Pour perdre des amis, il n'y a rien de pire que de perdre de l'argent en Bourse. Imaginez le nombre d'amis que le «vrai» Jean Coutu a dû perdre depuis les cinq dernières années alors que le titre de son empire a littéralement fondu.

J'invite les actionnaires à jeter un coup d'oeil au «Graphique de la performance» que le Groupe Jean Coutu publie à la page 25 de la circulaire de la direction, portant sur l'assemblée annuelle de demain. Que vont-ils constater? Ils vont découvrir qu'un placement de 1000$ dans des actions de Jean Coutu ne vaut, après cinq ans, que la modique somme de 520$. On parle donc d'une perte de 48%.

Une même somme d'argent investie au début de juin 2004 dans l'indice composé S&P/TSX de la Bourse de Toronto vaut aujourd'hui 1090$. Vous allez me dire: 9% de plus-value en cinq ans, ce n'est pas fort! Vous avez raison. Mais c'est quand même mieux qu'une perte de 48% avec les actions du groupe Jean Coutu.

Si ça peut servir d'avertissement aux sociétés canadiennes qui veulent conquérir les États-Unis, rappelons que la déconfiture boursière du Groupe Jean Coutu est notamment attribuable à l'acquisition américaine colossale des pharmacies Eckerd.

Il y a deux ans exactement, le Groupe Jean Coutu décidait finalement de changer les destinées de son rêve américain et vendait lesdits réseaux à la chaîne Rite Aid. Mais la mégatransaction de quelque 3,4 milliards de dollars comprenait une importante portion en actions de Rite Aid. Eh oui! Jean Coutu est devenu par la force des choses le principal actionnaire de la chaîne de pharmacies américaine Rite Aid, en détenant 250 millions d'actions ordinaires, soit 32% des actions en circulation.

À l'époque, ce bloc d'actions de Rite Aid était évalué à 1,6 milliard, soit 6,55$US l'action.

Le 23 février dernier, l'action de Rite Aid touchait un niveau plancher de seulement 20 cents. Ce placement de 1,6 milliard US de Jean Coutu dans les actions de Rite Aid ne valait plus que 50 millions de dollars... À cause de quoi? De plusieurs facteurs: un bilan financier grandement déficitaire; une très lourde dette à supporter et à refinancer; la déprime généralisée de Wall Street et d'autres grandes boursières dans le monde; la récession; etc.

Au début de l'année, la survie de Rite Aid ne tenait qu'à un fil... selon les rumeurs boursières.

Quatre mois plus tard, soit le 5 juin dernier, l'action de Rite Aid allait toucher un haut annuel de 1,97$. Elle s'échange ces temps-ci autour de la barre des 1,40$, voire sept fois son creux de février dernier.

Cette spectaculaire hausse du titre de Rite Aid a évidemment bien servi le titre de Jean Coutu, lequel a touché lui aussi son haut des 52 dernières semaines à 9,95$ au début de juin dernier. Le titre s'échange présentement autour des 9,50$.

C'est tout de même 2,00$ de plus que le prix de levée des blocs d'options attribués le 19 janvier dernier à une dizaine de hauts dirigeants du Groupe Jean Coutu.

Les 10 dirigeants se sont partagé 244 360 options, à un prix d'exercice de 7,45$ l'action. Ils ont 10 ans pour lever lesdites options et encaisser leurs gains...

C'est demain, lors de l'assemblée annuelle, que les actionnaires en apprendront davantage sur les remèdes mis en place par le «vrai» Jean Coutu, ses fils et leurs collègues de la haute direction pour requinquer le titre.

Sur les 10 analystes des maisons de courtage qui suivent les péripéties du Groupe Jean Coutu, sept en recommandent l'achat, avec un prix cible allant de 10,00$ à 11,00$. Les trois autres analystes sont plutôt au «neutre».

Comment explique-t-on le regain d'optimisme des analystes envers le Groupe Jean Coutu?

Ce sont les perspectives de redressement de la situation financière de Rite Aid qui les rend de si... bonne humeur envers Jean Coutu.

Mettez-vous à leur place. Le Groupe Jean Coutu détient 250 millions d'actions de Rite Aid. La moindre hausse du cours de l'action de Rite Aid vient inévitablement donner du tonus à l'action de Jean Coutu (PJC.A).

Voilà un remède efficace!