Oubliez les insuccès du Brésil, du Chili ou de l'Argentine à la Coupe du monde de soccer. Sur le terrain économique, plusieurs pays d'Amérique du Sud font la barbe au reste du monde ces temps-ci.

Plusieurs ont déjà vu des images des «micros», ces minibus bariolés qui caractérisent les transports en commun à Lima, capitale du Pérou.

Qu'on le veuille ou non, on assiste au début de la fin pour ces engins colorés mais vieillissants qui relient Chorrillos (au sud) et le centre de Lima.

Le folklore local en prendra un coup, mais les micros disparaîtront au profit de bus tout neufs pouvant accueillir 160 personnes et circulant sur une voie réservée. Avant la fin de l'année, ce système de transport, baptisé Metropolitano, assorti de stations modernes jamais vues dans le pays, comptera 522 bus.

Le projet de 700 millions CAN se veut la première étape d'un nouveau système de transports en commun destiné aux 8 millions d'habitants de l'agglomération. C'est un autre signe de la vitalité économique qui caractérise le Pérou, mais aussi une bonne partie de l'Amérique du Sud.

Dans un commentaire la semaine dernière, le président de la Banque interaméricaine de développement (BID), Luis Alberto Moreno, prédit d'ailleurs qu'on amorce actuellement la «décennie de l'Amérique latine».

«La croissance (Amérique latine et Caraïbes) atteindra 4,5% cette année, deux fois celle des États-Unis et quatre fois plus qu'en Europe», avance le Colombien Moreno, qui vient d'être réélu à la tête de la BID.

Le banquier ajoute même un peu de sel sur les plaies des pauvres Européens, qui souffrent des dures compressions budgétaires imposées par leur gouvernement. Le déficit public de l'ensemble de l'Amérique latine, y compris le Mexique, n'atteindra que 2,3% du PIB en 2010, comparativement à 6,8% sur le Vieux Continent et à 10,6% aux États-Unis. Qui aurait prédit cela il y a 10 ou 15 ans?

C'est le Pérou

Les exploits du Brésil sont certes bien connus hors du continent, le pays de la samba étant devenu une puissance industrielle et agricole mondiale.

Le Brésil, dont le boom économique a extirpé 30 millions de personnes de la pauvreté, selon le gouvernement, vogue vers une croissance de plus de 7% cette année.

Or, des petits pays comme le Pérou et le Chili sont aussi de la fête.

«Le Pérou est dans une classe à part» au chapitre de la croissance, écrit la firme Merrill Lynch dans un récent rapport. En avril, le PIB péruvien a enregistré un gain spectaculaire de 9,3% sur une période d'un an.

Et quatre mois après le tremblement de terre qui a ravagé le pays, détruisant l'équivalent de près de 17% de son économie, le Chili montre déjà une vigueur surprenante.

En avril, l'économie chilienne a rebondi plus fortement que prévu (près de 5% de croissance) à la faveur des plans de reconstruction du pays. Et la Bourse locale caracole, affichant un gain de 11% depuis un an, ce qui la place parmi les meilleures du continent.

Bref, les signes de reprise s'accumulent. Voire de surchauffe.

À l'instar du Brésil et du Pérou, la banque centrale chilienne vient de relever son taux directeur de 50 centièmes - de 0,5 à 1% - au lieu des 25 points centésimaux anticipés. «Cela donne l'impression que la banque centrale perçoit des signes de surchauffe à l'horizon», prévient la firme Moody's dans une note économique.

La demande asiatique

D'où vient cette croissance? Les jaguars latinos profitent notamment de la forte demande de l'Asie pour les ressources naturelles, comme le fer et le cuivre, qui abondent sur le continent.

Aussi, des pays de la région ont renforcé, par des accords commerciaux et financiers, leurs liens avec leurs clients chinois. La Chine a d'ailleurs surpassé les États-Unis, l'an dernier, pour devenir le premier partenaire commercial du Brésil.

La forte consommation domestique, alimentée par un crédit abondant et peut-être excessif, pèse aussi dans la balance économique, surtout au Brésil.

Endettée chronique des années 80-90, grugée par l'hyperinflation et une pauvreté troublante, l'Amérique latine est donc en train de changer radicalement son image.

Évidemment, des problèmes persistent, dont les inégalités sociales, le piètre état des infrastructures ou le trafic de la drogue. Sans compter que des économistes croient que la fiesta latino risque de s'essouffler rapidement.

Il reste que «la région vient de connaître une transformation rapide et profonde», souligne M. Moreno, en citant les efforts accomplis sur le plan politique, de l'éducation et de l'environnement qui, laisse-t-il entendre, assureront la croissance future.

À l'heure où les bonnes nouvelles se font rares dans le nord des Amériques, on lui souhaite d'avoir raison.