière, la hausse des prix a atteint 3,3% le mois dernier, contre 2,9% en juin et le plafond de 3% (sur un an) visé par le gouvernement.

Or, le portrait est trompeur. Les économistes soulignent que la flambée des prix est surtout due aux pluies diluviennes qui ont détruit des récoltes et fait grimper les cours alimentaires de 6,8%. Un problème passager, donc.

Aussi, les sages de Morgan Stanley et Bank of America/Merrill Lynch parient que l'inflation en Chine s'approche d'un sommet et devrait s'estomper prochainement, laissant du coup une marge de manoeuvre au gouvernement.

«Les autorités auront la possibilité de soutenir la croissance si cela est nécessaire», ajoute la banque japonaise Nomura, qui s'attend à un assouplissement des mesures restrictives sur le crédit. D'ailleurs, Pékin a exprimé dans les derniers temps ses inquiétudes face à la perte de vitesse des pays industrialisés.

Il y a donc de l'espoir. Au moment où la reprise américaine semble en panne, la Chine pourrait de nouveau prendre la relève - comme elle l'a fait en 2008 avec son mégaplan de relance de 700 milliards - pour soutenir la croissance mondiale.

Un coup d'accélérateur de la locomotive chinoise serait bienvenu en Occident, c'est certain. Surtout en Bourse où les investisseurs ne savent plus à quel train s'accrocher ces temps-ci.