Depuis le début de la décennie, surtout à cause du pétrole d'Hibernia, les Terre-Neuviens se sont enrichis plus rapidement que les habitants de n'importe quelle autre province canadienne, y compris l'Alberta.

Depuis le début de la décennie, surtout à cause du pétrole d'Hibernia, les Terre-Neuviens se sont enrichis plus rapidement que les habitants de n'importe quelle autre province canadienne, y compris l'Alberta.

Pendant ce temps, aux prises avec les fermetures d'usines et la crise des constructeurs automobiles américains, les Ontariens devaient composer avec une des plus faibles croissances de revenus au Canada.

Les Québécois, de leur côté, ne s'en tirent pas trop mal, même s'ils continuent à accuser un retard par rapport à la moyenne canadienne.

C'est ce que nous apprennent les plus récentes comparaisons interprovinciales sur le revenu disponible. Ces nouvelles séries statistiques viennent d'être publiées par l'Institut de la statistique du Québec, en collaboration avec le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes.

Ils couvrent une période de huit ans, partant de 1999 et incluant les prévisions pour 2008.

La méthode la plus fréquemment utilisée pour mesurer la richesse des sociétés consiste à diviser la valeur de la production, c'est-à-dire le produit intérieur brut (PIB), par le nombre d'habitants.

Le PIB par habitant est un indicateur simple, crédible, facile à comprendre, mais il ne dit pas tout.

Le revenu disponible par habitant fournit une meilleure idée du niveau de vie, puisqu'il tient compte des impôts.

Pour obtenir le revenu personnel par habitant, on additionne tous les revenus touchés par les résidents d'une province (salaires, revenus de placement et de location, prestations sociales, etc).

On soustrait ensuite tous les impôts (incluant les contributions sociales comme la Régie des rentes ou l'assurance emploi). Enfin, on divise le résultat par le nombre d'habitants.

Le revenu disponible montre ce qu'il reste dans les poches des ménages pour épargner ou dépenser. Il va de soi que le revenu disponible est moins important dans une province où les impôts sont plus élevés.

Pour plus de précision, les chiffres sont traduits en termes réels, c'est-à-dire qu'ils tiennent compte de la hausse des prix.

Cela peut faire une grande différence. Ainsi, pour la période 1999-2008, le revenu disponible des Albertains est passé de 20 941$ à 36 093$, un bond prodigieux de 72%. Pendant la même période, à Terre-Neuve, les chiffres correspondants sont de 15 707$ et 23 741$, une hausse 51%.

Or, les prix montent beaucoup plus vite en Alberta qu'à Terre-Neuve et la vie y est beaucoup plus chère; à revenus égaux, un Terre-Neuvien a donc un meilleur pouvoir d'achat que l'Albertain.

Si on convertit les chiffres que nous venons de voir en dollars de 2002, comme le fait le tableau ci-contre, on s'aperçoit qu'en réalité, le Terre-Neuvien s'est enrichi de 46% pendant cette période, contre 36% pour l'Albertain.

Terre-Neuve fait maintenant partie des provinces riches. En fait, en 2008, elle sera au quatrième rang des provinces les plus riches, derrière l'Alberta, l'Ontario et la Colombie-Britannique.

Dans ces conditions, on comprend très bien le premier ministre Stephen Harper, qui refuse de céder aux saintes colères de Danny Williams, son homologue terre-neuvien, qui veut garder et le pétrole et la péréquation.

Quand Terre-Neuve était la province la plus pauvre au Canada, elle ne crachait pas sur la péréquation; maintenant qu'elle est devenue riche, elle refuse de partager!

Beaucoup plus difficile est la situation en Ontario. Certes, l'Ontario est toujours une province riche: son revenu personnel disponible par habitant demeure le deuxième plus élevé au pays, après celui de l'Alberta.

La province demeure la locomotive de l'économie canadienne. Locomotive, oui, mais fatiguée: en neuf ans, les Ontariens ont vu leur revenu personnel disponible n'augmenter que de 13,6%. Seul le Manitoba réussit à faire pire.

Par rapport à la moyenne canadienne de 19,2%, ce n'est pas très brillant. Là aussi, ces chiffres nous aident à comprendre pourquoi Dalton McGuinty, le premier ministre ontarien, est tellement en maudit contre son homologue terre-neuvien.

Pour le Québec, une bonne et une mauvaise nouvelle.

La bonne: à quelques poussières près, le revenu personnel disponible a augmenté au même rythme que la moyenne canadienne. Pourtant, le secteur manufacturier québécois a été durement frappé, comme l'Ontario, par la hausse du huard et la concurrence internationale.

Pour l'Ontario, la crise de l'automobile a sans aucun doute eu un effet aggravant. Le Québec, d'autre part, a largement compensé les pertes du manufacturier par la création d'emplois dans les services, et pas seulement dans les emplois bas de gamme.

Le secteur des services, c'est aussi les services financiers, les services informatiques, les services aux entreprises.

La mauvaise: le Québec demeure chroniquement incapable de combler, ne serait-ce qu'en partie, l'écart qui le sépare du Canada.

Un chiffre qui fait rêver: si le revenu personnel disponible des Québécois était comparable à celui des autres Canadiens, nous aurions, collectivement, 24 milliards de dollars de plus par année dans nos poches, pour épargner ou dépenser. C'est un peu plus que le budget de la santé...