La «Nouvelle Europe» est secouée par une grave tempête financière. Les monnaies en Pologne, en Hongrie et dans plusieurs pays d'Europe de l'Est sont en chute libre. Et les banques à l'Ouest sont les grandes responsables... et perdantes de cette crise.

Souvent oubliée ou même ignorée dans notre coin du monde, l'Europe de l'Est est de retour dans l'actualité économique. Mais pas pour les bonnes raisons. Car cette région traverse l'une de ses pires crises depuis l'éclatement du bloc soviétique en 1991.

 

Au début de la semaine dernière, le zloty polonais a plongé de 4% en deux jours par rapport à l'euro. La couronne tchèque a chuté à un creux de trois ans. Les monnaies de Hongrie et de Russie sont également malmenées, malgré des petits rebonds peu convaincants à la fin de la semaine.

Ces récentes secousses, qui touchent aussi les Bourses locales, ont en fait accéléré une glissade amorcée plus tôt. De fins spéculateurs avaient en effet anticipé la crise. Si bien que, depuis juillet, le zloty a perdu 36% de sa valeur, le forint hongrois 25% et la couronne tchèque près de 22%.

Moody's

C'est un rapport de l'agence Moody's, publié mardi, qui a mis le feu aux poudres. La firme américaine déplore la détérioration de l'économie en Europe de l'Est. Mais surtout, elle s'inquiète pour les banques de l'Ouest qui ont des filiales dans la région.

Selon Moody's, les banques de six pays européens concentrent 84% des avoirs revendiqués par les banques occidentales à l'Est. Les banques autrichiennes sont les plus exposées, devant les italiennes et les scandinaves.

Les banques occidentales ont prêté un total de 1740 milliards US à l'ex-bloc soviétique, estime Moody's. Or, les déboires de leurs filiales locales pourraient se répercuter sur elles. Au point que les banques de l'Ouest pourraient laisser couler leurs cousines à l'Est.

Moody's a lancé cet avertissement: la «conjonction d'importantes provisions pour créances douteuses, de la hausse des coûts de financement et de la dépréciation des devises va peser sur la rentabilité des banques exposées aux pays émergents européens et éroder leur capital».

L'agence Standard & Poor's n'est guère plus optimiste. Les difficultés croissantes des banques occidentales à alimenter leurs filiales des pays émergents européens pourraient provoquer une révision des cotes de crédit des banques de la région.

Il n'en fallait pas plus pour que le premier ministre hongrois, Ferenc Gyurcsany, lance un appel au secours la semaine dernière. Selon lui, il faudrait une aide de 100 milliards d'euros de l'Union européenne pour soutenir les banques de l'Est.

Crise classique

Vue d'ici, l'Europe orientale vit une crise classique. Du genre de celles qui secouent occasionnellement les économies émergentes.

Ça débute par un boom du crédit et des emprunts massifs du secteur privé à l'étranger. Tout va à merveille jusqu'au jour où survient un choc: la crise du crédit dans ce cas-ci.

Alors la confiance s'effrite, les devises locales s'effondrent et les épargnants se réfugient dans les monnaies plus sûres, comme l'euro et le billet américain. Les banques domestiques en ressortent fragilisées, les Bourses chutent, la panique s'installe, les gouvernements épuisent leurs réserves pour soutenir leurs monnaies... et nous voilà en crise.

C'est ce qui est arrivé en Argentine en 2000 et en Asie en 1997-98. À la différence que, dans ces deux cas, l'économie mondiale se portait plutôt bien. C'est pourquoi la crise actuelle est si inquiétante.

Une crise latente

Pourtant, on aurait dû voir venir la tempête.

Depuis environ 10 ans, les pays d'Europe de l'Est carburent avec l'argent de l'Ouest. Les banques occidentales, attirées par les promesses de croissance de la «Nouvelle Europe», ont inondé le marché de prêts. Bref, encore une euphorie financière irresponsable.

Selon Standard & Poor's, les prêts des banques de l'Ouest aux pays de l'Est européen ont triplé à 1500 milliards US de 2005 à 2008. Mais les affaires ont mal tourné, avec la crise financière, et les banques de l'Est doivent rembourser à court terme environ 400 milliards US à leurs homologues de l'Ouest. Ça fait beaucoup d'argent quand le crédit se fait rare.

Vendredi, l'économiste américain Nouriel Roubini, a déclaré que les banques européennes étaient «de plus en plus menacées» par la crise financière à l'est du continent.

Est-ce alors la fin du miracle est-européen?

Pas nécessairement. La chute des monnaies locales pourrait contribuer à relancer les exportations des jeunes tigres polonais ou roumains, selon des économistes. Mais il faudra du temps. Et pour en arriver là, il faudra d'abord une reprise des grandes économies de la planète.

Encore une fois, il reviendra aux États-Unis et à l'Asie de sortir le reste du monde du gouffre.