Selon plusieurs personnes oeuvrant dans le secteur de la santé, le réseau est une nouvelle fois en crise. Les urgences débordent, des patients meurent faute d'être opérés ou soignés à temps. Pourtant, depuis 2003, le gouvernement du Québec a ajouté 7,6 milliards au budget de la santé. De plus, le nombre de médecins et d'infirmières en poste a augmenté. Alors, qu'est-ce qui cloche ? Faites-nous part de votre opinion.

VOS COMMENTAIRES 

Remise en question globale du système

Il y a plusieurs causes aux difficultés à obtenir des soins rapides et humains en santé. Étant moi-même médecin avec 40 ans de pratique, je peux affirmer qu'une des premières causes est la pratique de la médecine elle-même, surtout celle pratiquée par les médecins: ils prescrivent à outrance des examens de laboratoire et de radiologie en nombre inimaginable à un coût faramineux se fiant très peu à leur jugement clinique.

Pourquoi? Parce qu'ils ont peur des poursuites et des erreurs qu'ils pourraient commettre et aussi pour donner l'impression au patient qu'ils s'occupent vraiment de lui. Or, sur le nombre d'examens demandés, il est à peu près certain qu'un des examens sera anormal. D'où autre visite et autres examens et délais d'attente. Devant un enfant qui fait de la fièvre à l'urgence pourquoi lui prescrire d'emblée, comme plusieurs le font, une formule sanguine, une analyse d'urine, une ponction lombaire, une radio des poumons, des enzymes hépatiques, un monotest, une sédimentation, etc..? On pourrait d'abord questionner, examiner et se fier à son expérience et à son sens clinique.

Tous ces examens de laboratoire entraînent des délais et des traumas chez les enfants et les parents, sans parler des coûts.

Les médecins spécialistes sont des champions dans ce domaine.

Ensuite, le monde médical n'encourage pas l'auto prise en charge. Mais non, il faut consulter au moindre bobo. Tout d'un coup que... Alors, on perd la confiance en soi en tant que parent ou que simple être humain ayant un certain bon sens.

Le public ainsi éduqué a tellement peur qu'il consulte souvent sans raison sérieuse, mettant ainsi le pied dans le système de santé et son engrenage: consultations multiples, examens, prise de médicaments. Ce qui provoque des secondaires de certains médicaments et donc, d'autres consultations et d'autres médicaments.

N'oublions pas qu'un patient sortant d'une consultation médicale sans prescription, va se considérer mal soigné et ira consulter ailleurs.

Nous sommes dans une société de consommation et le système de santé est une entreprise de consommation.

Le patient est encouragé à consommer, le médecin est encouragé à prescrire des médicaments dispendieux par les représentants pharmaceutiques. N'oublions pas que la formation médicale des médecins en cours d'emploi est assumée par les compagnies pharmaceutiques. C'est la même chose pour la recherche médicale. Vous entendrez très rarement parler d'une recherche sur les vertus de l'ail dans telle ou telle maladie. Une autre cause importante à l'engorgement des urgences est et a toujours été le manque de lits pour soins de longue durée et pour convalescence et réadaptation. Nous avons besoin de lits d'hébergement.

Tout l'argent est mis dans les hôpitaux de soins aigus et leurs nombreux médecins. On met de côté la prévention.

Le premier geste du ministre de la Santé, Philippe Couillard, neurochirurgien ne connaissant rien à l'administration, a été de fusionner les hôpitaux avec les CLSC et les centres d'accueil, mettant fin à la vocation préventive de ceux-ci et mettant dans les mains des médecins et des hôpitaux la réflexion sur la santé.

Nous, les Canadiens français, aurait-on par hasard un problème de capacité administrative. Nous n'avons qu'à regarder notre incapacité à construire un CHUM depuis 20 ans, alors que les anglophones sont prêts depuis longtemps.

Et notre problème ne serait-il pas pire lorsqu'il s'agit de médecins?

Jean Blouin, médecin, Beloeil





L'inconscience généralisée

On se demande depuis plus de vingt ans ce qui cloche dans notre système de santé. J'y travaille depuis plus de trente ans. Il est impossible de fournir un service adéquat aux gens qui en ont besoin, si le système est encombré par des profiteurs du système.

Il y a vingt ans, les médecins n'avaient pas besoin de prescrire une flopée d'examens pour soigner le mal de vivre ou la fatigue causée par une vie trop mal gérée. On ne courrait pas à l'urgence aussitôt que l'on se faisait une coupure, une entorse, ou que nous avions un mal de tête. Les parents savaient soigner leurs enfants sans prendre panique aussitôt qu'un bouton surgit sur une fesse. Nous n'avions pas besoin d'un spécialiste à chaque résultat de laboratoire un peu anormal. Tous les médecins devaient être affiliés à un hôpital et y faire de la garde à l'urgence. Et bien d'autres exemples pourraient remplir une page entière.

Ce qui cloche dans notre système de santé? C'est l'ignorance des coûts et l'irresponsabilité de chacun, médecins comme citoyens, qui font exploser le budget de la santé. Il y a trop d'examens inutiles prescrits sans aucun contrôle. Trop de médicaments distribués sans contrôle. Trop de consultations spécialisées sans contrôle.

On distribue à pleine poche les cartes d'assurance maladie aux nouveaux arrivants, qui n'ont à débourser aucun cent pour ce faire et qui n'ont jamais participé au financement.

Pour ma part, tant que nous n'aurons pas de gouvernants assez courageux pour mettre en place un ticket modérateur, nous ne connaîtrons que l'escalade de l'exploitation du système. On se doit d'éduquer la population des coûts que l'exagération engendre et responsabiliser chacun de nous à utiliser les services de santé à bon escient.

