Jeudi 10 avril. Il est 15h 43, 17 minutes avant la fermeture des marchés boursiers. L'agence de presse CNW Telbec diffuse un communiqué de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui «accueille favorablement la décision de l'Autorité des marchés financiers (AMF) d'approuver la demande de la Bourse de Montréal au sujet de son projet de regroupement avec le Groupe TSX».

Jeudi 10 avril. Il est 15h 43, 17 minutes avant la fermeture des marchés boursiers. L'agence de presse CNW Telbec diffuse un communiqué de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui «accueille favorablement la décision de l'Autorité des marchés financiers (AMF) d'approuver la demande de la Bourse de Montréal au sujet de son projet de regroupement avec le Groupe TSX».

Dans ce communiqué, Henri-Paul Rousseau, le grand patron de la Caisse, y va de longs commentaires sur le bien-fondé, à ses yeux, de la décision de l'AMF.

Un gros incident se produit: par la publication de ce communiqué, la Caisse se trouve à «scooper» l'AMF, qui rendra publique sa décision une heure plus tard dans un point de presse à ses bureaux de Montréal.

L'AMF publiera un communiqué sur le fil de presse vers 17h30.

La diffusion de ce «scoop» laissait entendre que l'Autorité des marchés financiers avait communiqué préalablement son importante décision à la direction de la Caisse de dépôt et placement.

Et c'est d'ailleurs ce qu'a confirmé Jean St-Gelais le lendemain 11 avril devant la commission parlementaire sur l'étude des crédits du ministère des Finances.

Le grand patron de l'Autorité des marchés financiers a admis en effet que c'était lui-même qui avait communiqué en cours de journée (10 avril) l'information à la Caisse.

Voici sa déclaration au sujet du «scoop» de la Caisse: «Nous avions annoncé, lors des audiences publiques (sur la fusion de la Bourse de Montréal avec la Bourse de Toronto), que la décision, on souhaitait la rendre avant la mi-avril. Nous avions terminé nos travaux, nous avions planifié que ça devait se faire soit avant l'ouverture des marchés ou à la fermeture des marchés, l'un ou l'autre.

On avait convenu qu'hier (10 avril), à 16h, nous convoquions la presse, nous leur laissions environ 45 minutes, une heure pour se rendre à nos bureaux pour annoncer la chose.»

«Alors, c'est ce que nous avons fait Et, hier (10 avril), après avoir maintes fois consulté l'industrie financière au Québec, à Montréal, j'ai moi-même appelé les quatre dirigeants des plus grandes institutions au Québec, le Mouvement Desjardins, la Banque Nationale, la Caisse de dépôt et Industrielle Alliance. Évidemment, c'est libre à eux par la suite de commenter ou non.»

«La Caisse a choisi de commenter... et je pense qu'ils ont avoué qu'ils ont émis un communiqué trop rapidement, il devait y avoir un embargo qui n'a pas été mis sur le communiqué, ils l'ont retiré, ça a créé un peu un remous parce que les médias téléphonaient de partout.»

«Nous, on a maintenu notre plan de match, on n'a rien changé et c'est exactement ce qui s'est passé, il n'y a pas eu d'autre chose, c'est le fil des événements comme on l'a vécu. Évidemment, on aurait préféré que ça n'arrive pas. Je pense que la Caisse aussi aurait préféré que ça n'arrive pas. Des erreurs, ça arrive. Ils en ont commis une et ils l'ont reconnu.»

Ainsi, le grand patron de l'AMF a divulgué une information hautement privilégiée aux dirigeants des quatre plus grandes institutions québécoises. D'ailleurs, la Caisse et la Banque Nationale sont parmi les plus gros actionnaires de la Bourse de Montréal.

Il est pour le moins étonnant de voir le gendarme en chef de l'Autorité des marchés financiers, Jean St-Gelais, transmettre lui-même de l'information privilégiée sur une entreprise non seulement inscrite en Bourse, mais en plus une entreprise sur l'avenir de laquelle l'AMF a un pouvoir décisionnel.

Lors du point de presse sur la décision de l'AMF de donner son feu vert à la fusion des Bourses de Montréal et Toronto, M. St-Gelais, a mentionné qu'il n'était pas illégal de posséder une information privilégiée, à la condition de ne pas l'utiliser pour réaliser des transactions.

Cela ne fait pas de doute

J'aimerais toutefois lui rappeler les grandes lignes du Code d'éthique et de déontologie de l'Autorité des marchés financiers. Tout membre du personnel, précise-t-on, est tenu à la discrétion sur ce dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions et il est notamment tenu, à tout moment, de respecter le caractère confidentiel de l'information reçue.

Il faut croire que l'article du code «Discrétion, confidentialité» ne s'appliquait pas lorsque, le 10 avril dernier, le président-directeur général de l'AMF, Jean St-Gelais, a communiqué d'avance la décision de l'AMF d'autoriser la fusion entre les Bourses de Montréal et de Toronto.

Le regroupement des Bourses de Montréal et Toronto prendra effet le 1er mai prochain.

Précision

Dans ma chronique du 10 avril 2008, intitulée «Le courtier surpasse le banquier», j'affirmais que les clients de trois firmes de courtage, dont Résolution Capital, ont dû avoir recours au Fonds canadien de protection des épargnants (FCPE) pour se protéger.

Or, je suis informé que les clients de Résolution Capital n'ont pas eu recours à la protection du FCPE.