De New York à New Delhi en passant par Londres, la flambée du prix du brut provoque de la colère, mais aussi des changements majeurs dans les moeurs. La demande mondiale n'est pas insensible aux cours faramineux de l'or noir, et les spéculateurs commencent à s'inquiéter.

De New York à New Delhi en passant par Londres, la flambée du prix du brut provoque de la colère, mais aussi des changements majeurs dans les moeurs. La demande mondiale n'est pas insensible aux cours faramineux de l'or noir, et les spéculateurs commencent à s'inquiéter.

La nouvelle a eu l'effet d'une douche froide sur le marché surchauffé du pétrole.

L'Inde, où le nombre de véhicules double tous les sept ans, a augmenté mercredi de 11% les prix subventionnés de l'essence afin d'atténuer les pertes des raffineurs de l'État face à la flambée du baril. Les partis d'opposition ont réagi vivement en appelant à des manifestations et à des grèves partout dans le pays.

Le même jour, la Malaisie a majoré de 41% le prix de l'essence, lui aussi fortement subventionné par l'État, pour réduire la pression sur le budget gouvernemental. Le message est clair: fini l'essence bon marché.

Or, ce mouvement pourrait s'étendre.

En Asie, plusieurs États, dont la Chine, maintiennent le prix de l'essence artificiellement bas pour apaiser la grogne populaire et restreindre l'inflation. Mais on réalise que cette stratégie coûte cher, déforme la réalité économique et ne peut plus durer.

Après la décision de l'Inde, le baril de brut est passé brièvement sous les 122$US, avant de remonter brusquement à plus de 138$US vendredi. Mais ce repli passager des prix indique que les marchés réalisent que la demande ne pourra rester longtemps insensible aux prix faramineux de l'or noir, même dans les pays en forte croissance comme l'Inde. Le doute s'installe. Car on est près du point de rupture de la demande.

D'ailleurs, de nouvelles études évoquent le scénario d'un recul de 5% de la demande en Indonésie, à Taiwan, en Thaïlande et en Inde. Cela entraînerait une baisse de la consommation de brut de 310 000 barils par jour, estime la firme américaine Tradition Energy, soit 3% de la production de l'Arabie Saoudite.

«Cela marquerait la fin de la flambée des prix des matières premières (...) qui ont attiré de nombreux investisseurs», renchérit Robert Laughlin, du courtier MF Global, de Chicago, dans une note de recherche.

Changements

Dans les chaumières de la planète, on rouspète avec raison contre les prix du brut. Mais l'essence chère provoque des changements dans les habitudes, certains plus rapides qu'on pouvait l'imaginer.

En Inde, le nouveau métro ultramoderne de New Delhi, dont les voitures ont été fabriquées par Bombardier, est un succès inespéré, gracieuseté des prix élevés de l'essence. Certains abandonnent même les rickshaws motorisés, ces curieux véhicules à trois roues, au profit du métro, selon divers médias.

L'affluence dépasse les attentes, si bien que trois millions de passagers par jour - 20% de la population de New Delhi - utiliseront le métro en 2011, selon l'agence Bloomberg.

États-Unis

Entre-temps, à l'autre bout du monde, les Américains redécouvrent les transports en commun.

Métros, trains et autobus, encore sous-utilisés dans un pays où la voiture est reine, sont pris d'assaut depuis la flambée du prix de l'essence, qui dépasse 4$ le gallon.

À New York, le métro centenaire, déjà saturé avec ses cinq millions de voyageurs quotidiens, connaît une hausse de fréquentation de plus de 5% depuis janvier. À Los Angeles, le métro accueille 14% plus de voyageurs depuis trois mois.

Des élus locaux, las d'attendre des actions concrètes de Washington, prennent aussi les grands moyens. Des municipalités et des écoles du Michigan, de New York et de l'Oklahoma songent à implanter la semaine de travail de quatre jours. Du jamais vu aux États-Unis. Le but: aider les employés à réduire leurs frais de transport.

Au Royaume-Uni, les ventes de gros VUS ont chuté de 18% le mois dernier, a-t-on appris vendredi, un signe que l'Europe tourne également le dos aux véhicules trop gourmands après y avoir pris goût ces dernières années.

En somme, le «choc pétrolier» est en train de chambarder les habitudes, même s'il est tôt pour parler d'une tendance définitive.

Et certains experts s'en réjouissent.

Le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, est l'un de ceux qui s'opposent farouchement à la baisse des taxes sur l'essence.

En entrevue avec la BBC la semaine dernière, il résumait ainsi son analyse de la crise pétrolière: «La meilleure solution aux prix élevés du pétrole sont les prix élevés du pétrole.»