Au moment où le baril de brut tutoie les 117 $ US, la production pétrolière semble avoir atteint un pic. Les besoins en énergie augmentent sans cesse. Mais les grands producteurs peinent de plus en plus à suffire à la demande mondiale.

Au moment où le baril de brut tutoie les 117 $ US, la production pétrolière semble avoir atteint un pic. Les besoins en énergie augmentent sans cesse. Mais les grands producteurs peinent de plus en plus à suffire à la demande mondiale.

La nouvelle a fait le tour du monde, mardi, en moins de temps qu'il en faut pour s'écrier «1,34$ le litre!».

La compagnie brésilienne Petrobas aurait trouvé un gisement géant au large du Brésil. Baptisé «Carioca», ce trésor contiendrait 33 milliards de barils de pétrole.

Suivirent aussitôt les scénarios optimistes: «assez pour alimenter les raffineries des États-Unis pendant six ans», «la plus grosse découverte au monde en 30 ans», «capable de réduire les prix du brut»

Des automobilistes auront envie de danser la samba en lisant cela. Les investisseurs ont même poussé le titre de Petrobas en forte hausse à la Bourse mercredi.

Mais on s'est emballé un peu trop vite.

La fête commençait à peine que la firme Credit Suisse nous sert cette mise en garde: Carioca contiendrait 55 fois moins de pétrole qu'on le dit. Les gens de l'industrie pétrolière brésilienne, à l'origine de ce «scoop», s'appuieraient sur une vieille évaluation des réserves «probables» d'un vaste territoire qui dépasse largement Carioca, affirme Credit Suisse dans une note financière.

Attentes tempérées

Petrobas a aussi tempéré les attentes, affirmant que plusieurs forages restaient à faire pour confirmer la taille du gisement. Quoi qu'il advienne, il faudra environ 10 ans avant qu'une goutte de brut ne soit extraite de Carioca, ajoutent des analystes.

Pas de miracle

La «bulle Carioca» démontre à quel point la planète souffre de la flambée des cours pétroliers et rêve d'une découverte miraculeuse. En réalité, les grands producteurs peinent de plus en plus à maintenir l'offre de brut au niveau actuel.

De récents développements vont d'ailleurs en ce sens:

> La semaine dernière, le Mexique a permis à la société publique Pemex d'accorder des concessions à des compagnies étrangères. Le motif: accroître la production nationale. Les réserves prouvées de pétrole au Mexique s'épuisent dramatiquement, si bien qu'elles ne dureront que neuf ans.

Pemex est un dinosaure, de l'avis de plusieurs, étant passé du sixième rang mondial en 2004 au 11e rang en 2007. Et elle n'a pas la technologie pour l'exploitation en eaux profondes du golfe du Mexique. Un véritable drame pour le Mexique, car Pemex finance 40% du budget de l'État.

Or, la venue d'étrangers dans l'industrie mexicaine soulève un tollé politique et populaire. Bref, l'émergence d'une «nouvelle Pemex», plus productive, n'est pas pour demain;

> Selon le Wall Street Journal, le géant américain Exxon Mobil aurait négligé d'investir dans l'exploration ces derniers temps. La proportion de ses dépenses à cette fin diminue depuis 2003 par rapport aux revenus. Une tendance troublante pour une entreprise qui cherche à profiter des prix actuels;

> Mais la nouvelle la plus inquiétante est venue de Russie, deuxième exportateur mondial de brut après l'Arabie Saoudite. Dans un entretien publié mardi par le Financial Times, un dirigeant de Loukoil affirme que la production de son pays a atteint 10 millions de barils par jour en 2007, soit plus qu'il ne verra «de toute sa vie».

Pour le premier groupe pétrolier privé russe, la Russie est dans la même situation que le Mexique, l'Alaska et la mer du Nord, trois régions où la production d'or noir diminue. En Sibérie, première région productrice de Russie, «la période de croissance intense de la production de pétrole est terminée», dit-il.

Un pic

En somme, ces nouvelles semblent renforcer la théorie du «pic pétrolier», selon laquelle la production mondiale de brut suivrait une courbe en cloche, déclinant éventuellement avec l'extinction des réserves fossiles. On se rapproche du crépuscule de la production d'or noir.

Le chercheur américain Michael T. Klare, professeur au Hampshire College et auteur de la série d'essais «Resource Wars», fait cette analyse. Le monde est entré dans une nouvelle ère énergétique, qui donnera un avantage financier, politique et stratégique aux régions productrices comme la Russie, l'Arabie Saoudite et le Venezuela.

La production mondiale de brut plafonne, la demande croît sans cesse, mais les énergies de rechange apparaissent trop lentement. L'auteur craint même des conflits armés entre les producteurs et leurs clients.

Dans une lettre ouverte diffusée la semaine dernière sur le web, M. Klare a formulé une demande au futur président des États-Unis: «Votre décision la plus pressante sera d'accélérer la transition d'une (économie) basée sur les énergies fossiles à un système basé sur des énergies alternatives propres.» Espérons que Washington a compris.