As-tu vraiment envie de te battre contre des hommes comme Miguel Cotto et Shane Mosley?

Antonin Décarie rit fort... «C'est mon rêve. Je suis là pour ça.»

Pourtant, Décarie (20-0-0) ressemble plus à un étudiant en gestion d'affaires de l'UQAM, ce qu'il était jusqu'à tout récemment, qu'à un matamore de la boxe internationale. Mais sa vie a changé dernièrement quand la WBO l'a classé cinquième au monde chez les mi-moyens (147 livres). Cinquième, derrière quatre bêtes de l'arène, dont les deux mentionnées ci-dessus, et Antonio Margarito... des Noirs américains et des Mexicains des enfers.

À 26 ans, Décarie voit sa vie changée de plus d'une façon. Il a un bébé d'un an, Nathan, et sa compagne, Jamie, attend un autre enfant. Le garçon, qui a grandi à Saint-Michel, fils d'un photographe du Journal de Montréal, vient de déménager à Laval.

On le trouvait seul, hier, au joli gymnase Ring 83 de Cartierville, établi dans un ancien poste de pompiers. (Le Ring 83 se transportera bientôt sur Saint-Laurent, angle Fleury, pour cause de construction de condos sur le site du vieux poste de sapeurs. Ainsi va la vie urbaine.)

La boxe, pourquoi pas?

Comment est-ce qu'un garçon comme toi se retrouve dans la boxe professionnelle?

«J'habitais près du Club de boxe Champion et j'étais trop petit pour jouer au hockey.

«Mon père n'était pas un fan de boxe, mais il comprend. Ma mère s'inquiète quand on me fait des menaces dans les médias. C'est pour le show, c'est de la promotion... Ma femme a déjà boxé, alors ça ne la dérange pas.»

Décarie se battra le 30 janvier avant la grande finale de la soirée qui mettra en vedette Hermann Ngoudjo. Contre un certain Michael Clark (37-5-1, 35 ans), ou peut-être pas... «Il a des problèmes de pension alimentaire et on ne sait pas s'il aura la permission de quitter les États-Unis.»

Ah! Le merveilleux monde de la boxe...

«Sinon, il me faut un adversaire de son style. Je l'étudie depuis un mois. Il a le style Philadelphie, il danse, il bouge, il garde les mains basses. Il faut lui mettre de la pression. Il a annulé contre un gars de 20-0-0 à son dernier combat. Il est encore capable, mais ce n'est pas comme un Mexicain, où il faut surtout penser à se protéger.»

On verra.

L'avenir

En boxe, on gagne beaucoup de sous quand on est champion du monde ou tout près. Antonin Décarie, l'étudiant en gestion d'affaires, le sait très bien.

«Nous ne sommes pas comme des joueurs de hockey qui n'ont plus d'inquiétudes financières à la fin de leur carrière. À mon niveau, à trois ou quatre combats par année, je gagne le salaire d'un col bleu, d'un travailleur de la construction, environ 40000$ par année. L'avantage, c'est que je fais ce que j'aime le plus.

«Il faut savoir bien s'entourer, comme Éric Lucas et Lucian Bute l'ont fait avec Jean Bédard. Il ne faut pas partir sur une galère parce qu'on vient de toucher à une bonne somme... Je vais suivre l'exemple de ces gars-là si jamais j'ai du succès. Et reprendre mes études.»

Justement, qu'est-ce que tu aimes le plus dans la boxe?

Décarie lève les yeux au ciel...

«Ce que j'aime le plus, c'est le soir du combat. J'aime bien m'entraîner, mais quand on s'avance vers l'arène, que la musique joue très fort et que la foule se lève en criant... c'est comme une drogue. Vous remarquerez qu'à ce moment-là, les anciens boxeurs autour de l'arène, même les plus vieux, ne tiennent pas en place. Ils aimeraient être à notre place.

«Et puis après le combat, quand on a gagné, c'est un feeling indescriptible. On est content, mais on est soulagé aussi, on se dit qu'on s'en est bien tiré, que notre carrière continue et progresse.»

De curieux bonshommes que ces boxeurs... Un autre exemple.

«Pendant ma carrière chez les amateurs, je ne suis jamais allé au plancher. À 14 ans, pour mon premier combat, j'ai arrêté mon adversaire au deuxième round...

«Chez les pros, je suis allé au plancher une fois. J'étais comme insulté et je me suis relevé très vite. C'était une mauvaise réaction. Mes entraîneurs m'ont dit de prendre mon temps, de retrouver mes esprits, de reprendre mon souffle. J'étais allé au plancher, tout le monde l'avait vu, alors ça ne donnait rien de se dépêcher. Mais j'étais fâché...»

Bonne chance, Antonin Décarie.