Saviez-vous que le Curateur public «joue» à la Bourse avec une portion du patrimoine des 12 000 personnes inaptes dont il a la charge? Et ce, avec la bénédiction du ministre responsable du Curateur public, le ministre libéral de la Famille, Tony Tomassi.

Qui dit Bourse, dit automatiquement risque. Résultat: avec son portefeuille d'actions, le Curateur a perdu en 2008 quelque 12,3 millions de dollars, le portefeuille ayant fondu de 30%.

Ce portefeuille d'actions fait partie des fonds collectifs (fonds d'encaisse, fonds de revenus, fonds diversifié) que la Caisse de dépôt et placement gère pour le compte du Curateur public, au nom des personnes inaptes.

Mais ne lançons pas la pierre à la Caisse à dépôt et placement. Ce n'est pas elle qui décide de la répartition des placements du portefeuille du Curateur, à savoir le pourcentage en obligations, en actions, en titres hypothécaires, en placements à court terme. C'est le Curateur public, par l'entremise de son Comité de placement, dont les trois membres sont nommés par le ministre de la Famille.

La Bourse étant risquée par définition, pourquoi le ministre permet-il au Curateur public d'investir en Bourse une portion du patrimoine des 12 000 personnes inaptes dont il a la responsabilité?

À cette question de La Presse Affaires, le cabinet du ministre Tomassi s'est contenté de nous référer au bureau de la curatrice Diane Lavallée. Pourquoi donc le Curateur public prend-il un tel risque avec le patrimoine de sa clientèle?

Réponse de la porte-parole de Mme Lavallée: «Le Curateur public du Québec administre trois fonds: un fonds d'encaisse, un fonds de revenu et un fonds diversifié. Seul le fonds diversifié contient des actions (entre 30 et 35% selon la politique). Au 30 septembre, le pourcentage était de 33%. Appliqué à l'ensemble des trois fonds, le pourcentage de la valeur des actions est de 19%.»

«Comme les personnes détenant des parts du fonds diversifié n'ont pas besoin de leur argent à court terme, cet argent est investi sur un horizon de placement à long terme, ajoute-t-elle. D'ailleurs, au 30 septembre 2009, donc pour les 9 premiers mois de l'année, le fonds diversifié présente une plus-value de 8,6 millions. Le fonds diversifié a pour objectif une protection de la valeur réelle, c'est-à-dire contre l'inflation, du solde des avoirs des personnes représentées, c'est-à-dire ce qui n'est pas requis à court et moyen termes dans les fonds d'encaisse et de revenu.»

Rappelons les faits. Au début de l'année 2008, le portefeuille d'actions du Curateur public totalisait 41 millions de dollars, ce qui représentait 36,6% de l'ensemble des placements du fonds diversifié administré par la Caisse pour le compte du Curateur. Le restant (63,4%) était investi en obligations gouvernementales et de sociétés.

Compte tenu des lourdes pertes subies, le portefeuille d'actions valait seulement 29 millions à la fin de l'année 2008. Il accaparait 28,2% du fonds diversifié.

La curatrice publique nous annonce aujourd'hui que la portion «actions» du fonds diversifié a remonté à 33%, grâce notamment à la plus-value accumulée au cours des neuf premiers mois de l'année.

Eh oui! c'est comme ça en Bourse: parfois on perd, parfois on gagne! La question d'éthique et de gouvernance que je soulève c'est: est-ce que la Bourse est un véhicule de placement approprié pour gérer le patrimoine de gens inaptes?

Les membres actuels du Comité de placement que le ministre de la Famille a nommé pour conseiller le Curateur public sont:

Michel Toupin, président du comité et gestionnaire principal du Fonds commun de placement des Régimes de retraite de l'Université Laval;

Pierre Comtois, président-directeur général d'Optimum gestion de placements;

Gilles Grenier, gestionnaire financier, administrateur de régimes de retraite et conseiller en management.

J'aimerais rappeler au ministre Tomassi, aux membres du Comité de placement et à la curatrice Lavallée qu'ils gèrent le patrimoine de gens totalement démunis.

Qui sont les personnes inaptes à la charge du Curateur public? Voici la description qu'en faisait la curatrice Diane Lavallée, dans une allocution.

Ce sont «des hommes et des femmes dont personne d'autre ne veut ou ne peut s'occuper».

Environ 45% ont une déficience intellectuelle, précise-t-elle, 32% souffrent de troubles mentaux graves et persistants, 16% sont atteintes de maladies dégénératives et 7% vivent avec les séquelles d'un traumatisme crânien ou d'une autre cause d'inaptitude. Les personnes de 65 ans ou plus représentent un peu plus du tiers des citoyens inaptes qui sont sous le régime de protection public.

La Bourse ne me semble vraiment pas appropriée pour ces gens.