On doit encourager les gens à se prendre en main en leur apprenant comment se garder en santé. On doit les rendre responsables de leurs excès ( drogue, alcool, cigarette...)

On se doit de fermer le robinet. C'est comme le gaspillage que nous faisons de l'eau. On croit que cette denrée est éternelle, pourtant...

Je crois également que la rémunération des médecins à l'acte est totalement inacceptable. Qu'est-ce que ce serait si les infirmières, les technologues et autres professionnels étaient payés ainsi? Les spécialistes proposent de vendre nos ressources naturelles, entre autres, pour engrosser leurs déjà obèses salaires. Ce sont les travailleurs les plus choyés de notre système. Ils ont leur salaire assuré, leur clientèle assurée, leur emploi assuré... et quoi encore!!!

Si nous désirons continuer à conserver l'universalité de notre système de santé qui fait envie à de multiples pays, il nous faut des politiciens capables de prendre des décisions drastiques, mais qui seraient certainement salutaires.

Et cesser de mettre sur le dos de la population vieillissante tous les maux de la terre.

Si la vie de fou que nous acceptons de faire nous empêche de prendre soin de nos parents au lieu de les parquer dans les urgences afin qu'on leur trouve une place dans une boîte à mourir, nous n'avons que nous-mêmes à blâmer.

Il nous reste à souhaiter que quelqu'un se lève et ferme un peu le débit du robinet, en santé comme dans le programme de gratuité des médicaments.

Ce qui me chagrine le plus, c'est que nous entendons tellement de commentaires négatifs sur les hôpitaux, les services offerts et la qualité des soins, que les gens n'ont plus confiance et manquent énormément de respect vers ceux qui daignent encore vouloir les soigner. Les professions médicales ne sont plus tellement attrayantes pour les jeunes. Qui voudrait aller travailler dans un monde qui ressemble à un champ de bataille. C'est comme aller à la guerre tous les jours. Il faut le vivre pour le comprendre.

Francine Gagnon, Lanaudière

La bonne volonté

Je suis physiothérapeute depuis 20 ans. Je travaille dans le secteur public et le secteur privé. J'ai ce choix. J'ai cette chance.

Je suis consciencieux, j'aime ma profession et elle me le rend bien. Ce n'est pas toujours facile, mais qui a dit que la vie était facile?

Qu'est-ce qui cloche en santé? J'ose le manque de bonne volonté. Avant de vous moquer, prenez le temps lire. Après cela, vous rirez si ça vous chante.

Ne craignez rien, je ne vous ferai pas ici l'apologie de Kant. Je suis physiothérapeute, non-philosophe.

La bonne volonté, disais-je. Mais de qui?

Celle des patients d'abord. Des patients qui utilisent les ressources médicales avec discernement. Qui suit les consignes médicales avec plus de rigueur. Qui se responsabilise dans le quotidien. Qui prennent leur santé à coeur. Qui pourra compter sur des parents et amis solidaires.

Celle des professionnels de la santé ensuite. Des professionnels qui se posent des questions sur leur rendement et la qualité de leur travail.

Qui considère que leur devoir est de servir. Qui ne menace pas de quitter la province ou le pays à tout moment.

Celle des politiciens enfin. Des politiciens qui auront le courage de dire que oui, le privé peut exister. Qui permettra aux professionnels de la santé de travailler à la fois dans le secteur privé et le secteur public. Qui voudra d'une finalité meilleure pour l'ensemble de la population du Québec.

En terminant, la bonne volonté est gratuite. Qui dit mieux?

Denis Pelletier, physiothérapeute, Sherbrooke

Élémentaire

Le système ne manque pas d'argent... il manque de jugement!

Patrice Juneau

Qu'est-ce qui cloche en santé?

Un système étatique mur à mur. En éducation, avec la concurrence du privé, les écoles publiques n'ont pas le choix d'essayer de faire mieux. En santé, il n'y a aucune mesure, aucune responsabilité, aucun point de comparaison. En conséquence, les patients souffrent et meurent dans l'indifférence générale, car ces pauvres patients n'ont aucun recours, à moins d'être assez riches pour pouvoir se faire soigner aux États-Unis. Sauf pour les chanceux qui ont des passe-droits, bien entendu, comme dans tout bon système étatique. Quand je vais voir mon dentiste, on me traite comme un roi; quand je vais à l'hôpital, comme un rien du tout. C'est ça la différence quand on paie le juste prix.

Gaétan Léonard





Le gouvernement doit écouter le personnel hospitalier

Je suis infirmière dans un centre hospitalier régional depuis 34 ans. Je sais que depuis plusieurs années, diverses études ont été faites pour contrer les effets de la pénurie d'infirmières. Des solutions concrètes seraient applicables en autres, l'affichage de tous les postes à temps complet (on offre actuellement certains postes de 8jours/28), afficher des postes en fonction des besoins réels d'un service, offrir des remplacements à long terme pour combler les postes temporairement dépourvus de leur titulaire. Il est aussi suggéré d'augmenter le nombre de postes des services de soutien (brancardiers, messagers, réceptionnistes, préposés à l'entretien ménager, etc.) pour permettre au personnel soignant de se consacrer à leurs tâches.

Ces mesures connues ne sont pas appliquées, une question de financement semble l'expliquer. Mais il faut voir que l'argent est là pour payer abondamment du travail à taux supplémentaire (de plus en plus obligatoire) et pour payer le personnel infirmier des agences privées.

Beaucoup d'autres propositions pour contrer les effets de la crise qui perdure proviennent des intervenants du réseau, de leur syndicat ou de leur ordre professionnel. Mais manifestement, les gouvernants ne semblent pas vouloir les entendre.

