La consolidation dans l'industrie des mines et des métaux est sur le point de s'essouffler.

La consolidation dans l'industrie des mines et des métaux est sur le point de s'essouffler.

Pour la simple et belle raison qu'avec l'offre d'achat non sollicitée sur Rio Tinto et les négociations de fusion entre Companhia Vale do Rio Doce (CVRD) et Xstrata, propriétaire des ex-canadiennes Inco et de Falconbridge, il ne restera plus de grosse entreprise à acquérir!

Le Québec dans tout cela? Dans cette course de monster trucks, c'est le pissenlit qui pousse dans une craque de l'asphalte.

Avec l'offre sur Rio Tinto d'une valeur frisant les 140 milliards de dollars, ce qui en fait la troisième offre publique d'achat (OPA) la plus riche de l'histoire après la fusion AOL Time Warner et le mariage Vodafone-Mannesmann, Québec est vraiment le dernier des soucis de ces géants miniers qui ferraillent par avocats et communiqués interposés.

Nul ne sait comment l'histoire se terminera, surtout que la Chine et Alcoa ont leur mot à dire comme nouveaux actionnaires de Rio Tinto.

Les analystes financiers pourraient d'ailleurs faire fortune à Hollywood avec les transactions fictives qu'ils échafaudent. Mais tous les scénarios ne sont pas neutres pour le Québec.

C'est d'ailleurs pourquoi le premier ministre Jean Charest a fait une visite de courtoisie au président du conseil de Rio Tinto lors d'une récente escale à Londres.

Jusqu'à quel point est-ce que les garanties du Québec survivront à la vente de l'acquéreur d'Alcan? Tout dépend de qui mettra la main sur Rio Tinto, si transaction il y a.

En effet, certaines garanties ne sont peut-être pas aussi blindées que le gouvernement du Québec l'avait laissé entendre. C'est le cas du fameux plancher d'emplois qui a son importance vu qu'Alcan compte près de 8000 salariés au Québec.

Le texte de la convention prévoit le maintien de niveaux d'emplois au Québec «en conformité avec les engagements et plans d'Alcan alors en vigueur».

C'est ce «alors en vigueur» qui fait craindre des coupes éventuelles chez les travailleurs syndiqués d'Alcan et l'opposition péquiste. Ce que conteste le gouvernement.

«Pour nous, c'est clair: les emplois sont protégés», dit Manuela Goya, attachée de presse du ministre du Développement économique, Raymond Bachand.

«Il y a la lettre et l'esprit de l'entente», dit en entrevue téléphonique Paul Tellier. Cet ancien administrateur d'Alcan nouvellement passé au conseil de Rio Tinto est «très confiant» que la convention sera respectée.

Aucun acquéreur de Rio Tinto ne voudra s'aliéner Québec, qui peut notamment retirer le prêt de 400 millions et les 225 mégawatts consentis à Alcan en 2006.

Or, l'électricité à bas prix, c'est le nerf de la guerre de la production d'aluminium.

Mais dans un contrat, il vaut toujours mieux compter sur des clauses en béton.

«Même si un acquéreur éventuel d'Alcan ne se conformait pas à la convention, son approvisionnement en énergie serait garanti jusqu'en 2023 et le bail de la rivière Péribonka serait valable jusqu'en 2034», déplore Sylvain Gaudreault, député de Jonquière et critique en énergie du Parti Québecois.

Bref, le «qui achète» aurait son importance. Certains lecteurs souhaitent que ce soit BHP Billiton qui remporte la bataille de Rio Tinto.

Dans leur conte de fées, BHP se délesterait de toutes ses activités dans l'aluminium. Et le Canada pourrait réparer l'erreur historique d'avoir laissé filer Alcan.

Qui sait si la Caisse de dépôt et placement du Québec n'orchestrerait pas ce «sauvetage», comme Teachers' l'a fait avec BCE? Bref, une Alcan plus rentrerait à la maison!

L'ennui, c'est que ce scénario de rêve repose sur beaucoup de si. Que BHP l'emporte.

Qu'elle soit contrainte de céder des activités, alors qu'elle compte réaliser cette transaction par échange d'actions. Que de tous les éléments d'actifs qui sont siens, elle choisisse de se départir de l'aluminium, un joyau de la couronne.

Et que ce soit des intérêts canadiens et non un concurrent dans l'alu comme Alcoa qui remporte cette vente aux enchères.

En effet, une société opérante pourrait vouloir rationaliser ses activités selon ses «plans alors en vigueur».

En fait, si BHP l'emporte, il n'y a qu'une seule certitude: Québec aura un géant comme nouvel interlocuteur. Loin des yeux, loin du coeur...

Les perspectives sont encore plus mauvaises si Alcoa et la Chine, par l'entremise de sa société d'État Chinalco, jouent les empêcheurs de danser en rond.

Rappelons que ces deux alliés de longue date viennent d'acquérir au prix de 14 milliards US une participation de 12% dans le capital de la société de holding de Rio Tinto.

La participation du tandem est insuffisante pour bloquer une transaction, du moins pour l'instant. Le président de Chinalco a affirmé que son entreprise ne comptait pas relever sa participation.

Mais par une belle contradiction, Chinalco s'est réservé le droit de faire une offre sur Rio Tinto si celle-ci faisait l'objet d'une OPA formelle!

Il serait étonnait que Chinalco, qui est perçu comme un fonds d'investissement souverain, ose le grand coup. Son entrée au capital de Rio Tinto fait déjà sourciller les autorités australiennes pour des raisons de sécurité nationale.

Mais la Chine pourrait user de sa nouvelle influence pour faire avancer ses intérêts et ceux de son associé Alcoa.

Grand importateur de minerai de fer, la Chine s'inquiète d'un mariage BHP-Rio qui concentrerait aux mains d'une seule entreprise plus du tiers de la production mondiale de ce minerai.

Quant à Alcoa, prétendant dépité d'Alcan, il ne s'est pas encore remis de sa déconvenue. Alcoa pourrait-il obtenir par la porte d'en arrière une partie de ce qu'il a échoué à obtenir directement? C'est peut-être le scénario du pire.

Reste le statu quo, que Rio Tinto poursuive sa route seul. Comme le veut le proverbe anglais, le diable que l'on connaît vaguement vaut peut-être mieux que le diable que l'on ne connaît pas pantoute.

Malheureusement, c'est peut-être le scénario le plus improbable. Comme Alcan l'a appris à ses dépens, il est aussi difficile de faire marche arrière une fois qu'une entreprise est mise en jeu que de faire rentrer du dentifrice dans son tube.