Pauline Marois passera quelques jours dans le Sud la semaine prochaine, mais pas sur une plage.

Elle débarquera plutôt à Port-au-Prince pour un séjour qui a toutes les allures d'une visite officielle, sans toutefois porter ce nom. Surtout pas.

Il s'agit d'un grand coup pour Pauline Marois, qui aura des entretiens privés avec le président, René Préval, et le premier ministre, Jean-Max Bellerive, en plus de rencontrer des ONG québécoises sur place.

 

L'affaire est cependant passée à un cheveu de provoquer un incident diplomatique.

Chaque fois qu'un chef péquiste rencontre des chefs d'État et de gouvernement à l'étranger, Ottawa est sur les dents. Que l'on se rappelle seulement la visite de Lucien Bouchard à Mexico en 1999 et toutes les visites hautement médiatisées des leaders péquistes à Paris.

Cette fois, Ottawa a bien failli s'en faire passer une...

C'est que le bureau de Pauline Marois avait décidé de «passer sous la radar», de ne pas jouer le jeu et de ne pas informer le gouvernement canadien. Selon le Parti québécois, il s'agit d'une visite privée de la chef de l'opposition officielle, pas d'une visite officielle du premier ministre du Québec.

L'affaire a commencé par un projet de visite du député de Deux-Montagnes, Benoît Charette, qui a vécu jadis en Haïti, visite à laquelle Mme Marois a souhaité participer. De là, les contacts ont été établis avec le gouvernement haïtiens et des rencontres ont été prévues.

Vrai, il ne s'agit pas d'une visite officielle, mais Ottawa est néanmoins chatouilleux sur ce genre de choses.

Dans le contexte très particulier des relations canado-haïtiennes post-tremblement de terre, le ministère des Affaires étrangères et l'ambassadeur du Canada en Haïti, Guy Rivard, auraient bien aimé, au minimum, être informés de la visite de Mme Marois. De sources sûres, j'ai appris qu'ils n'en savaient rien il y a deux jours encore.

Comme le monde politique est petit entre Québec et Ottawa, encore plus petit dans le triangle Ottawa-Port-au-Prince-Québec, la chose s'est évidemment ébruitée et le fédéral est intervenu.

L'ambassadeur Rivard, diplomate influent à Port-au-Prince (et incontournable pour le gouvernement haïtien), a donc offert hier son plein soutien au bureau de Pauline Marois pour faciliter les rencontres. Normalement, M. Rivard devrait assister aux entretiens, ce que voulait éviter le PQ parce que ce genre de chaperonnage a toujours dérangé les souverainistes.

Le gouvernement haïtien sait toutefois où sont ses intérêts et il ne mordra pas une des généreuses mains qui le nourrissent. Le gouvernement Harper vient tout juste d'annoncer, à l'ONU la semaine dernière, 400 millions de plus pour Haïti. Difficile pour le président René Préval et son premier ministre Jean-Max Bellerive de passer «par-dessus» Ottawa pour organiser une rencontre de courtoisie avec la chef du mouvement souverainiste.

Pauline Marois fera donc ses premiers pas internationaux en terrain accidenté, au propre comme au figuré.

Jusqu'à mardi, le PQ affirmait ne pas avoir besoin de se dédouaner auprès d'Ottawa puisqu'il s'agissait d'une visite d'amitié et que l'opposition officielle à Québec ne peut évidemment rien offrir à un pays étranger.

En se rendant à Port-au-Prince, Pauline Marois n'a pas seulement surpris Ottawa, elle prend aussi le gouvernement Charest de vitesse.

Très actif dans les jours suivant le tremblement de terre du 12 janvier, le gouvernement Charest a notamment obtenu une clause auprès d'Ottawa pour élargir le concept de réunification des familles.

Depuis, toutefois, des critiques fusent au sein de la communauté haïtienne et, surtout, du côté du Parti québécois, contre la lenteur du processus.

De plus, aucun membre du gouvernement Charest ne s'est rendu en Haïti, près de trois mois après le séisme.

Le PQ, de son côté, a visiblement décidé de se démarquer, et d'Ottawa et du gouvernement Charest, en épousant la cause haïtienne.