Depuis le début de ma carrière, j'ai observé la dégradation constante du système de santé. Je serai retraitée dans un an et demi et je ne verrai sûrement pas d'améliorations d'ici mon départ ou dans un proche avenir. Ce constat m'attriste et m'inquiète.

J'ajoute ironiquement qu'heureusement que le gouvernement a fait de la santé, sa priorité! Il aurait peut-être intérêt à la changer pour... la maladie.

Johanne Malboeuf

Les médecins aux patients

L'administration est une science, elle s'enseigne dans les universités.

Que des médecins s'improvisent administrateurs, explique la mauvaise gestion du système de santé.

Les médecins se sont approprié les postes de gestion pour défendre leurs intérêts corporatifs. Il faut les enlever de ces postes et les confier à de vrais gestionnaires. Il faut moins de gestionnaires, mais des gestionnaires mieux payés.

D'autre part, ce sont les médecins (ceux qui pratiquent la médecine) et les infirmières qui tiennent encore à eux seuls et à bout de bras, la qualité des soins dans nos hôpitaux. Je leur dis bravo.

Il faut former plus d'infirmières et leur offrir des conditions de travail qui vont attirer la relève. Ça fait combien d'années qu'on le dit. Comment ça se fait que les gestionnaires ne comprennent pas ça? C'est si simple à comprendre pourtant. Il faut aussi bien payer nos médecins qui pratiquent la médecine pour continuer d'avoir des soins de qualité.

Michel Latour, Montréal

Le droit à l'erreur

Parce que ça va mal dans le système de santé québécois et que des personnes sont mortes dans des attentes interminables dans les urgences du Québec, nous essayons de mettre la faute sur quelqu'un. Je ne crois pas que de faire porter la faute sur qui que ce soit réglera le problème. Nous sommes tous responsables du problème. Chaque fois que l'on rejette une personne, un résident, un patient ou encore un membre du personnel, le problème grossit. Les hôpitaux du Québec ont des listes de plusieurs centaines de personnes sur leurs listes noires et cela n'a jamais rien amélioré. Bien au contraire, ces rejets de personnes expliquent aujourd'hui les pénuries dans les hôpitaux et pourquoi le personnel infirmier se tourne vers les agences privées. «Ghylaine Desrosiers, la présidente de l'Ordre des infirmiers et infirmières du Québec, affirme que le système de santé est géré par la contrainte ce qui crée beaucoup de problèmes. Il n'y a jamais eu autant d'infirmières au Québec. S'il y a pénurie, c'est que le réseau est incapable de les garder.»

Pourtant, il est si simple d'aider son prochain plutôt que de l'écraser lorsque ça va mal. C'est le but de ma lettre aujourd'hui de dire merci à ceux qui m'ont donné la chance de travailler, d'avoir un emploi stable et de ne pas m'avoir écrasé lorsque j'ai été moins capable de soigner. Je veux dire merci à tous ceux qui m'ont aidé à rendre la vie des personnes nécessiteuses de soins plus belles, moins souffrantes et de m'avoir permis de redonner la vie à certains moments. Je veux vous dire merci d'avoir gardé confiance en moi, même si je n'ai pas toujours été à la hauteur de vos attentes. Merci de continuer de faire confiance, car c'est la seule façon de sauver notre système de santé à fonctionner. Il faut croire que si le système de santé québécois a déjà été un des meilleurs systèmes au monde, il est encore possible qu'il le redevienne. Et il le redeviendra lorsque nous aurons compris que les erreurs ne doivent pas servir à rejeter ou accabler une personne (au point d'en faire un autre malade), mais à aider à faire mieux à l'avenir...

Christian Collard, infirmier coordonnateur, Montréal

On a oublié les malades

Ce qui cloche au niveau de la santé, c'est qu'au niveau ministériel on a oublié qu'il y avait des malades. Un ministre qui prend le leadership de son ministère. Un premier ministre qui donne la marge de manoeuvre nécessaire. Réduire la taille du ministère à Québec et donner la place qui revient aux agences de la santé et des services sociaux. Donner également un certain pouvoir aux conseils d'administration des établissements ainsi qu'aux gestionnaires de ces établissements. Réduire le nombre d'études et de rapport. Toutes les statistiques demandées sont-elles nécessaires? Il faut aussi que cessent les incongruités: pourquoi dois-je payer pour une vasectomie ou une ligature de trompes qui ne veulent plus d'enfants. Je reconnais ce droit à ces personnes, mais je ne me crois pas obligé de payer, alors que je paie également pour une insémination in vitro pour ceux qui veulent des enfants. (C'est pour très bientôt)

Une loi sur la santé et les services sociaux d'au moins 600 articles est-elle nécessaire? Un directeur d'établissement doit travailler avec au moins avec soixante-quinze lois... Diminuons la bureaucratie et donnons la place aux malades.

Comme il y a au ministère beaucoup d'études et de rapport, peut-être pourrait-on former un comité avec des gens de terrain - je parle bien de gens de terrain – qui pourrait conseiller le ministre. Ce ne sont pas des imbéciles. Ils savent ce qui se passe dans leurs établissements.

Le ministère pourrait être plus ouvert et reconnaître le bon travail qui s'effectue, car malgré tout il y encore du bon monde dans ce réseau. Cessons de croire que le personnel des établissements travaille par vocation, ce n'est plus nécessairement le cas.

Faisons confiance au personnel professionnel et administratif.

Régis De Roy

Une remise en question s'impose

Infirmière retraitée avant son temps, ayant un ras-le-bol de cette pratique plus bureaucratique que portée aux soins des malades, je crois que le pouvoir médical est bien protégé.

