Dans une lettre datée du 20 février dernier, l'Autorité des marchés financiers (AMF) blâme l'ACCOVAM de ne pas l'avoir informé adéquatement d'une histoire d'information privilégiée impliquant l'ancien président émérite de BCE, A. Jean De Grandpré.

C'est la première fois que l'Autorité semonce comme tel l'ACCOVAM, l'organisme d'autorégulation des maisons de courtage.

Le 8 novembre 2000, alors qu'il était administrateur de la société américaine Metro One Telecommunications, inscrite à la cote du NASDAQ, M. De Grandpré a révélé à ses deux courtiers de RBC Dominion valeurs mobilières une information non connue du public qui était susceptible de faire grimper l'action de façon importante. Or, en vertu de l'article 188 de la Loi sur les valeurs mobilières, un initié (administrateur, dirigeant, gros actionnaire) n'a pas le droit de communiquer une information privilégiée. L'initié qui contrevient à cet article est passible d'un emprisonnement de cinq ans.

 

Alors que George Métivier, l'un des courtiers de M. De Grandpré, a été accusé par l'ACCOVAM de délit d'initié pour avoir effectué une transaction sur Metro One à la suite de sa rencontre avec M. De Grandpré, ce dernier a joui de l'impunité de l'ACCOVAM.

Se disant victime d'un coup monté de la part de son ancien employeur, RBC Dominion, dans le dessein de protéger A. Jean De Grandpré, Georges Métivier a porté plainte devant l'Autorité et a déposé un mémo interne de RBC Dominion relatant le contenu et le contexte de ladite information privilégiée.

Cette plainte a conduit au blâme de l'Autorité envers l'ACCOVAM: «L'examen des faits inhérents à cette plainte (de Georges Métivier) nous amène à conclure que l'ACCOVAM aurait dû informer adéquatement la Commission des valeurs mobilières du Québec, l'ancêtre de l'Autorité, des infractions potentielles à la LVM (loi sur les valeurs mobilières) que le représentant et son client ont pu commettre. Nous considérons que cette responsabilité existe même si l'OAR (l'ACCOVAM) n'est pas convaincu qu'il y a eu effectivement une ou des infractions. (...) l'Autorité s'attend maintenant à ce que ce genre de situation ne se reproduise plus.»

Qui est le client visé par l'Autorité dans ce blâme? «Le client, c'est Jean De Grandpré», précise à La Presse Affaires, Carmen Crépin, vice-présidente de l'ACCOVAM (section Québec), aujourd'hui appelé OCRCVM (Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières). Identifié sous le pseudonyme «M.X», le nom A. Jean De Grandpré n'avait jamais été dévoilé tout au long des procédures menées contre l'ex-courtier Métivier.

Réaction de Mme Crépin au blâme de l'Autorité: «Moi, je leur ai répondu que nous prenions bonne note de cette position de l'Autorité et que nous agirions en conséquence. À l'époque, je considérais qu'avec le UTN (l'avis de congédiement de Métivier) et l'avis d'audition, la CVMQ avait reçu l'information. Deuxièmement, quand j'ai pris le dossier, notre avocate n'avait pas considéré que le client (De Grandpré) avait fait une infraction.»

«Est-ce que le client a fait, oui ou non, une infraction? Moi, je ne veux pas me prononcer là-dessus. C'est l'Autorité qui va décider si, oui ou non, il a fait une infraction, et qui a l'autorité pour poursuivre», se défend Mme Crépin.

A. Jean De Grandpré n'a pas à se faire de souci. Voici pourquoi.

Dans sa lettre à Georges Métiver, adressée également le 20 février 2009, Jacinthe Bouffard, de l'Autorité, explique que l'Autorité «aurait pu entreprendre sa propre enquête en vue de vérifier... si des mesures additionnelles se seraient avérées appropriées, mais qu'après analyse des faits, l'AMF a décidé de ne pas procéder à une telle enquête».

Faut-il s'étonner de cette réponse? Non! Malgré les nombreux scandales boursiers, l'Autorité (anciennement CVMQ) a confirmé à La Presse Affaires qu'elle n'a jamais poursuivi d'initié en vertu de l'article 188 portant sur l'interdiction de communiquer une information privilégiée.