Le profil démographique du Canada est en train de changer rapidement, et nombreux sont les spécialistes qui ont déjà sonné l'alarme: le viellissement de la population risque d'avoir un impact considérable sur les finances publiques.

Le profil démographique du Canada est en train de changer rapidement, et nombreux sont les spécialistes qui ont déjà sonné l'alarme: le viellissement de la population risque d'avoir un impact considérable sur les finances publiques.

Mais quelle sera l'ampleur de cet impact?

Le réputé économiste William Robson, directeur de la recherche à l'Institut C.D. Howe, vient d'apporter une réponse à faire dresser les cheveux sur la tête. Au cours des 50 prochaines années, les administrations publiques canadiennes accumuleront un passif de 810 milliards, uniquement à cause des changements démographiques. Ce chiffre ne représente qu'un mimimum, parce que M. Robson travaille à partir d'hypothèses d'une grande prudence. Les résultats de sa recherche ont été publiés hier par le C.D. Howe 1.

Pour combler ce passif de 810 milliards, les gouvernements ne pourront faire autrement que de taxer davantage s'ils veulent éviter de retomber dans le cercle vicieux des déficits et de l'endettement. Réjouissante perspective pour les générations futures...

D'un point de vue québécois, les travaux de M. Robson prennent une allure carrément tragique, comme nous le verrons plus loin.

L'auteur se penche sur les quatre catégories de dépenses publiques qui sont le plus susceptibles d'être touchées par le vieillissement de la population: santé, éducation, prestations aux aînés et prestations pour enfants.

Voyons ce qui se passera dans chacune de ces catégories.

SANTÉ

Plus la population vieillit, plus les dépenses de santé augmentent.

Le Canada consacre actuellement 6,7 % de son produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de santé; dans 50 ans, cette proportion atteindra 10 %. C'est énorme. Un point de pourcentage du PIB représente 14 milliards. On peut donc s'attendre à une véritable explosion des dépenses de santé. Ce sont évidemment les gouvernements provinciaux qui devront absorber le gros du choc. Selon les projections du C.D. Howe, l'impact négatif sur les finances provinciales, au cours des 50 prochaines années, dépassera 1,2 billion (mille deux cent milliards).

ÉDUCATION

La population vieillit parce que les gens font moins d'enfants. Cela signifie donc moins d'élèves dans les écoles, et des économies substantielles au chapitre des dépenses d'éducation. Les autorités scolaires pourront non seulement maintenir, mais aussi augmenter la qualité des programmes tout en dépensant moins. D'ici 2050, les administrations publiques réaliseront ainsi des épargnes de 390 milliards. Ces montants peuvent être considérés comme un actif à mettre au crédit des gouvernements. Ainsi, les épargnes réalisées en éducation compenseront pour une partie de l'explosion des dépenses de santé. En tenant compte des deux, on en arrive tout de même à un trou de 834 milliards.

PRESTATIONS AUX AÎNÉS

Les pensions de veillesse et le supplément de revenu garanti constituent un des principaux postes de dépenses du gouvernement fédéral. À elles seules, les prestations aux aînés représentent 17 % des dépenses fédérales. Dans ces conditions, il est clair que le veillissement de la population entraînera un impact négatif sur les finances fédérales. M. Robson évalue cet impact à 130 milliards, toujours au cours des 50 prochaines années. L'Alberta, seule province qui a introduit son propre programme supplémentaire de prestations aux aînés, sera légèrement touchée (6 milliards). Voilà donc un trou de 136 milliards, qui porte le total du passif à 970 milliards.

PRESTATIONS POUR ENFANTS

Ottawa et la plupart des provinces administrent par ailleurs des programmes de prestations pour enfants. Deux programmes fédéraux, la Prestation fiscale pour enfants et la Prestation universelle pour la garde d'enfants, annoncée en mai dernier dans le budget Flaherty, comptent pour la presque totalité de l'aide des administrations publiques aux parents (le C.D. Howe ne tient pas compte, dans son étude, du programme québécois de garderies subventionnées). Comme il y aura moins d'enfants, Ottawa réalisera une économie de 156 milliards à ce chapitre. Dans les provinces, les économies seront marginales: un peu plus de 4 milliards, pour un total de 160 milliards. En soustrayant de montant du passif de 970 milliards, on obtient le résultat de 810 milliards, que nous avons vu plus haut.

À tout prendre, le fédéral se tirera finalement assez bien d'affaire. Vrai, les pensions de vieillesse coûteront de plus en plus cher, mais ces coûts seront amplement compensés par les gains réalisés ailleurs. Sur la période projetée de 50 ans, le vieillissement de la population permettra même à Ottawa de dégager un surplus de 37 milliards.

La situation est tout à fait différente dans les provinces qui, écrasées par les dépenses de santé, devront collectivement faire face à un passif de 847 milliards, dont 226 milliards pour le Québec. Évidemment, beaucoup de choses pourraient changer si de nouveaux accords survenaient entre Ottawa et les provinces, mais l'auteur ne s'aventure pas à spéculer là-dessus, d'autant plus que ses projections portent sur une très longue période.

Le trou de 810 milliards ne fera pas des ravages de la même façon dans toutes les provinces. Le Québec est victime des migrations interprovinciales; il est plus pauvre que la moyenne canadienne; il ne parvient pas à retenir ses immigrants en âge de travailler; son taux de fertilité est le plus bas au Canada. Tous ces facteurs jouent contre lui.

Pour donner un ordre de grandeur des ravages qui subiront les provinces, M. Robson a eu l'idée de comparer, dans chaque cas, l'importance du passif à la taille du PIB en 2005. Par exemple, le veillissement de la population entraînera un trou de 284 milliards dans les finances publiques ontariennes. Le PIB ontarien est de 537 milliards. Le trou représente donc 53 % du PIB de la province. Cette proportion est de 52 % en Alberta, 70 % en Colombie-Britannique. La moyenne canadienne est de 59 %. Le Québec de distingue avec un catastrophique 82 %.

Y a-t-il moyen d'éviter le pire? Oui, répond M. Robson, mais pour cela, le Canada devra mettre les bouchées doubles pour régler ses problèmes chroniques de productivité et augmenter sa richesse collective. La remarque est deux fois plus pertinente dans le cas du Québec.