Je pense au chirurgien de garde, conservant sa cédule opératoire du lendemain, mais qui reporte certains patients qui attendent à jeun en prévision de leur intervention prévue en après-midi. Le chirurgien est soit fatigué ou veut aller jouer au golf. Il ne déléguera pas ses patients à un autre chirurgien, car son salaire en serait affecté.

Je pense à la trop grande quantité d'examens demandés pour se protéger des éventuelles poursuites.

Je pense à la dépendance des gens à leur médecin, qui eux entretiennent cette infantilisation.

Je pense à la gratuité de tous les services.

Je pense aussi à une place plus grande qu'on devrait laisser aux infirmières pour accélérer certains traitements et réduire le nombre de cadres intermédiaires en nursing qui alourdissent la pratique. Aussi, les infirmières détentrices de baccalauréat dans les salles d'opération pourraient être remplacées par des instrumentistes moins dispendieuses.

Je pense aux salles d'opération, aux appareils de radiologie et des laboratoires qui pourraient fonctionner avec le privé, alors que ce matériel est sous-utilisé.

Je pense aussi au recours à des agences privées, offrant du personnel mieux rémunéré que leurs pairs sur place.

Pourquoi sommes-nous toujours dans le rouge alors que les cadres ont des bonus. Qu'ils se contentent d'être rémunérés comme tout le monde. N'est-ce pas leur choix d'être cadre

Je pourrais continuer la liste, mais les vraies questions ne sont jamais abordées et le gouvernement se lave les mains de tout cela. C'est toujours le même discours et personne n'est capable de se responsabiliser, quel que soit le niveau, alors la population et le personnel est victime des dérapages de plus en plus incontrôlables.

On dirait que le gros bon sens est disparu!

Louise Gosselin, infirmière retraitée

Retourner à l'essentiel

Autant au Québec qu'ailleurs, l'un des problèmes des systèmes nord-américains de santé est la médicalisation excessive des gens. L'interventionnisme trop grand de la médecine moderne. On cherche constamment à repousser l'inévitable par une multitude d'interventions (chirurgies, médicaments, traitements de tout genre) qui sont fréquemment plus ou moins efficaces. La littérature scientifique le démontre, une multitude de chirurgies et d'interventions coûteuses sont inefficaces pour plusieurs «problèmes» de santé. Pourtant, ces interventions continuent d'être pratiquées impunément malgré les évidences démontrant ou suggérant leur inutilité. On fait croire aux gens que ce qu'ils ont est une pathologie alors que bien souvent il ne s'agit que de particularités reliées au vieillissement. On pratique toutes sortes d'interventions pour empêcher quelqu'un de mourir d'un cancer, par exemple, alors que cet individu va mourir pour ainsi dire au même âge d'une autre pathologie. On fait tout pour prolonger la vie, mais tout ce que l'on réussit à faire dans bien des cas c'est simplement changer la cause du décès. On convainc les gens qu'ils sont malades parce qu'ils ont un peu de haute pression ou d'hypercholestérolémie, pour ensuite mieux les médicaliser. Bien sûr, ce n'est pas pour mal faire, c'est ce que le système préconise, c'est que la population demande. Mais c'est aussi parce que le système a créé de si hautes attentes que les gens demandent toutes ces interventions. Il y a une bonne dose d'orgueil et de conflits d'intérêts qui devra tomber pour qu'un réel changement s'opère.

Au-delà du manque de ressources et de main-d'oeuvre, le système de santé nord-américain doit changer de philosophie et retourner à l'essentiel. On doit cesser de médicaliser les gens pour concentrer nos énergies sur les réels problèmes de santé qui mettent la vie des gens sur le fil. Mais surtout, il faut cesser de faire la sourde oreille au message profond contenu dans les recherches scientifiques.

Frédéric Wellens, physiothérapeute, RCAMPT

Pas seulement une question d'argent

Depuis mes débuts je suis partie prenante bien malgré moi de toutes sortes de réorganisations locales, régionales et provinciales du réseau de la santé. Au fil des ans, les gouvernements et les ministres de la Santé se sont succédé. Ils ont tous, sans exception, promis de régler les nombreux problèmes. Le dernier en lice, le gouvernement du Parti libéral du Québec (PLQ) a promis dès 2003, via son chef, Jean Charest que les problèmes du réseau de la santé seraient réglés au lendemain de son élection. Or, nous voici 2548 lendemains plus tard et nous vivons une situation qui semble se détériorer de plus en plus. Monsieur Charest et son cabinet n'ont trouvé rien de mieux que de blâmer le précédent gouvernement pour tous les maux de notre système de santé. En effet, le premier ministre ne cesse de répéter ad nauseam que la pénurie d'infirmières est due aux mises à la retraite instituées par le Parti québécois (PQ). J'étais moi aussi choqué que le PQ ferme sept hôpitaux et offre à des milliers d'intervenants du réseau la possibilité de prendre une retraite hâtive. Mais il faudrait bien en revenir un jour! Le gouvernement du PLQ en place depuis sept longues années n'a jamais pris les moyens pour valoriser, attirer et retenir les divers intervenants du réseau de la santé. C'est bien beau d'investir des milliards de dollars, mais encore faudrait-il que nos élus tentent de comprendre la réalité que les patients et le personnel vivent sur le terrain. Certains gestionnaires présents dans les établissements de santé seraient incapables de vous faire la description de tâches ou le travail accompli par une infirmière, infirmière auxiliaire ou une préposée aux bénéficiaires lors d'une journée de travail. Comment le ministre de la Santé peut-il oser dire qu'il est conscient de notre réalité? Lui qui se fie aux Agences régionales de la santé, qui elles se basent sur les rapports des directeurs généraux d'établissements qui à leur tour font confiance aux constatations des «petits» gestionnaires qui doivent justifier leurs budgets et leurs salaires! Je ne peux vous dire combien de postes détenus par des personnes dispensant des soins directs aux patients ont été abolis ou convertis en postes à temps partiel depuis 2003. Par contre, il m'est facile d'affirmer sans le moindre doute que les postes-cadres n'ont pas fait l'objet de ces mêmes abolitions. Bien au contraire. Il y en a de plus en plus! J'aimerais bien avoir un ministre de la santé qui ne pense pas uniquement à sa future réélection. Un ministre empreint d'empathie envers les malades, qui comprend ce que ces employés vivent jour après jour, eux qui tiennent ce foutu réseau à bout de bras depuis des années. Eux qui ne voient pas d'améliorations ni de volonté politique de vouloir vraiment améliorer les choses. Un gouvernement qui ÉCOUTE ENFIN ses employés. Des élus qui cessent de se chamailler et travaillent ensemble afin de redonner à la société québécoise ce à quoi elle a le droit de s'attendre: des soins adéquats, humains et accessibles pour tous!

