Le FMI n'envisage pas la fin de la récession en Europe avant la mi-2010. La Banque centrale européenne croit au contraire que la machine est sur le point de redémarrer, peut-être avec une force surprenante. Qui dit vrai?

Huit mille nouveaux chômeurs... par jour.

Le chiffre fait peur. L'Espagne, l'économie européenne ayant connu la plus forte croissance au début des années 2000, est littéralement noyée sous un flot de travailleurs qui cherchent du boulot.

En un an, le territoire espagnol a perdu 1,8 million d'emplois, soit la moitié du chômage additionnel de toute l'Union européenne. En 2007, elle faisait l'envie de ses voisins pour avoir créé environ 40% des emplois de la zone euro. Dix-huit mois ont suffi pour voir le taux de chômage passer de 8% à plus de 17%.

L'hémorragie du marché du travail en Espagne illustre à quel point les problèmes de l'Europe sont sérieux et profonds. Vendredi, on apprenait que l'économie européenne s'est contractée de 2,5% au premier trimestre - une baisse sans précédent.

Malgré les signes encourageants qui émergent ici et là sur le Vieux Continent, la reprise économique n'est pas pour demain, prévient l'économiste américain et Prix Nobel 2001, Jospeh Stiglitz.

La fin d'une économie en «chute libre» ne doit pas être confondue avec les signes de reprise, prévient M. Stiglitz dans une allocution prononcée au Portugal, il y a quelques jours. «Nous passons d'une situation extrême de chute libre, seulement, à une profonde récession». Un avertissement, ajoute-t-il, qui peut s'appliquer à l'ensemble de l'économie mondiale.

Trichet l'optimiste

Cette opinion tranche avec les propos rassurants qu'a tenus, il y a une semaine, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet.

L'économie mondiale se trouve à un tournant, soutient le grand argentier, et la conjoncture dans certains pays est déjà marquée par une reprise.

«Nous nous approchons, en ce qui concerne la croissance, d'un point d'inflexion», a dit M. Trichet à l'issue de la réunion du G10, ajoutant que «dans certains cas, nous voyons déjà une reprise».

M. Trichet a même averti ses confrères des autres banques centrales qu'il fallait demeurer «vigilant» face à une remontée rapide de l'inflation. Autrement dit, la machine économique va non seulement redémarrer, elle risque de s'emballer.

Pas si vite

Toutefois, à peine 24 heures plus tard, l'optimisme de monsieur Trichet a été battu en brèche par le Fonds monétaire international. Le FMI n'entrevoit aucun signal clair d'un retournement de la conjoncture.

«Même si, ici et là, on observe ponctuellement de meilleurs indices, il est trop tôt pour parler d'inflexion», a martelé le directeur du FMI pour l'Europe, Marek Belka. Bref: le grand patron de la BCE porte des lunettes roses.

Qui a raison alors? La BCE? Le FMI?

La réponse la plus fiable, encore une fois, se trouve quelque part entre les deux, nous disent les meilleures boules de cristal de la planète.

Les pays les plus riches du monde devraient sortir de la récession cette année. Mais leur retour à la croissance n'aura rien de spectaculaire, montre une nouvelle enquête de l'agence Reuters auprès de 200 économistes européens, japonais et américains.

Aussi, ces experts répugnent à valider l'idée fréquemment admise sur les marchés boursiers d'une reprise plus rapide qu'attendu dès le deuxième semestre.

L'optimisme dont font preuve les investisseurs, ces derniers temps, repose avant tout sur leurs impressions et sur des enquêtes réalisées auprès des entreprises... mais sur bien peu de statistiques convaincantes.

S'il est clair que la Chine va dégager une croissance appréciable en 2009 et en 2010, les perspectives pour les États-Unis, la zone euro, et le Royaume-Uni ne se sont pas améliorées de façon convaincante depuis le mois dernier, soulignent les répondants de l'enquête.

«L'heure est davantage à la célébration de contractions inférieures aux attentes qu'à celle de retours à la croissance», poursuit Erik Nielsen, chef économiste pour l'Europe chez Goldman Sachs.

D'ailleurs, le camp des ultra-optimistes a été brutalement rappelé à l'ordre, mercredi dernier. On apprenait alors que la production industrielle de la zone euro (donc des 16 pays qui partagent la même devise) a chuté de 20% en mars (variation annuelle). Un plongeon brutal et inquiétant.

Le Nobel Joseph Stiglitz rappelle que l'économie a été sérieusement endommagée par la crise financière. «Je comprends que les hommes politiques veuillent transmettre un sentiment de confiance, mais la confiance doit se baser sur un certain degré de réalité. Et la réalité n'est pas favorable».

Le message à retenir: il faudra être patient.