Q Le terme leadership revient souvent dans les articles publiés par McKinsey. Quelle est votre définition d'un bon leader?

Q Le terme leadership revient souvent dans les articles publiés par McKinsey. Quelle est votre définition d'un bon leader?

R: Je ne crois pas qu'il existe de recette toute faite pour décrire ce qu'est un leader. J'estime que le leadership se définit selon le contexte dans lequel évolue l'entreprise.

Chaque entreprise est différente et requiert un leadership adapté à sa situation. Les définitions théoriques du bon leader peuvent même, à la limite, être dangereuses.

Cela dit, je crois que nous nous éloignons du leader vedette, du type «je suis le patron» qui a été à la mode il y a peu de temps. Les gens cherchent davantage quelqu'un de responsable, de rassembleur, avec qui on peut entrer en relation.

Q: À votre avis, quels sont les principaux défis que devront surmonter les entreprises en 2007?

R: Cela dépend de l'endroit où vous êtes dans le monde. Le contexte est très différent si vous êtes en Asie, en Amérique latine, au Moyen-Orient ou en Europe. Cela dit, je crois qu'on peut identifier quatre ou cinq thématiques qui sont communes à toutes les entreprises, peu importe où elles se trouvent dans le monde.

Premier défi

Que ce soit en Chine, au Japon, aux États-Unis, en Italie ou au Canada, les entreprises croient qu'elles doivent prendre de l'expansion. Le défi sera de croître sans sous-estimer les risques.

Il y aura beaucoup d'effervescence, particulièrement en Asie, en raison des quantités phénoménales de liquidités qui y circulent. Il faudra que les entreprises s'assurent de bien saisir tous les risques inhérents à cette croissance.

La vague de fusions et d'acquisitions de la fin des années 90 et du début des années 2000 nous a fourni de nombreux exemples de dirigeants qui ont sous-estimé le risque d'une croissance par acquisitions.

Deuxième défi

La quête du talent sera un autre défi que devront relever les entreprises. Alors que la main-d'oeuvre est de plus en plus mobile, la difficulté sera d'attirer et de conserver les gens de talent.

Malgré l'importance de leur population, la Chine et l'Inde ne seront pas épargnées par ce phénomène. Ces pays éprouvent déjà de la difficulté à recruter des gens qui ont les compétences nécessaires pour gérer des entreprises de plus en plus complexes.

Troisième défi

Par ailleurs, la technologie, un enjeu que l'on croyait dépassé, revient en force. Les promesses que laissaient présager Internet en 2000 prennent actuellement forme et ça change radicalement la façon dont les gens et les entreprises fonctionnent.

Le défi sera de réussir à garder un esprit de communauté, malgré la montée de l'Internet et du travail en ligne. Je crois que la recherche de l'équilibre entre le facteur humain et les technologies deviendra un enjeu majeur pour les entreprises.

Quatrième défi

La responsabilité sociale des entreprises en est un autre. La mondialisation et le fait que les entreprises deviennent de plus en plus grosses sont parmi les raisons qui expliquent pourquoi les citoyens font davantage preuve de méfiance.

À la fois pour des raisons morales et pragmatiques, je crois que les entreprises, particulièrement les grandes corporations, devront intégrer dans leur stratégie une forme de contrat social.

Il faudra que ce soit plus qu'un simple ajout pour faire taire les détracteurs. La responsabilité sociale devra faire partie de la nature même de l'entreprise.

Cinquième défi

Enfin, l'amélioration de la productivité des entreprises du secteur public deviendra un enjeu de taille. Ces entreprises devront être plus efficaces car, avec le vieillissement de la population, les services coûteront plus cher et les fonds pour les financer seront plus rares.

Q: Croyez-vous que ces défis vont persister tout au long de la prochaine décennie?

R: Je crois que ce sont des tendances de fond qui sont là pour durer. La recherche du talent, dans une économie de plus en plus mondialisée, s'annonce être une guerre de 100 ans.

La productivité des entreprises publiques sera aussi un sujet de préoccupation persistant. La gestion de la croissance et des risques qui s'y rattachent ne disparaîtra pas de sitôt non plus.

La montée d'Internet pourrait, je dis bien pourrait, être une mode passagère. Mais, on ne sait jamais avec la technologie.

Q: Quel est le meilleur conseil que vous pourriez donner à un entrepreneur ou un gestionnaire pour l'aider à relever les défis que vous avez identifiés?

R: Je leur dirais d'abord de prendre du recul et de se demander quelles sont les tendances qui auront un impact réel sur leur entreprise.

Il faut sortir de la théorie et chercher à identifier ses véritables défis. Ces derniers sont habituellement très évidents. Souvent les gens cherchent trop loin. Ce sont les évidences qui comptent.

Un premier conseil serait de passer moins de temps à spéculer sur ce qui risque d'arriver et plus de temps sur les implications de ce que vous êtes à peu près certain qui arrivera.

Par ailleurs, c'est une de mes théories, je crois qu'au cours des 10 prochaines années, le facteur humain fera la différence entre une entreprise correcte et une entreprise qui excelle.

Si je pouvais donner un second conseil, ce serait d'accorder une attention particulière aux ressources humaines. Ce sera fondamental.