Cela est-il possible? Je commence à en douter sérieusement!

Jean Bottari, préposé aux bénéficiaires depuis bientôt 27 ans dans un établissement du réseau de la santé à Montréal, Saint-Mathais-sur-Richelieu

Réorganiser le travail

Je vois bien comme tous que notre réseau rencontre beaucoup de difficultés, mais je crois fermement que ce ne sont pas tous les points de service qui sont dans la même situation. Beaucoup des problèmes proviennent de l'organisation du travail et cette dernière ne peut se faire que localement. Le meilleur exemple serait la différence entre le réseau anglophone et francophone à Montréal, où il semble manquer incroyablement d'infirmières dans le réseau francophone. Donc beaucoup de lits de fermés, contrairement au réseau anglophone, où les infirmières, sans égard à leur ancienneté, doivent travailler un week-end par mois ainsi que les soirs et nuits. Le réseau francophone a des conventions collectives qui donnent des horaires de jour aux plus anciens et les nouveaux doivent travailler les soirs, les nuits et les week-ends. Qui serait intéressé à travailler sur de si mauvais horaires? Il n'y a pas d'équité. Quand on choisit une profession, on en accepte les conditions de travail. Pensons aux policiers, aux pompiers, aux médecins aux ambulanciers, etc.. Alors, une infirmière qui se voit attitrer strictement des horaires de nuit va essayer d'aller au privé où elle pourra demander un horaire de jour. Elle remplacera alors une infirmière de jour du secteur public qui doit rester tant que la relève n'est pas arrivée et cette relève ne travaillant que le soir en a ras-le-bol et ne se présente pas, alors l'infirmière de jour ne veut même pas commencer son chiffre de jour pour ne pas avoir à faire 16 heures. Ce qui fait que l'hôpital fera appel au privé. Donc pour un huit heures de travail nous avons trois infirmières (celle qui a un horaire de jour, celle qui ne travaille que le soir et celle qui est partie au privé) et une seule d'entre elles travaillera réellement, celle provenant du privé, à un coût plus élevé.

Trouvez l'erreur? Une seule solution: un gouvernement qui n'a pas peur des groupes de pression tels que les syndicats, les corporations, etc. et qui permettrait à chacun des hôpitaux de gérer son hôpital sans contrainte. Mais malheureusement, depuis au moins 30 ans, tant les libéraux que les péquistes ont géré la santé, l'éducation, les routes, les subventions aux entreprises, etc. de la MÊME FAÇON.

Laissez les hôpitaux signer leur propre convention collective et ainsi avoir la possibilité de s'occuper de l'organisation du travail et contrôler réellement leurs finances. Un peu de concurrence entre eux pour recruter de bons candidats à tous les postes et ensuite voir à la productivité, par des évaluations régulières de ses employés. On pourrait tous se promener dans les hôpitaux avec un cellulaire en mode vidéo pour filmer des scènes d'horreur et ici je ne parle pas des patients, mais des travailleurs ou devrais-je dire la non-productivité de certains.

Hélène Lorrain-Tardif, Sainte-Catherine-de-Hatley

Vite, une enquête

Si on retrouve dans la santé la même proportion d'incompétence, de corruption ou de gaspillage que dans les autres sphères de la société, on devrait y retrouver un 30%. Vivement une commission d'enquête sur l'industrie de la maladie pour qu'on arrête d'y dilapider nos richesses. Mais surtout, qu'on arrête d'avoir peur d'être malade!

Noël Gascon



Qui est imputable?

Voici ce qui m'apparaît être le problème majeur en gestion de la santé au Québec et partout ailleurs dans le monde globalisé. Les administrateurs relèvent des gouvernements qui eux-mêmes sont inextricablement liés aux banquiers. Aucun palier n'est imputable sur un plan d'éthique sociale. Le bien-être de la société n'est pas une entreprise corporative qui doit générer des profits de manière capitaliste.

Tout le domaine communautaire est social-démocrate dans son essence politique. Une quantité des avoirs des États doit être géré de manière à ce que les moins bien nantis reçoivent les moyens de fonctionner dans le tissu social, y comprit être en santé. À court terme, on croirait que cela ne se peut sans pertes. À plus long terme, cela amène un roulement des avoirs et donc de l'enrichissement collectif. En fonctionnant, on génère des surplus, la prospérité des uns favorisant la prospérité des autres par mimétisme et biofeedback pour n'en nommer que deux composantes.

Quant au domaine de la santé proprement dit, c'est philosophique.

Notre système s'occupe de maladie. Gageons que si les mêmes moyens visaient des conditions de vie saine, le système lui-même ne serait pas aussi chroniquement malade!

