Il y a des déficits, mais la loi est respectée! Le budget déposé en mars 2009 par la ministre Jérôme-Forget tranche nettement avec ces cachotteries.

Aux prises avec la récession que l'on sait, la ministre le reconnaît franchement: le gouvernement ne pourra pas s'en tirer sans déficit. Ses prévisions font donc état d'un déficit de 3,9 milliards cette année, 3,8 milliards l'an prochain, 2,6 milliards dans deux ans et 1,3 milliard en 2012-13. En tout, il y a en pour plus de 11 milliards. Ces chiffres entrent en contradiction flagrante avec la loi anti-déficit de 1996. Le gouvernement n'avait donc pas le choix. En mai 2009, Raymond Bachand, successeur de Mme Jérôme-Forget, dépose le projet de loi 40, qui autorise le retour aux déficits. Mais le projet est mal défini et surtout, il tombe mal. De toutes les provinces canadiennes, c'est le Québec, et de loin, qui doit supporter la plus lourde dette: ses déficits accumulés représentent 32,5 % du produit intérieur brut (contre 18,1 % pour l'Ontario). Et le budget de Mme Jérôme-Forget demeure très vague sur la façon de retrouver l'équilibre. Certes, elle annonce une hausse de la taxe de vente à compter de 2011, ce qui lui rapportera 4,2 milliards en quatre ans. Elle compte sur la lutte contre l'évasion fiscale pour augmenter ses revenus de 2 milliards. Cela reste à voir. Enfin et surtout, elle compte sur d'» autres mesures à identifier», sans préciser davantage, pour améliorer les équilibres financiers de 8,4 milliards, toujours en quatre ans.

C'est sur cette précaire toile de fond que le projet de loi 40 est débattu en commission parlementaire, en mai et juin. L'opposition péquiste, pilotée par François Legault, réussit à obtenir une concession de taille du ministre Bachand. La loi devra préciser clairement que le gouvernement devra recouvrer l'équilibre au plus tard en 2013-14 (le version originale ne comportait pas d'échéancier, ce qui est en soi assez étonnant). Pour le reste, la commission s'est tenue dans un climat de forte tension. Aujourd'hui, Raymond Bachand n'a pas tout à fait tort de dire que les choses n'avancent pas. «En 50 heures de travaux», dit-il, «on n'a réussi qu'à adopter un seul article jusqu'à maintenant».

Et comme l'opposition péquiste, du moins aux yeux du gouvernement, ne semble pas mieux disposée aujourd'hui qu'en juin dernier, le meilleure façon de dénouer l'impasse est d'imposer le bâillon.

Ce n'est pas certain. Les prétextes évoqués par le gouvernement demeurent fragiles. D'un autre côté, il est irréaliste de demander au gouvernement de décrire maintenant les décisions qu'il devra prendre dans deux, trois ou autres ans.

L'important, c'est la contrainte du calendrier: Québec s'y prendra comme il voudra, mais il est maintenant tenu par la loi d'éliminer le déficit en 2013-14. Dans l'état de délabrement où sont retombées les finances publiques québécoises, c'est bien la moindre des garanties qu'on peut accorder aux citoyens. Il reste à savoir, seul l'avenir le dira, si cette garantie sera respectée.