L'immobilier chinois ralentit. Finalement. Mais des experts craignent un effondrement des prix et de graves conséquences pour les banques chinoises qui ont alimenté la bulle immobilière.

Pour la première fois en 18 mois, les prix de l'immobilier en Chine reculent, signe que les mesures gouvernementales visant à dégonfler une bulle gigantesque commencent à produire leurs effets.

Les prix moyens mesurés dans 70 villes ont diminué en juin de 0,1%, ramenant l'inflation annuelle du secteur immobilier à 11,4% contre 12,4% en mai et 12,8% en avril, selon le Bureau national de la statistique.

À première vue, c'est une bonne nouvelle pour le gouvernement. Au printemps, Pékin a resserré le crédit pour enrayer la flambée immobilière. Les règles sont désormais plus sévères pour l'acheteur d'une deuxième maison, à titre d'exemple, et les autorités ont pris des mesures pour freiner la spéculation en provenance de l'étranger.

Il reste que le monde observe avec inquiétude les premiers signes d'un essoufflement économique en Chine; jeudi, on a appris que le PIB du pays a crû de 10,3% au deuxième trimestre, contre un taux prévu de 10,5% et une croissance de 11,9% au premier trimestre. Rien de grave, mais la machine ralentit quand même.

Vers un éclatement?

Or, les regards sont surtout braqués sur l'immobilier. Pour l'instant, il ne s'agit que d'une accalmie après plusieurs années de boom.

Mais les derniers chiffres nourrissent les craintes d'un éclatement de la bulle avec, à la clé, de lourdes conséquences pour des banques chinoises. D'ailleurs, plusieurs experts sonnent l'alarme.

Carrément pessimiste, l'ex-économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI) Kenneth Rogoff croit que l'immobilier chinois craque de partout et va «s'effondrer», ce qui touchera les banques locales. D'autres, comme la banque japonaise Nomura, prédisent que les prix des maisons vont chuter de 10 à 30% d'ici un an ou deux.

Dans son rapport annuel, publié en juin, la Commission de réglementation bancaire chinoise dénonce pour sa part le comportement des banques, en soulignant la mauvaise gestion du risque lié aux prêts qu'elles ont accordés.

Le gourou de la finance Marc Faber juge, quant à lui, qu'il existe bel et bien «une bulle du crédit» en Chine. Personne ne sait exactement le niveau des prêts des banques dans l'immobilier mais, à son avis, «il est assez élevé».

Puis, dans un rapport publié mercredi dernier, la firme de notation de crédit Fitch a laissé tomber ce pavé.

Selon elle, les prêts consentis par les banques chinoises sont 28% plus élevés que ce que disent les chiffres officiels. La raison: des banques ont dissimulé des prêts en les convertissant en outils financiers complexes «hors bilan», brouillant ainsi les données. Autrement dit, le genre de magouille que Wall Street avait concoctée avant la crise immobilière américaine.

Selon Fitch, les prêts bancaires en Chine ont atteint 5900 milliards de yuans (900 milliards CAN) au premier semestre 2010, au lieu des 4600 milliards annoncés. Bref, les banques seraient plus exposées à un ralentissement économique, et à une crise immobilière, qu'on ne le dit.

Dérapage

Le mégaplan de relance chinois (près de 700 milliards CAN), lancé à la fin de 2008, est à l'origine de ce dérapage. L'État a confié aux banques le soin de financer au moins la moitié des projets de relance, grâce à un déluge de prêts accordés aux localités en contrepartie d'actifs fonciers.

Or, les structures de financement locales, qui ont contracté les prêts, sont de véritables «trous noirs», une partie des prêts n'ayant aucune ou peu de garanties, soutiennent des spécialistes.

Un chercheur de la Northwestern University, Victor Shih, a répertorié 8000 de ces montages financiers en Chine, dont il estime l'endettement total à 1300 milliards CAN, dont environ 60% contractés seulement en 2009. «C'est une source de risque bancaire majeure», a-t-il dit dans une étude publiée plus tôt cette année.

En somme, l'immobilier est le maillon faible de la croissance chinoise, qui rappelle les excès au Japon dans les années 80 et aux États-Unis plus récemment. Le gouvernement le sait: il vient d'ailleurs d'ordonner des audits dans les banques, qui ont été sommées d'être plus vigilantes. Vu de notre côté de la muraille chinoise, il était temps que l'État s'en mêle.

Car la bulle immobilière en Chine est une bombe à retardement qu'il faut désamorcer avec soin, au risque de provoquer une récession mondiale ou, pire, un autre choc financier. Au moins, le gouvernement a plusieurs outils pour y arriver. On espère seulement qu'il existe à Pékin des mains assez fiables pour faire ce travail délicat.