La santé est une qualité et non une quantité. Il en est ainsi pour la culture, l'éducation la sécurité sociales et ainsi de suite pour tous les niveaux structurels d'une société humaine. Il semble que les livres comptables aient oublié la colonne facteur humain. Portez-vous bien!

Lise Pilon, Laval

Défoulement

Les autres pays viennent chercher nos médecins, nos infirmières, mais le Québec ne le fait pas à l'extérieur, pourquoi...

Eh bien ici, les syndicats sont trop puissant, les organisations médicales qui refusent de laisser un pouce de pouvoir, les médecins qui refusent les super infirmières, qui refusent les immigrants médecins et infirmières en mettant des millions de barrières à l'entrée. Ils sont chauffeurs de taxi avec un doctorat en médecine, des diplômes d'infirmières, mais vous leur demandez de recommencer à zéro toute leur formation.

J'ai une amie aux Philippines, elle est infirmière sans travail et veut venir travailler ici, elle est en train de préparer son examen appelé NCLEX pour travailler aux États-Unis, comment se fait-il qu'on n'ait pas ce genre d'examen de mise à niveau nous permettant d'accepter des professionnels venant d'autre pays... Il est beaucoup plus facile et rapide de former un professionnel en immersion de français que de former une nouvelle infirmière. Ce qui cloche est assez simple, les professionnels qui sont ici n'ont pas le droit de travailler et ceux qui sont ici veulent aller ailleurs pour leur ras le bol des salaires de crèves faims, des obligations d'heures supplémentaires, des obligations de poste dans le fin fond d'un endroit qui ne les intéresse pas, de la pression du gouvernement pour éviter les plus de 24 heures à l'urgence, du public frustré des temps d'attente, de la qualité, des morts inutiles...

Je crois qu'il est temps de faire un ménage dans les pouvoirs excessifs de tous les syndicats au Québec, les solutions sont toutes là, il serait temps que vous bougiez. Peut-être qu'on devrait augmenter la responsabilité ministérielle jusqu'au meurtre prémédité, je vous garantis que les choses changeraient en moins de 24 heures, et ce, sans dépasser les budgets!

À vouloir surprotéger certaines fonctions et certains postes, vous êtes en train de tuer et de faire beaucoup plus de mal que de bien. D'une part, on fait de l'acharnement thérapeutique et d'autre part on laisse mourir des gens pour rien...

Bravo, belle mentalité d'attardé, c'est tout à fait québécois se renfermement sur soi au lieu de s'ouvrir au monde avec des syndicats qui se croient en pensant faire régler des choses... Un anachronisme vieux de 100 ans, la société a changé, nous sommes maintenant un peuple mondial, vous ne pourrez plus jamais revenir en arrière alors changez vos mentalités arriérés...

Vous ne connaissez pas cette expression anglaise: If it's not broken don't fix it. Eh bien! changeons le tout en: Si ça ne fonctionne pas,changeons-lee. Changez vos lois si les lois ne fonctionnent pas...

Jean Deslauriers

Docteur, m'entendez-vous?

En ces temps où l'on ne cesse de répéter que la santé est une priorité, fait-on encore confiance en la capacité du citoyen à prendre en charge sa santé?

Quand je suis dans le bureau d'un médecin, je me pose toujours les questions suivantes: est-il compétent? Puis-je me faire diagnostiquer de façon exacte? Son avis sera-t-il suffisant? Son savoir est-il à jour? Est-il au courant de toutes les ressources disponibles? Quant à moi, si je me pose de telles questions, est-ce la manifestation d'un désir d'une santé parfaite ou est-ce la prise de conscience d'un problème de structure dans le système de santé québécois?

Actuellement axé sur le curatif plutôt que le préventif, notre système de santé est condamné à demeurer dispendieux. Avouons-le: il est difficile d'avoir accès à un renseignement médical précis et sûr sans passer à la «Castonguette». Pour plus d'informations, on réfère au médecin. Il est dit qu'«aux yeux de la profession médicale, l'utilité et l'efficacité du traitement s'établissent selon trois niveaux: connaissance théorique de la maladie et diagnostic médical, connaissance des traitements possibles et de leur efficacité démontrée, connaissance de la personne et de son histoire réelle». Est-ce vraiment cet équilibre qui est atteint dans la réalité?

Le savoir médical semble tellement une chasse gardée que, si l'on avance une information, une lecture, une opinion, il y a de fortes chances qu'on nous dise de ne pas nous ingérer dans le travail du médecin. Mais posséder une certaine connaissance médicale n'engendre pas automatiquement une maladie imaginaire ou une croyance démesurée à la santé parfaite...

En général, les citoyens du Québec possèdent à tout le moins un savoir minimal en matière de santé: quelques notions de biologie humaine, quelques lectures, les conseils plus ou moins fondés de telle ou telle personne. Bien sûr, une connaissance partielle peut fausser notre jugement. Favoriser l'accès à la pleine connaissance médicale du citoyen serait donc une solution grandement souhaitable. Mais sommes-nous arrivés à ce qu'il y a de mieux? Je ne crois pas. Je rêve que les moyens favorisant le préventif surpassent le curatif.

Je ne suis pas un professionnel de la santé et je suis certain qu'une part de ce qui se fait déjà m'échappe complètement. Voilà pourquoi je ne fais pas non plus cette critique comme un repu qui se plaint, mais plutôt comme un simple citoyen qui voit une faiblesse dans ce système de santé qui est le sien... et qui souhaite que tous puissent aisément contribuer au bon fonctionnement de ce système par leurs connaissances et leur intérêt envers leur santé.

