Lorsqu'ils jettent un coup d'oeil au sud de la frontière, les Canadiens considèrent avec un certain orgueil que leur système de santé public, universel, obligatoire et gratuit est largement supérieur à celui des Américains.

Lorsqu'ils jettent un coup d'oeil au sud de la frontière, les Canadiens considèrent avec un certain orgueil que leur système de santé public, universel, obligatoire et gratuit est largement supérieur à celui des Américains.

Il n'est même pas exagéré de dire que, de l'Alberta au Québec, de Terre-Neuve à l'Ontario, le système de santé contribue à cimenter la spécificité canadienne.

En effet, le financement des soins de santé aux États-Unis a de quoi faire frémir. Contrairement à un préjugé largement répandu, les dépenses publiques de santé par habitant, aux États-Unis, sont aussi élevées qu'au Canada, et même un peu plus.

Une des grandes différences entre les deux pays, c'est que le financement local est négligeable au Canada, tandis qu'il joue un rôle important aux États-Unis. Ainsi, chez les Américains, un comté riche, qui possède forcément un patrimoine foncier important, pourra se payer de meilleurs services de santé publics qu'un comté pauvre.

Les gens se tournent donc vers les assureurs privés et les hôpitaux privés pour obtenir la meilleure qualité de soins possible.

Cela coûte très cher. La prime d'assurance santé familiale, dans le secteur privé américain, coûte en moyenne 11 480 $ par année (l'équivalent de 13 500 $ canadiens aux taux de change courants); pour une protection individuelle, il faut prévoir 4242 $ (ou 5000 $ canadiens).

Ces chiffres sont ceux de 2006. Depuis quatre ans, les primes augmentent systématiquement plus vite que l'inflation. D'autre part, les polices d'assurance américaines comprennent souvent des clauses restrictives, selon l'état de santé, l'âge ou d'autres facteurs de risque de l'assuré.

La plupart des ménages peuvent difficilement se permettre de telles primes. C'est pour cela que beaucoup d'employeurs assument une large part des coûts. Avec le temps, le poids des charges sociales est ainsi devenu un fardeau majeur pour les entreprises américaines.

Dans ces conditions, on peut facilement comprendre la fierté des Canadiens. La Loi nationale de la santé garantit à tout le monde un accès gratuit et universel aux soins de santé. Que demander de plus ?

Or, la gratuité du système canadien de santé est une illusion.

En 2006, les dépenses publiques de santé, au Canada, ont atteint 102 milliards. Ce montant comprend l'ensemble des enveloppes provinciales (salaires des médecins, infirmières, administrateurs et autres professionnels des réseaux publics, budgets des hôpitaux, immobilisations), ainsi que la contribution fédérale au financement des soins de santé. Ces dépenses sont évidemment financées à même les impôts de l'ensemble des contribuables. Elles représentent une dépense de 3170 $ par citoyen.

C'est beaucoup d'argent, mais c'est quand même infiniment moins que les primes des assurances privées américaines.

Pas si sûr.

La progressivité du régime fiscal canadien fait en sorte que plus vous gagnez d'argent, plus vous payez d'impôt. Comme les soins de santé sont financés à même les impôts, plus vous êtes riche, plus il vous en coûte cher pour participer au régime public et obligatoire d'assurance santé.

Autrement dit, la prime n'est pas ajustée en fonction du risque, comme chez les assureurs privés, mais en fonction du revenu.

Mais comment établir le coût réel des primes que vous payez, par vos impôts, pour avoir accès aux soins de santé «gratuits»?

Deux économistes de l'Institut Fraser, Nadeem Esmail et Milagros Palacios, ont mis au point une méthodologie facilement compréhensible pour mesurer cela. L'idée consiste à diviser les ménages canadiens en déciles, c'est-à-dire en 10 groupes égaux, selon l'importance des revenus.

Ainsi, le premier décile comprendra les 10 % de ménages ayant les plus faibles revenus, le deuxième décile englobe les 10 % suivants, et ainsi de suite jusqu'au décile supérieur, où on trouve les 10 % de ménages qui font le plus d'argent.

La deuxième étape consiste à établir le taux d'imposition (combiné fédéral-provincial) pour chacun des déciles. On peut ainsi calculer le montant moyen des impôts, ou la facture fiscale assumée par les ménages de chaque groupe.

Or, on sait que les dépenses de santé, au Canada, représentent 22,6 % des recettes fiscales des administrations publiques. Il suffit simplement d'appliquer ce pourcentage à la facture fiscale de chaque groupe pour obtenir le montant de la prime.

Illustrons cela avec un exemple. Prenons le sixième décile, assez représentatif des contribuables de la classe moyenne. Les revenus moyens des ménages de ce groupe (tous les chiffres sont ceux de 2006) se situent à 58 446 $.

Un «ménage» correspond à l'ensemble des personnes résidant à la même adresse; il peut s'agir aussi bien d'une personne seule que d'un couple ou d'une famille avec enfants. Sur ce revenu de 58 446 $, le taux d'imposition moyen est de 44,4 %. Les ménages de ce groupe paient donc, en moyenne, 25 941 $ en impôts. Comme 22,6 % des impôts servent à financer les dépenses publiques de santé, la prime se situe, dans ce cas-ci, à 5865 $ par année.

Selon cette méthodologie, on peut calculer que les 10 % des ménages les plus pauvres gagnent en moyenne 10 845 $, et que leur prime pour avoir accès au système public de santé se situe à 362 $ par année. À l'autre bout de l'échelle, les 10 % des ménages les plus riches gagnent en moyenne 204 954 $, mais leur prime pour participer au même régime grimpe à 26 423 $.

Sauf pour les riches, l'approche canadienne, fondée sur un financement de la santé par l'entremise des impôts, se compare avantageusement aux assurances privées américaines. En revanche, il est clair que le système canadien est loin d'être gratuit.

Pour avoir une idée de la véritable prime d'assurance santé que vous payez, en fonction de votre revenu : www.fraserinstitute.ca/admin/books/chapterfiles/Feb07ffPalacios.pdf#