Peut-être était-ce la dinde ou un ingrédient secret dans la farce qui l'accompagnait, toujours est-il que Stephen Harper a surpris tout le monde après les Fêtes.

Peut-être était-ce la dinde ou un ingrédient secret dans la farce qui l'accompagnait, toujours est-il que Stephen Harper a surpris tout le monde après les Fêtes.

Alors qu'on reproche souvent à son gouvernement de s'aligner trop docilement sur la politique américaine, voilà que le Canada montre les dents et adopte la ligne dure face à Washington et ses subventions agricoles.

Pour la première fois, Ottawa a demandé des consultations à l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, sur les subventions agricoles américaines. Pour un changement de cap, c'en est tout un!

Faite lundi, l'annonce du gouvernement du Canada a été accueillie comme une très agréable surprise par les producteurs de maïs du Canada ils sont 4000 au Québec et par l'ensemble du secteur agricole. Il faut dire que les subventions américaines font très mal.

Prenons l'exemple du maïs, dont les États-Unis sont les premiers producteurs et exportateurs au monde.

Au cours des deux dernières années, les subventions américaines se sont élevées en moyenne à près de 9 milliards US par année. Cette manne a entraîné une distorsion importante des prix du maïs au Canada.

Depuis 10 ans, le prix de vente du maïs est en dessous du coût de production au Canada. Conclusion, la quasi-totalité des producteurs canadiens sont dans le rouge.

Une enquête conduite en décembre 2005 par l'Agence des services frontaliers du Canada en a fait la démonstration. Cet examen, amorcé à la demande des associations québécoises, ontariennes et manitobaines de producteurs de maïs, avait évalué à 70 $ la tonne le préjudice que les subventions américaines causaient aux producteurs canadiens.

Malgré ce résultat, le Tribunal canadien du commerce extérieur n'a pas jugé que les subventions américaines causaient des dommages ou menaçaient d'en causer aux producteurs canadiens.

En avril 2006, cette instance fermait ainsi la porte à toute imposition de droits compensateurs et antidumping pour contrecarrer l'impact des importations de maïs subventionné des États-Unis.

Les producteurs canadiens ont décidé de porter cette décision en appel tout en augmentant la pression sur le fédéral pour qu'il utilise les droits et les moyens mis à sa disposition dans le cadre de l'OMC.

C'est ce que vient de faire le gouvernement Harper. Il y a sans doute des considérations électorales dans cette décision, mais le geste demeure important. C'est l'avis de plusieurs spécialistes en droit international, dont Peter Kirby, avocat chez Fasken Martineau.

«C'est majeur. On ne dépose pas une demande de consultation auprès de l'OMC si on n'a pas l'intention d'aller au bout du processus. Ce n'est pas un geste qu'un pays fait à la légère.»

En vertu des règlements de l'OMC, les États-Unis ont dix jours pour répondre à la demande du Canada. Les consultations doivent se tenir dans les 30 jours suivant la présentation de la demande.

Si les consultations ne permettent pas de régler la question en deçà de 60 jours, le Canada pourra demander qu'un groupe spécial de règlement des différents soit formé pour entendre l'affaire.

En s'adressant maintenant à l'OMC, le Canada espère influencer le Congrès américain qui s'apprête à rédiger un nouveau projet de loi pour remplacer le Farm Bill. La majorité des programmes de subventions agricoles américains émanent des programmes visés par le Farm Bill.

Connaissant notre voisin et sa capacité de faire la sourde oreille aux décisions rendues par l'OMC, il ne faut pas se faire trop d'illusions. Même si l'organisation statuait que les subventions agricoles américaines ne sont pas conformes à certaines dispositions de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC, rien ne garantit que les États-Unis vont se plier à cette décision.

Mais ce n'est pas parce qu'on doute du résultat qu'on ne doit pas se défendre. Il faut au contraire mettre encore plus de pression. Le geste du Canada ne passera pas inaperçu, parce que dans le dossier agricole, plusieurs pays ont des récriminations à faire aux États-Unis.

La rigidité américaine dans ce dossier est en grande partie responsable de l'échec de la ronde de négociation de Doha.

Si d'autres pays montent au front, les Américains ne pourront pas éternellement faire comme s'ils étaient seuls sur la planète.