Berthold Bernier, Québec

Un réseau inefficient

Le réseau de la santé est d'une complexité énorme. Même chose pour ses problèmes.

Il y a énormément d'argent en santé. Messieurs Couillard et Bolduc l'ont bien dit et répété. Mais, le réseau est clairement inefficient. Les sommes investies ne rapportent pas ce qu'elles devraient en bénéfices sur la santé de la population. Les raisons sont surtout structurelles à mon avis et s'expliquent, entre autres, par les théories économiques.

L'incompatibilité de philosophie:

Les acteurs principaux du réseau, les médecins, sont payés à l'acte. Ce sont des travailleurs autonomes logiquement axés sur la croissance, ou minimalement, le maintien de leur revenu. Comme une entreprise, ils ont des frais à assumer. Le patient représente ici une source de revenus. Revenus qu'il faut accroître pour compenser la croissance des frais. Jusque-là, pas de problème, c'est un modèle économique connu. Il ne faut pas s'en offusquer. Tout acteur agirait ainsi dans un tel modèle économique. Les médecins et spécialistes sont d'ailleurs, pour la majorité, des gens qui font énormément d'heures et ont à coeur le bien-être de leur clientèle.

Le réseau, ses gestionnaires et ses employés, vit plutôt dans une logique d'enveloppe budgétaire. Le patient devient une dépense dans un service qui possède un nombre fini de ressources et de disponibilités. La capacité est limitée. L'offre globale a même tendance à décroître quand le financement ministériel ne couvre pas la croissance des coûts de système (inflation des salaires, des fournitures, des médicaments, etc.). On voit ici l'écart entre les intérêts économiques des deux grands pans de notre système de santé. Ces deux philosophies sont difficilement conciliables.

C'est le médecin, légalement responsable du patient, qui oriente les choix cliniques et génère des coûts dans un système (l'hôpital par exemple) dans lequel il n'a aucune responsabilité ou imputabilité sur les dépenses. Évidemment, ces choix cliniques sont nécessaires, orientés vers le mieux-être du client et basés sur des données probantes issues de la recherche médicale. Mais comprenons qu'il y a une certaine incongruité et un malaise dans un tel fonctionnement.

La situation de monopole: le réseau de la santé est en situation de monopole. Par définition, un monopole est inefficient par l'absence de concurrence qui pousse normalement les organisations à innover, améliorer les façons de faire et trouver des méthodes à moindre coût. Dans un milieu de concurrence et de libre marché, cette absence de remise en question et d'efficience signifie la mort de l'organisation. Notre réseau ne mourra pas mais ne possède, hélas, aucune incitation à innover. Le deuxième fascicule du Comité consultatif sur l'économie et les finances publiques (réuni par le ministre Bachand) mentionnait combien était problématique le financement des établissements sur une base historique et combien, malgré l'apparition d'une certaine reddition de compte des établissements envers le bailleur de fonds, l'imputabilité était faible, car les conséquences sont absentes auprès des gestionnaires inefficaces. Au global, aucun incitatif à bien performer dans le réseau. Aucune récompense pour le champion et aucune tape sur les doigts pour le cancre.

Une structure à trois paliers trop centralisée: un ministère de la Santé et son ministre qui fait de la microgestion et qui gouverne au gré des vagues médiatiques au lieu de coordonner un plan de redressement, de maintenir une gouverne claire à long terme. Des Agences régionales grasses en ressources humaines, déconnectées des réalités terrain. Et des CSSS responsables et imputables de la santé de la population de leur territoire, mais qui ne possèdent aucun moyen d'innover et d'initier des changements majeurs puisque le financement est décidé de haut en bas sur des bases historiques sans égard à leurs besoins particuliers, aux activités et leurs performances réelles. Le meilleur moyen de rendre malade une personne est de la rendre responsable et imputable d'une situation sans lui donner les moyens réels d'agir. C'est impossible.

Le réseau est obèse, lent, bureaucratisé et aurait définitivement besoin d'une cure d'amaigrissement.

Le sous-financement de la première ligne et des activités de prévention de la maladie: la plupart des acteurs du réseau s'entendent pour dire que les patients ne sont pas soignés nécessairement à la bonne place. Parce que la première ligne locale n'est pas suffisamment accessible (exemple, une clinique médicale qui ferme à 16h alors que l'otite du petit pointe en plein souper), la clientèle se tourne vers l'urgence. De l'urgence, normalement, la clientèle accèderait aux unités d'hospitalisation pour complément d'examen, intervention chirurgicale ou autre traitement. Sauf que les lits sont engorgés par des personnes âgées trop hypothéquées pour retourner à domicile et qui attendent une place dans une ressource adaptée à leur condition (résidence avec services, ressource intermédiaire ou centre d'hébergement). Ces ressources ne sont pas en nombre suffisant pour assurer la fluidité de tout le processus. Et même si la personne âgée pouvait poursuivre ses soins à domicile, ce type de service de première ligne dans la communauté est difficilement accessible à pleine hauteur des besoins parce que sous-financé. Ces mêmes acteurs s'accordent pour souligner le sous-financement et le manque d'organisation de la première ligne qui peine à assurer un rôle curatif et encore moins préventif. Les hôpitaux le reconnaissent, mais n'accepteraient jamais de voir amputer leurs budgets pour les transférer vers la première ligne, c'est certain. Le réseau est clairement «hospitalocentriste».

