Hier, le salaire minimum au Québec est passé de 8,50$ à 9,00$ l'heure.

Huit autres provinces ont également profité du 1er mai pour faire la même chose.

Avec ces changements, la province la plus généreuse est maintenant l'Ontario, avec 9,50$. À l'autre bout de l'échelle, trois provinces, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, n'offrent que 8,00$.

L'occasion est peut-être bien choisie pour rappeler qu'au Québec, le salaire minimum augmente moins rapidement qu'ailleurs depuis 10 ans.

 

Entre mai 1999 et aujourd'hui, le salaire minimum québécois est passé de 6,90$ à 9,00$, une progression de 2,10$ ou 30%. En Ontario, la hausse correspondante est de 39%. La hausse la plus rapide a été observée à Terre-Neuve, avec 62%. Enfin, c'est la Colombie-Britannique qui ferme la marche avec seulement 12% de hausse en 10 ans (nous reparlerons du cas pathétique de cette province un peu plus loin).

Les chiffres que nous venons de voir sont trompeurs parce qu'ils ne tiennent pas compte de l'inflation. Une fois ajustées en fonction de l'indice des prix à la consommation, les données changent radicalement.

Ainsi, au Québec, entre 1999 et 2008, dernière année complète pour laquelle on dispose de statistiques, les travailleurs québécois assujettis au salaire minimum ont connu, en termes réels, une hausse de 1,3%... ou 9 cents l'heure. Tout juste de quoi protéger leur pouvoir d'achat, mais largement insuffisant pour améliorer leur qualité de vie. Seule la Colombie-Britannique réussit à faire pire: toujours en termes réels, les travailleurs britanno-colombiens touchent 49 cents de moins l'heure qu'il y a 10 ans.

Ne déchirons pas nos chemises trop vite. En réalité, la situation des Québécois est loin d'être aussi noire que ce que laissent supposer ces chiffres, pour deux raisons.

Quand on compare le salaire minimum entre les provinces, il faut tenir compte des différences du coût de la vie.

Nous venons de voir, par exemple, que le salaire minimum québécois vient de monter à 9,00$. En Ontario, il vient de passer de 8,75$ à 9,50$, un bond appréciable de 75 cents. Pourtant, mieux vaut toucher le salaire minimum au Québec plutôt qu'en Ontario. Principalement à cause des coûts du logement, le coût de la vie est en moyenne de 15% plus élevé en Ontario. Simplement pour avoir le même pouvoir d'achat que son vis-à-vis québécois, le travailleur ontarien devrait donc toucher un salaire minimum de 10,35$. Même avec l'augmentation d'hier, à 9,50$, il est encore bien loin du compte.

D'autre part, il faut se rappeler que le salaire minimum, au Québec, tous gouvernements confondus, a toujours compté parmi les plus élevés au Canada depuis 10 ans.

Il fallait donc s'attendre à ce qu'il monte moins rapidement. Nous avons vu qu'il se situait à 6,90$ en 1999. La même année, il était de 5,25$ à Terre-Neuve. S'il avait fallu que le salaire minimum québécois grimpe au même rythme qu'à Terre-Neuve, il se situerait aujourd'hui non pas à 9,00$, mais à 11,20$, de loin le plus élevé en Amérique du Nord.

Et puis après? N'est-ce pas une bonne chose que les travailleurs les moins bien payés aient droit à des revenus qui leur permettraient d'accéder à une meilleure qualité de vie?

Dans un monde idéal, on pourrait bien monter le salaire minimum à 10$ ou 15$. Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. Vous pouvez imposer le salaire minimum que vous voulez aux employeurs, mais vous ne pouvez pas leur imposer un nombre d'employés minimum. Lorsque le salaire minimum augmente, les employeurs vont se conformer à la loi, mais vont se reprendre en restreignant l'embauche, de façon à de pas augmenter leurs coûts de main-d'oeuvre. Les plus touchés sont les nouveaux arrivants sur le marché du travail, et particulièrement les jeunes. Une étude publiée il y a quelques années par l'économiste Michael Baker, de l'Université de Toronto, calcule que chaque fois que vous haussez le salaire minimum de 10%, vous augmentez le chômage de 2,5% chez les jeunes de 15 à 19 ans.

Voilà pourquoi il faut être prudent avant de jouer avec le salaire minimum. L'exemple de la Colombie-Britannique est d'ailleurs assez éloquent. Dans les années 90, sous la gouverne des néo-démocrates, la province a atteint et maintenu le salaire minimum de loin le plus élevé au pays. L'écart, notamment avec la province voisine d'Alberta, était tellement important que le gouvernement libéral de Gordon Campbell a dû, en 2002, le geler à son niveau de l'époque (8$), et il y est toujours. Les travailleurs britanno-colombiens supportent donc ce gel depuis sept longues années, mais cette pénible situation aurait facilement pu être évitée avec un peu de clairvoyance dans les années 90.

Dans ces conditions, l'approche québécoise, qui consiste à augmenter graduellement le salaire minimum de façon à protéger le pouvoir d'achat des travailleurs tout en évitant les hausses trop brusques qui supprimeraient des emplois, semble la mieux indiquée.