La question des salaires versés à Jean Charest et Mario Dumont par leurs propres partis politiques a remis sur le tapis la question de la rémunération des dirigeants politiques.

La question des salaires versés à Jean Charest et Mario Dumont par leurs propres partis politiques a remis sur le tapis la question de la rémunération des dirigeants politiques.

Nous entrons ici dans un monde purement irrationnel. La politique est le seul métier où votre rémunération n'a rien à voir avec votre valeur réelle sur le marché du travail.

Aucun des critères généralement reconnus par les spécialistes en ressources humaines ne tient: qualifications professionnelles, expérience, scolarité, contacts, culture générale, sens du leadership, esprit d'initiative et autres qualités personnelles, rien de cela ne compte lorsqu'il s'agit de déterminer le salaire d'un député.

Comme de raison, cela conduit à des aberrations. Un neurochirurgien qui quitte la pratique pour devenir ministre de la Santé, comme Philippe Couillard, accepte de diviser son salaire par trois. Sans compter qu'après des années en politique, privé de formation médicale continue, il lui sera extrêmement difficile de réintégrer sa pratique.

Plusieurs présidents de banque feraient sans doute d'excellents ministres des Finances, mais allez donc leur demander de diviser leur rémunération par 20!

À l'inverse, si vous êtes permanent syndical, travailleur social, étudiant, avocat stagiaire, relationniste, enseignant, fonctionnaire (toutes ces conditions sont représentées à l'Assemblée nationale et aux Communes), vous doublez, triplez ou même quadruplez votre salaire en vous faisant élire député.

Dans ces conditions, il est tentant de penser qu'en haussant les salaires des politiciens, on attirerait davantage de personnes hautement compétentes en politique. Ce n'est pas certain.

Mis à part quelques rares exceptions du milieu artistique et du sport professionnel, c'est chez les cadres supérieurs du secteur privé que l'on trouve les plus hauts revenus. Je parle ici, incluant salaire et autres avantages, d'au moins 1 million par année.

Mettons que l'on accepte de payer nos ministres 1 million par année. Je suis prêt à mettre ma main au feu que vous n'attirerez pas beaucoup de cadres, pour la bonne raison que les deux postes sont très différents.

Le président d'entreprise est maître de ses décisions; dans les entreprises qui connaissent l'importance de déléguer, les vice-présidents et gestionnaires de haut niveau possèdent une vaste autonomie.

C'est beaucoup plus stimulant qu'en politique. Le ministre ne peut prendre aucune décision importante sans consulter le bureau du premier ministre.

Les dépenses du ministre sont décortiquées sur la place publique (et souvent éreintées par des commentateurs dont les salaires sont largement supérieurs à ceux des politiciens). Les cadres du secteur privé n'ont de comptes à rendre qu'à leur supérieur.

Le ministre travaille le soir et les fins de semaine, n'a plus de vie de famille, a sacrifié sa vie professionnelle, est constamment exposé aux critiques, parfois aux injures de l'opinion publique et des médias, et risque à tout moment de se faire entarter par le premier crétin venu. Les gens d'affaires sont largement à l'abri de tout cela.

De plus, en offrant de plus gros salaires aux politiciens, vous risquez d'attirer encore plus de faiseux, d'aventuriers et d'incompétents.

Cela soulève une autre question: l'écart salarial entre les députés et les ministres. Le job de député est exigeant, certes, mais c'est sans commune mesure avec l'horaire et les responsabilités des ministres, à plus forte raison du premier ministre.

Au fédéral, le simple député gagne 150 000$. À mon avis, c'est très bien payé, même trop. En revanche, le premier ministre Harper touche 300 000$. Il est clair que les exigences de la fonction sont infiniment plus lourdes que celles du député.

Le premier ministre, peu importe les critères que vous retiendrez, est sous-payé. C'est la même chose au Québec, où Jean Charest touche moins de 200 000$.

Encore là, ce n'est pas une raison pour pousser les salaires à des niveaux stratosphériques. On ne se lance pas en politique pour faire fortune. Les sondages montrent que les gens ont une opinion très négative des politiciens.

Malgré cela, peut-être suis-je trop naïf, mais je suis convaincu que la vaste majorité des femmes et des hommes qui se lancent dans le monde souvent ingrat de la politique le font parce qu'ils croient en un idéal, parce qu'ils veulent faire avancer les choses, parce qu'ils sont sincèrement animés par le désir de servir.