On ne pourra pas accuser Bob Gainey d'être resté assis sur son steak.

Souvent blâmé pour sa tendance à dormir au gaz quand arrive le 1er juillet, le directeur général du Canadien a été carrément hyperactif sur le marché des joueurs autonomes, hier, en embauchant Mike Cammalleri, Brian Gionta, Jaroslav Spacek et Hal Gill, 24 heures après avoir conclu la transaction qui a amené Scott Gomez à Montréal.

Gainey a semé les dollars aux quatre vents: les contrats des cinq nouveaux venus valent plus de 100 millions! Mais le Canadien nouveau, s'il est nettement plus jeune, est-il meilleur que l'équipe qui s'est fait battre en première ronde des séries par les Bruins, il y a trois mois?

La réponse est pas mal moins évidente que la volonté clairement exprimée de Gainey de faire table rase du passé. Une volonté qui en dit d'ailleurs long sur le peu de bien qu'il pensait d'une équipe qu'il avait lui-même assemblée. Il vient carrément de désavouer son dernier plan quinquennal.

Cela dit, l'embauche de Scott Gomez est une excellente nouvelle pour le CH - même s'il est l'un des joueurs les plus surpayés de la LNH, avec Brad Richards, Brian Campbell et Daniel Brière.

Plus rapide et surtout plus jeune (29 ans) que Saku Koivu, le joueur de centre américain est un habile fabricant de jeux et il est rarement blessé (32 matchs manqués en neuf saisons). Il est efficace en séries éliminatoires et, détail important quand on connaît les difficultés qu'éprouve le CH à attirer des joueurs autonomes à Montréal, son contrat est encore valide pour cinq saisons.

L'arrivée de Gomez a aussi eu pour conséquence positive de contribuer à convaincre Cammalleri et probablement Gionta de signer un accord avec le Canadien. On ne blaguait pas quand on vous disait que le CH devait impérativement envoyer un message aux joueurs autonomes en concluant une importante transaction...

Si Gomez parvient à établir une bonne complicité avec Camalleri à l'aile gauche - l'expérience au New Jersey montre déjà qu'il s'entend à merveille avec Gionta du côté droit - le premier trio du Canadien devrait être très productif.

L'embauche de Gionta et surtout de Cammalleri, un des cinq plus jeunes joueurs autonomes disponibles hier, devrait théoriquement atténuer de beaucoup le sentiment d'incompréhension, pour ne pas dire de colère, qui habitait nombre de partisans du CH après l'annonce de l'acquisition de Gomez. Il était évident que celle-ci n'était qu'une première étape.

Sauf que Bob Gainey a échoué à combler une attente importante qu'il avait lui-même créée chez les amateurs. La semaine dernière, le DG du Canadien a déclaré publiquement son désir d'acquérir un «gros joueur de centre» pour animer son premier trio. Or, personne n'osera jamais accoler une telle étiquette à Gomez, qui fait cinq pieds 11. Et encore moins à Cammalleri, qui peut aussi jouer au centre, mais qui concède deux pouces à son nouveau coéquipier.

Ces gars-là ont du chien, c'est vrai, y compris Gionta, le plus petit joueur du CH depuis Mats Naslund (un autre qui ne manquait pas de tonus). Mais ajoutez Tomas Plekanec et Sergei Kostitsyn et ça commence à faire pas mal d'attaquants qui devront «jouer gros» pour que le Canadien ait une chance de bien faire.

Le CH comptera encore une fois sur une équipe très rapide, mais avec des attaquants format de poche qui risquent de trouver le temps long les samedis soirs à Toronto, quand Mike Komisarek va les écraser dans la baie vitrée. Et ça ne sera pas plus gai à Boston ou à Philadelphie, où Zdeno Chara et Chris Pronger auront les hanches à la hauteur du visage de plusieurs attaquants du Canadien.

Parlant de Komisarek, il est évident qu'il ne voulait pas revenir à Montréal. Comme bien des observateurs, je pensais que l'addition d'un défenseur comme François Beauchemin aurait été la solution idéale pour le Canadien, surtout que l'occasion était belle d'ajouter un peu de «contenu local» à une équipe qui risque d'en manquer cruellement (Laraque, Maxim Lapierre et Guillaume Latendresse sont les seuls joueurs québécois qui restent).

Mais je ne déchirerai pas ma chemise à cause de l'embauche de Jaroslav Spacek. Il est beaucoup plus complet que Komisarek. Quatre millions et demi pour Komisarek - son salaire à Toronto - c'est cher pour un joueur qui excelle pas mal plus sans la rondelle qu'avec elle. Spacek relance bien l'attaque, il a un bon lancer et peut jouer en supériorité numérique, où il devrait profiter des belles passes d'Andrei Markov.

J'ai par contre de gros doutes sur Hal Gill. Sa principale vertu sera sans doute de faire passer Guillaume Latendresse pour une gazelle. C'est bien beau son expérience des finales de la Coupe Stanley à Pittsburgh, mais plus lent que ça, tu as pris ta retraite depuis 25 ans.

L'autre grande inconnue, c'est la fameuse «chimie». Les équipes qui ont multiplié les embauches de joueurs autonomes (les Penguins au retour du lock-out ou encore le Lightning l'année dernière, par exemple) sont loin d'avoir toujours produit des résultats à la hauteur des espérances de leurs dirigeants...

La responsabilité d'implanter le système de jeu qui permettra d'établir cette cohésion reviendra à l'entraîneur Jacques Martin. Il a une grosse commande sur les bras.

Sur ce, je vous quitte pour un petit moment. Je vous retrouverai au début de l'automne. Un merci spécial à Bob Gainey, dont le magasinage compulsif d'hier me permet de partir l'âme en paix...