On reproche souvent aux ministres des Finances de commettre des erreurs monumentales dans leurs prévisions budgétaires.

On reproche souvent aux ministres des Finances de commettre des erreurs monumentales dans leurs prévisions budgétaires.

Dans le passé, ces reproches ont été amplement mérités en ce qui concerne les prévisions à long terme. C'est d'ailleurs pour cela que les documents budgétaires, de nos jours, risquent rarement des prévisions dépassant un horizon de deux ans.

Les ministres des Finances, et les fonctionnaires qui les aident à préparer leurs budgets, sont plus précis dans leurs prévisions sur un an, mais cela ne les met pas à l'abri d'erreurs graves.

Or, peu de gens se soucient de vérifier systématiquement, à la fin de chaque exercice, à quel point les résultats financiers du gouvernement correspondent aux prévisions budgétaires émises l'année précédente.

L'institut C.D. Howe, un organisme de recherche dont la crédibilité est solidement établie, a eu la bonne idée de faire ce suivi, sur une période de 10 ans, pour le gouvernement fédéral et pour chacune des provinces.

Pour cela, il suffit de comparer les prévisions de dépenses et des revenus, tels que chiffrés dans le budget, aux comptes publics publiés par les différents gouvernements environ six mois après la fin de l'exercice.

Par exemple, le 13 mars, la ministre Monique Jérôme-Forget déposera un budget couvrant l'exercice 2008-2009, c'est-à-dire du 1er avril 2008 au 31 mars 2009.

À l'automne 2009, on connaîtra les vrais résultats, et on pourra voir à quel point les prévisions de la ministre étaient justes.

Les chercheurs de l'Institut ont trouvé plusieurs choses intéressantes:

> Le gouvernement du Québec, péquistes et libéraux confondus, se détache comme le meilleur élève de la classe. Ce n'est pas surprenant. Le niveau de professionnalisme des fonctionnaires québécois des Finances est reconnu depuis longtemps.

La gestion de la dette publique québécoise est souvent citée en exemple. Le Ministère publie des études qui servent de documents de référence.

Toujours est-il qu'au cours des 10 dernières années, l'écart moyen entre les prévisions de dépenses et la réalité, au Québec, se situe à 2,24%, c'est-à-dire que les dépenses, en moyenne, ont été de 2,24% supérieures aux prévisions. L'Ontario suit de près avec 2,37 %.

Au gouvernement fédéral, l'erreur moyenne se situe à 3,84%. La pire province à ce chapitre est l'Alberta, avec 6,07%.

> Évidemment, les chiffres varient beaucoup d'une année à l'autre et d'une province à l'autre. Depuis 1997, il est arrivé une seule fois qu'une province réussisse un score par fait : en 2000-2001, au Nouveau-Brunswick, les dépenses sont ressortis conformes, au dollar près, aux prévisions budgétaires.

Le pire score appartient au gouvernement territorial du Yukon. En 2003-2004, le ministre local s'attendait à comprimer ses dépenses de 7%; en fin d'exercice, les dépenses avaient plutôt augmenté de 9%, une erreur de 16 points de pourcentage.

> Tous les ministres, dans toutes les provinces, ont tendance à sous-estimer leurs dépenses. Autrement dit, en fin d'exercice, on s'aperçoit souvent que le budget de dépenses a été défoncé. Il existe certes des cas où les dépenses réelles sont inférieures aux prévisions, mais cela demeure rare, sauf au Québec,

où c'est arrivé quatre fois en dix ans. En Ontario, au Manitoba, en Colombie-Britannique et dans les Territoires, ce n'est pas arrivé une seule fois en 10 ans. En Nouvelle-Écosse, en Alberta, au Saskatchewan, une seule fois.

Entre 1997 et 2006, ces dépassements de coûts totalisent 424$ par habitant au Québec, 868$ au gouvernement fédéral, 958$ en Ontario, 3022$ en Alberta et un incroyable 14 785$ au Nunavut.

> Le Québec, pendant la période étudiée, a eu quatre ministres des Finances. C'est sous Bernard Landry que les écarts ont été les plus grands. Mais l'ancien ministre peut se consoler: sa performance à ce chapitre est nettement supérieure à celles de ses collègues des autres provinces, à la même époque.

Pauline Marois, contrairement à la tendance générale, avait tendance à surestimer ses dépenses. Yves Séguin a déposé deux budgets avec des erreurs de prévisions relativement modestes. Mais la palme de la précision va à Michel Audet, qui ne s'est jamais trompé de plus de 0,6%.

> Les prévisions des dépenses sont plus importantes que celles des revenus. En fin d'exercice, elles permettent de voir à quel point chaque province a réussi à contrôler ses finances par rapport aux prévisions.

Les prévisions de revenus sont souvent moins précises parce qu'elles sont sujettes à des inconnues: prix des ressources (particulièrement en Alberta et en Saskatchewan), caprices de la péréquation, conjoncture internationale, etc.

On peut quand même y jeter un coup d'oeil. Toujours au cours des 10 dernières années, les prévisions de revenus les plus précises appartiennent au Nouveau-Brunswick, avec un écart de 3,47%, talonné de près par le Québec avec 3,57%.

Le chiffre correspondant est de 4,5% au gouvernement fédéral et de 4,93% en Ontario. Encore ici, le pire élève est l'Alberta, avec une marge d'erreur moyenne de 18,47% (dont, entre autres, 30% en 2000-2001 et 27% en 2005-2006.

LA PRÉCISION DES MINISTRES

Exercice / Ministre / Écart dépense

1997-1998 Bernard Landry 1,65%

1998-1999 Bernard Landry 4,15%

1999-2000 Bernard Landry 3,06%

2000-2001 Bernard Landry 2,12%

2001-2002 Pauline Marois -0,22%

2002-2003 Pauline Marois -2,78%

2003-2004 Yves Séguin 2,16%

2004-2005 Yves Séguin 1,77%

2005-2006 Michel Audet -0,37%

2006-2007 Michel Audet 0,61%