Appelée à commenter la décision de Quebecor Média et de Shaw Communications, qui ont cessé de verser leurs paiements mensuels au Fonds canadien de télévision jusqu'à ce qu'ils obtiennent gain de cause, la ministre de la Culture et des Communications, Line Beauchamp, a déclaré à La Presse: «Je ne peux pas endosser les gestes des entreprises qui fragilisent l'industrie du milieu culturel.»

Appelée à commenter la décision de Quebecor Média et de Shaw Communications, qui ont cessé de verser leurs paiements mensuels au Fonds canadien de télévision jusqu'à ce qu'ils obtiennent gain de cause, la ministre de la Culture et des Communications, Line Beauchamp, a déclaré à La Presse: «Je ne peux pas endosser les gestes des entreprises qui fragilisent l'industrie du milieu culturel.»

Et qu'entend-elle faire de concret pour régler la crise de financement des émissions de télé?

Lundi prochain, lorsqu'elle rencontrera la ministre du Patrimoine Bev Oda, Mme Beauchamp demandera au gouvernement Harper de mettre immédiatement en place des mesures pour forcer les deux entreprises récalcitrantes à verser leur dû au Fonds canadien de télévision (FCT).

Mme Beauchamp dira notamment à son homologue fédérale que, de l'avis des analystes de son ministère, la réglementation fédérale du Conseil de radiodiffusion et des télécommunications (CRTC) devrait être rapidement reprécisée au chapitre des contributions obligatoires des câblodistributeurs au FCT. Il faudrait, dit-elle, insister sur l'obligation de verser des «paiements mensuels» au lieu de se contenter de parler, comme c'est le cas actuellement, d'une contribution annuelle.

La réglementation actuelle du CRTC au sujet des contributions obligatoires des câblodistributeurs est trop vague pour légalement forcer Quebecor Média et Shaw à faire des paiements mensuels au FCT, comme l'ont toujours fait les câblodistributeurs et télédistributeurs par satellite.

Pour la ministre Line Beauchamp, il ne fait pas de doute que le Fonds canadien de télévision doit continuer d'exister afin de contribuer au financement de la production d'émissions typiquement québécoises et canadiennes.

Il y va de la survie de notre culture contre l'envahissement des émissions américaines au Québec et dans les autres provinces. En 2006, le tiers des 250 millions de dollars qu'administrait le FCT ont été versés à des émissions produites en français. L'industrie québécoise de la télévision emploie environ 8500 personnes.

Par contre, Mme Beauchamp admet que le FCT doit subir une cure de rajeunissement dans son modèle de fonctionnement et qu'il doit maintenant composer avec la nouvelle réalité télévisuelle allant de l'Internet à la vidéo sur demande. La solution, dit-elle, réside dans la mise en place d'un nouveau modèle d'affaires.

«Mais le leadership en cette matière doit venir du gouvernement fédéral, car tous les outils mis en cause relèvent de lui : le CRTC, le Fonds canadien de télévision. Nous, du Québec, on ne peut pas régler cette crise même si Quebecor est un gros joueur», ajoute Mme Beauchamp.

Après sa rencontre en tête à tête avec la ministre fédérale du Patrimoine, Mme Beauchamp participera à la quatrième Table ronde sur la diversité culturelle Canada-Québec-Société civile. La table ronde réunira les ministres Oda et Beauchamp ainsi que des représentants de la Coalition canadienne pour la diversité culturelle.

En suspendant pour une période indéterminée leurs versements mensuels au Fonds canadien de Télévision (FCT), Quebecor Média et Shaw Communications ont réussi cette semaine à se mettre à dos tous les intervenants du milieu de la télévision québécoise, soit les producteurs, les comédiens, les auteurs, les techniciens, les réalisateurs, les compositeurs.

Dans un rare front commun, les six associations d'artisans de la télévision québécoise ont accusé Quebecor Média et Shaw de se comporter en mauvais citoyens.

En raison évidemment de l'immense place que Quebecor Média occupe dans le paysage médiatique québécois par l'entremise de Vidéotron, de TVA et du Journal de Montréal, c'est la décision de Pierre Karl Péladeau de suspendre les versements mensuels au FCT qui a soulevé la colère des représentants du milieu de la télévision québécoise.

À leur avis, la production de plusieurs émissions prévues pour l'automne serait sérieusement menacée si le gouvernement fédéral ne force pas immédiatement Vidéotron et Shaw à respecter leurs engagements envers le FCT et le CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada).

En déclarant dans la lettre qu'il a envoyée au président du FCT: «Nous avons décidé de mettre fin à nos contributions mensuelles au Fonds canadien de télévision jusqu'à ce que des changements substantiels soient apportés à sa gestion et à ses orientations», Pierre Karl Péladeau s'est lancé dans une opération inacceptable de la part du grand patron d'une entreprise publique.

Une entreprise qui a, par surcroît, le gouvernement du Québec comme partenaire financier. Par l'entremise de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, le gouvernement du Québec a injecté la somme astronomique de 3,2 milliards de dollars dans la création en l'an 2000 de Quebecor Média.

Vu l'investissement massif du gouvernement du Québec dans Quebecor Média, pourquoi le gouvernement Charest ne demande-t-il pas à la Caisse d'intervenir auprès du conseil d'administration de Quebecor Média dans le but de forcer Pierre Karl Péladeau à revenir sur sa décision?

Réponse de la ministre Beauchamp: la convention d'actionnaire de la Caisse avec Quebecor Média ne lui permet pas d'intervenir dans une décision opérationnelle de l'entreprise.

Dans le cadre de sa «Politique sur l'investissement socialement responsable», entrée en vigueur le 19 janvier dernier, la Caisse de dépôt et placement du Québec affirme le principe suivant: «la Caisse s'attend à ce que les entreprises dans lesquelles elle investit respectent les communautés locales dans lesquelles elles exercent leurs activités et favorisent leur développement.»

Bravo pour le principe.

Mais encore faudrait-il le faire respecter par Quebecor Média dans le dossier du Fonds canadien de télévision.