En boxe, on se réfère à cette technique comme au «one-two punch».

Lundi soir, le président Barack Obama est sorti en force lors de sa première conférence de presse, télévisée en heure de grande écoute. Hier matin, c'était au tour du secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, de présenter son plan tant attendu de stabilité financière.

Mais, on ne peut pas dire que cette séquence de coups a porté. Omniprésente dans le système financier, la méfiance n'est pas K.-O. En fait, ce sont les marchés boursiers qui se retrouvent encore au tapis.

«Le gouvernement n'aura jamais assez d'argent pour remplacer tous les capitaux qui ont fui les marchés, a noté Barack Obama lundi. Aussi faut-il rétablir la confiance en priorité.»

Confiance. C'était ce que Timothy Geithner devait inspirer. Or, il a échoué à ce grand test avec un plan inachevé. Et cela, même s'il propose de sortir une immense seringue pour injecter jusqu'à 2000 milliards de dollars d'adrénaline dans le système financier, afin de réanimer le crédit aux États-Unis.

«Nous croyons que notre politique doit être exhaustive et musclée. Nous courrons un plus grand danger (...) si nous adoptons une approche graduelle que si nous attaquons le problème de façon agressive», a dit Timothy Geithner, en lisant son texte d'un télésouffleur à l'autre avec une nervosité palpable.

À la base, les principes établis par l'administration Obama sont pourtant les bons.

Le secrétaire au Trésor compte sur le secteur privé pour tirer les institutions financières d'embarras. Ainsi, Timothy Geithner écarte l'idée d'une banque-dépotoir de modèle traditionnel.

Avec une telle banque, le gouvernement aurait racheté les actifs contaminés par les hypothèques à haut risque qui accablent les banques, ce qui équivaudrait à nationaliser les pertes. Ce sont donc les contribuables qui paieraient la note pour les excès des banquiers, ce qui est répugnant au plan moral.

L'administration Obama fait aussi de l'imputabilité et de la transparence des institutions financières des conditions non négociables pour toute aide de l'Oncle Sam. «L'aide de l'État est un privilège et non un droit», a rappelé le secrétaire au Trésor. Un message clair aux institutions financières qui semblent parfois se complaire dans cette nouvelle culture du bailout.

Les problèmes se retrouvent dans l'exécution des trois grands volets du plan annoncé hier. Quand ce n'est pas l'origine des fonds qui reste inconnue, c'est la mécanique du programme qui est complètement floue. Or, comme chacun le sait, le diable est dans le détail.

C'est d'autant plus décevant qu'après des semaines à disséquer chaque solution potentielle - aucune n'est parfaite, l'idée étant plutôt de choisir la moins mauvaise - tout le monde s'attendait à ce que Timothy Geithner se commette.

Ce côté bancal est particulièrement évident avec la création d'un nouveau fonds pour racheter les actifs contaminés, créé au moyen d'un partenariat public privé.

Appelé Public-Private Investment Fund, ce fonds vise à offrir jusqu'à 1000 milliards de financement pour que des investisseurs privés, tels que des fonds de couverture, puissent racheter des actifs et nettoyer les bilans des banques. Ce fonds démarrerait toutefois avec 500 milliards de dollars.

On ignore dans quelle proportion ce fonds sera financé par des deniers publics. On ignore surtout comment le prix des actifs à vendre sera fixé, ce qui était pourtant «la» question centrale à élucider.

Aux prix actuels, les banques refusent de vendre leurs actifs contaminés. Elles préfèrent attendre dans l'espoir que les valeurs rebondissent. Les investisseurs privés, de leur côté, ne veulent pas offrir trop d'argent pour des actifs qui pourraient encore baisser de valeur. De quelle façon ou par qui cet écart sera-t-il comblé, on ne le sait pas.

«Notre but est d'employer des fonds privés et des gestionnaires du secteur privé pour trouver un mécanisme de marché qui évalue le prix des actifs», a dit Timothy Geithner. Ainsi, le gouvernement américain explore encore toute une gamme de méthodes et sollicitera des avis extérieurs sur cette question.

Il n'est pas clair non plus avec quel argent le gouvernement nantira l'ensemble du plan de stabilité financière. Il ne reste plus que 350 milliards US dans le Troubled Asset Relief Program, soit la moitié des fonds que le Congrès avait approuvés de haute lutte l'automne dernier. Or, même avec un effet de levier, on voit mal comment le gouvernement atteindra sa cible et injectera jusqu'à 2000 milliards de dollars dans le système financier. Cela fait un peu trop penser au miracle de la multiplication des pains.

Clairement, les contribuables risquent d'être sollicités de nouveau, avec tout le mélodrame politique que cela présuppose au Congrès.

Pour mieux faire passer la pilule auprès des Américains, Timothy Geithner annonce d'ailleurs un nouveau plan pour secourir les quelque 3 millions de ménages qui risquent de perdre leur résidence ou logement au cours de la prochaine année. Mais les détails de ce plan complexe pour prévenir les reprises et rouvrir les contrats hypothécaires, afin d'abaisser les taux ou les paiements, sont encore inconnus. Ils seront dévoilés au cours des prochaines semaines.

À l'évidence, ce combat contre la crise du crédit aura plusieurs rondes. Mais pour l'instant, la méfiance l'emporte encore cinq à zéro.