Barack Obama a le souci de s'inscrire dans le sens de l'histoire. Hier, il a prêté serment sur la Bible d'Abraham Lincoln. C'est un livre publié à Londres en 1853, magnifique, qui est depuis un siècle un des bijoux de la bibliothèque du Congrès. Et Lincoln est un homme auquel Obama multiplie les références, y compris celle qu'a constituée son entrée à Washington par le chemin de fer, il y a trois jours.

Ce qu'il a dit, hier, sur sa vision du rôle des États-Unis dans le monde s'inscrit aussi dans une continuité historique - que l'on peut estimer avoir été brisée par l'administration Bush.

 

Dans le rôle de leader mondial qu'elle assume depuis près d'un siècle (parfois à son corps défendant), «America is back», pourrait-on résumer. Mais une autre Amérique que celle détournée par le 11 septembre 2001 et par la réaction erratique qui a suivi.

Il est d'ailleurs difficile de ne pas voir un signal de rupture abrupte avec l'administration précédente lorsque le 44e président des États-Unis dit: «Notre puissance ne suffit pas à elle seule à nous protéger et ne nous permet pas d'agir à notre guise. (...) Notre puissance croît lorsqu'on en use prudemment; notre sécurité découle de la justesse de notre cause, la force de notre exemple et des qualités modératrices de l'humilité et de la retenue.»

L'exemple qui vient à l'esprit est précisément celui qu'Obama a évoqué: «Les précédentes générations ont fait face au fascisme et au communisme pas seulement avec des missiles et des chars, mais avec des alliances solides et des convictions durables.»

Bien évidemment, ce n'est pas un aveu de démission, moins encore de défaite, et surtout pas de doute moral.

Obama dit aussi: «À ceux parmi les dirigeants du monde qui cherchent à semer la guerre, ou faire reposer la faute des maux de leur société sur l'Occident, sachez que vos peuples vous jugeront sur ce que vous pouvez construire, pas détruire. À ceux qui s'accrochent au pouvoir par la corruption et la fraude, et en bâillonnant les opinions dissidentes, sachez que vous êtes du mauvais côté de l'histoire, mais que nous vous tendrons la main si vous êtes prêts à desserrer votre étau.» Toujours l'histoire. Est-ce que cette main tendue ne rappelle pas celle, gigantesque, qui s'est incarnée dans le plan Marshall, après 1945? Ou celle, conditionnelle, de Ronald Reagan vers l'agonisante URSS de Mikhaïl Gorbatchev devant le mur de Berlin?

En matière de relations des États-Unis avec le monde, Barack Obama a sobrement livré en quelques phrases, hier, la marchandise annoncée pendant la campagne électorale.

Il faudra voir si l'histoire collaborera avec lui.

mroy@lapresse.ca