Au cours des deux dernières années, nos banquiers canadiens ont liquidé en Bourse des actions de leurs institutions bancaires pour une valeur globale d'un demi-milliard de dollars.

Au cours des deux dernières années, nos banquiers canadiens ont liquidé en Bourse des actions de leurs institutions bancaires pour une valeur globale d'un demi-milliard de dollars.

Cela a permis à quelque 200 dirigeants et administrateurs des banques canadiennes de se partager d'énormes gains en capital, soit plus de 150 millions de dollars. Et dans le cas notamment des hauts dirigeants, la plupart des gains ont été réalisés sans courir le moindre risque puisque les actions cédées provenaient de l'exercice d'options. Des dirigeants ont exercé des options à des prix aubaines allant jusqu'à 60% sous le prix de vente. Pour chacune des institutions bancaires, voici la valeur des transactions de ventes d'actions compilées par La Presse Affaires à partir des relevés de transactions d'initiés déposés par les administrateurs et dirigeants des banques canadiennes auprès des commissions des valeurs mobilières, dont l'Autorité des marchés financiers et la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. La période visée va de septembre 2006 au 15 octobre dernier.

> Banque Royale: 170 millions

> Banque Scotia: 89 millions

> Banque de Montréal: 72 millions

> Banque Toronto-Dominion: 68 millions

> Banque Nationale: 53 millions

> Banque CIBC: 34 millions

> Canadian Western Bank: 14 millions

> Banque Laurentienne: 4,6 millions

Certains banquiers ont engrangé des fortunes. Le président et chef de la direction de la Banque Royale du Canada, Gordon Nixon, a liquidé des actions de son institution pour une valeur brute de 33 millions de dollars. Son collègue de la haute direction Martin Joseph Lippert en a vendu pour une somme de quelque 20 millions de dollars.

À la Banque Nationale, le grand gagnant est l'administrateur Lawrence Bloomberg, également conseiller auprès de la filiale Financière Banque Nationale. L'ancien grand patron de la Financière a liquidé depuis deux ans des actions de la Banque Nationale pour une valeur globale de l'ordre de 21 millions de dollars.

Chez la Banque Toronto-Dominion, le vice-président Opérations, Fred Tomczyk, a cédé des actions de la TD pour une somme globale de 11 millions. Son collègue Timothy Hockey, chef de groupe des services bancaires et président de TD Canada Trust, a récolté près de six millions de dollars avec la vente de ses actions.

Pour sa part, le président et chef de la direction de la Banque de Montréal, William Downe, a encaissé une recette brute de 8,9 millions. Le chef du groupe Services investissement BMO Marchés des capitaux, Yvan J. P. Bourdeau, a vendu des actions de la Banque de Montréal pour un peu plus de sept millions de dollars.

Du côté de la Banque Scotia, on retrouve trois gros vendeurs parmi les initiés de l'institution. Le premier rang revient au président et chef de la direction, Richard E. Waugh, qui a liquidé des actions pour une valeur brute de 10,8 millions de dollars. Suivent ensuite le vice-président du conseil Robert L. Brooks, avec des ventes de quelque 9,8 millions de dollars et le vice-président Services aux entreprises, Dieter W. Jentsch, avec une recette de 7,2 millions.

À la direction de la Banque CIBC, on a fait preuve de grande retenue chez les hauts dirigeants. La plus importante vente est celle de Warren Gilman, de la filiale CIBC Marchés mondiaux, avec une recette de 2,4 millions de dollars.

De tous les initiés, dirigeants et administrateurs des sociétés inscrites à la cote de la Bourse, les banquiers sont parmi les plus grands liquidateurs d'actions. Ils ont la réputation de passer massivement et assez régulièrement à la caisse, profitant ainsi au maximum de leurs généreux régimes d'octroi d'options sur actions.

Et ce n'est pas la crise bancaire mondiale qui les arrête. Depuis l'éclatement de celle-ci, au printemps 2007, ils n'ont pas cessé pour autant de liquider des blocs d'actions.

Depuis mai 2007, la capitalisation boursière des six grandes banques canadiennes a fondu de 85 milliards de dollars, soit de 30%. Qu'à cela ne tienne, nos grands banquiers canadiens ont continué de vendre massivement, jouant ainsi contre leurs propres actionnaires.

Dans le dessein de libérer du capital pour les banques et diminuer les coûts de financement sur le marché du crédit, le ministre des Finances Jim Flaherty a annoncé la semaine dernière qu'Ottawa, par l'entremise de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), achètera des banques jusqu'à 25 milliards de dollars de blocs de prêts hypothécaires. Ce qui, aux yeux du ministre, devrait permettre aux banques de "rendre les prêts et les hypothèques plus accessibles et abordables" pour les particuliers et les entreprises.

Jusqu'à présent, le gouvernement fédéral et la Banque du Canada ont injecté quelque 45 milliards additionnels dans le système bancaire canadien et ce, même si nos institutions bancaires sont nettement en meilleure santé financière que les banques américaines et européennes.

Les grandes banques canadiennes sont reconnues dans le monde entier comme étant solides et bien capitalisées. Mais en raison de la crise bancaire mondiale, les banques canadiennes ont elles aussi de la difficulté à se procurer à bon coût les liquidités requises. Voilà pourquoi elles avaient besoin de ces 45 milliards de dollars d'aide consentie par la Banque du Canada et le gouvernement fédéral.

Une petite suggestion: qu'attendent le fédéral, la Banque du Canada et les commissions des valeurs mobilières pour demander aux banquiers de cesser de liquider leurs titres bancaires tant et aussi longtemps que la crise perdurera?