Le Québec a connu au début de 2009 un autre trimestre catastrophique au chapitre des exportations. Selon des chiffres publiés hier par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), l'ensemble des exportations internationales québécoises a atteint 14,4 milliards de dollars au cours du premier trimestre de l'année, un recul de 7% par rapport aux 15,5 milliards observés pour la période correspondante en 2008.

Ce n'est pas tout. Toujours au premier trimestre, les importations du Québec ont atteint 17,8 milliards en 2009, en hausse de 2,3%.

En clair, cela veut dire un déficit commercial de 3,4 milliards en trois mois, comparativement à 1,9 milliard un an plus tôt.

Ces chiffres confirment la rapide détérioration de la puissance commerciale du Québec. Il y a quelques années à peine, la vigueur du commerce international québécois figurait parmi ses indicateurs économiques les plus brillants. Trimestre après trimestre, le Québec dégageait à ce chapitre de solides surplus.

Cette époque est révolue.

Pour la première fois, en 2004, le Québec a enregistré un déficit commercial. Déficit modeste de 600 millions, certes, mais même un petit déficit, quand vous êtes habitué à nager dans les surplus depuis des années, constitue une mauvaise nouvelle. Par la suite, ce fut la descente aux enfers: le déficit commercial est passé à 6,2 milliards en 2005, 11 milliards deux ans plus tard, 16,5 milliards en 2008. C'était moins pire l'an dernier avec 12 milliards, mais il y aurait quelque chose d'incongru à parler d'« amélioration» quand vous êtes aux prises avec un trou de 12 milliards.

Il est toujours hasardeux de risquer des projections annuelles à partir d'un seul trimestre, mais les chiffres publiés hier par l'ISQ sont inquiétants: si la tendance se maintient, on risque de rejoindre et peut-être de dépasser le record de 2008.

Mais comment a-t-on pu en arriver là?

Au premier rang des accusés, notre dépendance envers nos voitures.

Le Québec doit importer toute sa consommation de pétrole. Nous sommes tellement gourmands à ce chapitre que le pétrole est devenu, de loin, le premier produit d'importation québécois. Des pays comme l'Algérie, le Kazakhstan, l'Angola figurent parmi les principaux fournisseurs du Québec. Or, quand le prix du pétrole monte, cela contribue évidemment à détériorer le solde commercial. D'ailleurs, si le déficit de 2009 est moins élevé que celui de 2008, comme on vient de le voir, c'est essentiellement parce que les prix pétroliers étaient moins élevés en 2009.

Comme les prix ont beaucoup plus de chances de monter que de descendre au cours des prochaines années, on peut certainement s'attendre à ce que la situation continue de se dégrader.

Et la dépendance des Québécois n'est pas près de cesser. Après le pétrole, le deuxième produit d'importation québécois est... l'automobile.

Le Québec, comme n'importe quelle société aux prises avec un déficit commercial, pourrait compenser en augmentant ses exportations.

Or, sur ce front, les nouvelles ne sont pas trop encourageantes, et c'est à cause des États-Unis. En 2009, les Américains ont acheté pour 40 milliards de marchandises au Québec (principalement de l'aluminium, des avions et des pièces d'avion). Ce chiffre représente près de 70% de toutes les exportations québécoises. Après les États-Unis, les clients les plus importants sont, dans l'ordre, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France et la Chine. Ensemble, ces quatre pays nous achètent en un an ce que les Américains nous achètent en 51 jours.

De plus, les Américains sont aussi les premiers fournisseurs du Québec, mais leurs exportations n'atteignent que 22 milliards, ce qui laisse un surplus de 18 milliards. Si le Québec est déficitaire dans l'ensemble de ses échanges avec l'étranger, c'est qu'il est dans le trou avec presque tous ses autres partenaires, et que son surplus à l'égard des États-Unis est bien insuffisant pour colmater tous ces trous.

Ces quelques chiffres illustrent bien l'importance des États-Unis pour les exportateurs québécois. Or, il se trouve justement que ce marché essentiel est lui-même aux prises avec les difficultés que l'on sait. On vient de voir que les exportations québécoises aux États-Unis ont atteint 40 milliards l'an dernier. C'est bien. Mais il faut savoir que l'année d'avant, c'était 51 milliards. Le recul est dramatique, et la tendance semble vouloir se maintenir: pour le premier trimestre de 2010, les exportations québécoises aux États-Unis chutent de 9% par rapport au même trimestre en 2009. Ces 9% représentent un autre milliard de dollars de déficit.

Tout cela est tragique. Chaque dollar de surplus commercial contribue à maintenir et à créer des emplois ici. Chaque dollar de déficit commercial contribue à maintenir et à créer des emplois ailleurs. Imaginez, à coups de 12 ou 15 milliards par année...