Les enjeux de pratiques professionnelles et d'organisation du travail: les patients sont-ils vus ou suivis par la bonne personne? Le spécialiste conserve-t-il une pratique confortable de patients qui pourraient être suivis par des omnipraticiens? Oui, mais il manque d'omnipraticiens, dira-t-on. Est-ce que les omnipraticiens suivent des patients qui pourraient être desservis par des infirmières praticiennes ou cliniciennes? Oui, mais il manque d'infirmières dira-t-on. Demande-t-on aux infirmières cliniciennes (bachelières) d'exécuter des tâches et des soins de santé de base très techniques alors qu'elles devraient plutôt jouer des rôles de coordination de soins, d'évaluation globale des besoins et de liaison pour assurer la continuité entre les milieux? Eh oui! Est-ce que l'introduction d'infirmières auxiliaires et de commis déchargerait aussi les infirmières pour qu'elles se concentrent sur des tâches à valeur ajoutée propres à leurs compétences? Bien sûr! Y a-t-il des actions pour changer cet état de fait? Non!

Tout ceci illustre les manquements relatifs aux pratiques professionnelles et les problèmes d'organisation du travail. Si les professions infirmières étaient valorisées par des pratiques intéressantes délestées des médecins, la pénurie serait peut-être moins grande, la profession devenant peut-être plus populaire. Mais, d'un point de vue de choix économique, on l'a vu plus tôt, les médecins peuvent difficilement laisser aller des responsabilités et des patients sous peine de voir baisser leurs revenus.

Les solutions: des changements structurels majeurs, un financement totalement réformé des établissements, la mise en compétition des établissements de deuxième et troisième ligne, des changements de pratiques professionnelles associées à une révision des responsabilités légales et une adaptation des cursus académiques des diverses professions de la santé en conséquence.

Réforme du financement des établissements: il faudrait d'abord établir des coûts per capita basés sur des calculs actuariels. Les compagnies d'assurance chez nos voisins du Sud font des bénéfices en calculant intelligemment les risques de consommation de services par rapport aux primes versées. L'idée n'est pas de faire des profits avec notre système de santé. Surtout que les compagnies d'assurance ignorent les citoyens trop à risque en refusant de les assurer. Le Québec se doit de rester juste et équitable avec des soins de santé universels. Il serait avisé de répartir l'enveloppe budgétaire du Ministère ainsi que l'enveloppe RAMQ (qui paie les médecins) vers les CSSS sur la base de calculs actuariels. Ils seraient neutres, équitables, sans pression politique pour favoriser une région ou une autre. Donc un financement per capita relié à l'état de santé, la consommation de services actuelle et les variables démographiques et socio-économiques de la population. Voilà pour le financement de la première ligne.

Les hôpitaux généraux, les hôpitaux surspécialisés (universitaires), les centres de réadaptation et les centres d'hébergement seraient financés par facturation aux CSSS selon les services rendus et selon la provenance territoriale du patient. Par exemple, un citoyen d'un territoire de CSSS donné va à l'urgence d'un hôpital. Celui-ci facturera le CSSS pour les services rendus lors de l'épisode de soins, la chirurgie, l'hospitalisation. On comprend que le CSSS aura tout intérêt (et quantité de moyens, maintenant) pour développer localement des solutions moins coûteuses que le recours à l'urgence lorsque non nécessaire. On comprend aussi que le CSSS s'assiéra avec des gens d'affaires de la communauté pour créer des partenariats intéressants, créer des ressources pour éviter que des patients soient en attente d'hébergement à l'hôpital. À quelques centaines de dollars par jour dans un hôpital, le CSSS a intérêt à bouger vite et faciliter le retour du patient à domicile ou en ressources adaptées. Innovation, innovation...

Les hôpitaux se mettraient quelque peu en compétition puisque le patient deviendrait un revenu. Un peu de mode survie, d'incitation à la performance.

Innovation, innovation...

Bien entendu, il resterait toujours une portion de financement par enveloppe budgétaire puisque les hôpitaux de deuxième et troisième ligne doivent offrir un plateau technique particulier et coûteux.

Diminuer la structure: le Ministère devrait se limiter surtout à assumer son nouveau rôle de financement par capitation (et les calculs nécessaires) et de contrôle des résultats. Les Agences se limiteraient à quelques projets régionaux pour éviter la redondance d'initiatives locales, car ce seraient les CSSS qui, obtenant des moyens intéressants, généreraient des alliances et des projets régionaux. Pour éviter la multiplication de développements coûteux et anarchiques (les 12 CSSS montréalais qui veulent 3 appareils à IRM chacun et 12 nouveaux laboratoires médicaux par exemple), l'Agence continuerait à assurer un rôle de contrôle et de vigie. Ces structures allégées amèneraient automatiquement plus d'argent vers la base, en soins directs.

Changement de pratique: des états généraux sur les pratiques en santé avec les Ordres professionnels et les institutions d'enseignement permettraient de lancer un processus menant à la révision des rôles professionnels et les responsabilités légales. Le Ministère devrait s'inspirer de ces travaux pour légiférer et modifier les fonctionnements actuels.

Hélas, aucun gouvernement n'aura l'audace de démarrer des réformes aussi majeures que celles listées ici. La résistance des hôpitaux et des lobbies syndicaux autant que professionnels serait trop forte. Le coût politique trop grand. Ces solutions sont pourtant en vigueur dans certains pays. Le Québec devrait s'en inspirer.

Paul Lupien





Le système de santé c'est comme l'Afrique

Ça fait des années que l'on envoie de l'argent et rien ne change. Peut-être que cela ne se rend pas au bon endroit. Depuis un certain temps on découvre que plusieurs grandes institutions font des fraudes et le système de santé y échapperait? C'est comme dire que tel ou tel sport n'a pas athlète dopé. Comment se fait-il que le système de santé ne soit pas inquiété par une étude sur la façon qu'est investie, réellement, les sommes données à même nos impôts. Et pourquoi ne pas facturer une franchise, c'est une assurance après tout.

Lise Morin, Saint-Calixte