À compter d'aujourd'hui (mardi), les travailleurs ontariens ne seront plus obligés de prendre leur retraite à l'âge de 65 ans.

À compter d'aujourd'hui (mardi), les travailleurs ontariens ne seront plus obligés de prendre leur retraite à l'âge de 65 ans.

La loi interdit en effet aux employeurs de forcer un employé à quitter son emploi uniquement à cause de son âge.

L'Ontario n'est pas la première province à adopter une législation en ce sens. Le Québec, l'Alberta, le Manitoba et l'Île-du-Prince-Édouard reconnaissent déjà que la mise à la retraite obligatoire à 65 ans constitue en acte discriminatoire.

Et ce n'est pas fini: déjà, le gouvernement de Terre-Neuve a annoncé qu'il emboîtera le pas dès le printemps prochain, et on peut certainement s'attendre à ce que les autres provinces suivent le mouvement d'ici quelques courtes années.

Compte tenu du poids économique et démographique de l'Ontario, l'entrée en vigueur de la nouvelle législation représente sans aucun doute une date capitale dans l'histoire canadienne des relations de travail.

Près de 80% des travailleurs canadiens peuvent maintenant choisir de rester plus longtemps sur le marché du travail s'ils le désirent.

Certes, le droit de conserver son emploi après 65 ans n'est pas coulé dans le ciment: les employeurs ont toujours la possibilité de suspendre, congédier, déplacer ou mettre un salarié à la retraite pour des motifs justes et raisonnables.

Évidemment, l'Ontario, comme dans toutes les provinces qui ont aboli le plafond de 65 ans, n'empêchera pas les gens de prendre leur retraite plus tôt. Comme c'est le cas maintenant, il sera toujours possible de quitter son emploi à 65, 60 ou 55 ans. L'important, c'est que les travailleurs ont maintenant le choix.

Les milieux syndicaux ontariens réagissent plutôt mal à cette nouvelle. Wayne Samuelson, président de la Fédération du travail de l'Ontario, pense visiblement qu'il s'agit d'un complot. Selon lui, des «stratèges travaillent dans l'ombre pour faire travailler les gens plus longtemps».

Le gouvernement, selon les sombres prévisions de M. Samuelson, profitera de la situation pour retarder l'âge d'accès aux pensions de vieillesse, comme cela s'est produit, selon lui, en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

Un certain Peter Kormos, député néo-démocrate, en rajoute: les employeurs ne voudront plus payer pour des employés âgés et moins performants; en conséquence, ils trouveront toutes sortes de prétextes pour justifier des congédiements préventifs.

Ces arguments sont farfelus.

Dans la vraie vie, la possibilité pour les travailleurs canadiens de conserver leur emploi après 65 ans apporte plusieurs bonnes nouvelles.

Nombreux sont les travailleurs qui ont la santé, la disponibilité, le goût et la motivation de travailler après l'âge statutaire de la retraite. M. Kormos n'a visiblement aucune connaissance des nouvelles réalités du marché du travail lorsqu'il décrète que les employés de 65 ans et plus sont «moins performants».

Au contraire: les employeurs apprécient de plus en plus leur expérience, leurs contacts, leur maîtrise de la culture de l'entreprise.

Sur le plan sociétal, ceux qui restent sur le marché du travail rendent service à tout le monde. La population vieillit rapidement. En 2000, on comptait quatre millions de Canadiens âgés de 65 ans et plus; dans 20 ans, il seront huit millions, deux fois plus.

Toutes les études actuarielles l'ont montré et démontré: il y aura de moins en moins de travailleurs pour financer les retraites d'un nombre toujours grandissant de retraités. Dans ces conditions, les travailleurs de 65 ans et plus contribueront à soulager d'autant le fardeau des autres travailleurs.

Lorsque M. Samuelson parle de complot pour faire travailler les gens plus longtemps, il est carrément dans les patates.

Comme nous l'avons vu, la législation ontarienne prévoit que n'importe qui pourra prendre sa retraite à 65 ans ou avant, s'il le désire et s'il juge qu'il en a les moyens, exactement comme maintenant.

La situation est identique au Québec, en Alberta et dans toutes les autres provinces qui ont déclaré la retraite obligatoire illégale. Il n'y a là aucun complot pour attacher les travailleurs à leurs machines!

Il est vrai, par ailleurs, que les États-Unis entendent porter l'âge statutaire de la retraite à 67 ans d'ici cinq ans. Mais le régime public américain de pensions sera bonifié en conséquence.

Le travailleur américain pourra toujours se retirer à 65 ans et toucher la pension à laquelle il a droit; s'il décide de rester sur le marché du travail quelques années de plus, sa pension augmentera en conséquence.

Et sa situation financière sera évidemment meilleure, puisqu'il continuera de toucher le plein salaire auquel il a droit en tant que travailleur.

Il faut enfin prendre l'exemple britannique avec des pincettes. Les régimes publics de pensions en Europe peuvent difficilement soutenir la comparaison avec ceux du Canada et des États-Unis. De ce côté-ci de l'Atlantique, on compte actuellement cinq travailleurs pour un retraité; dans plusieurs pays européens, cette proportion atteint déjà deux retraités pour cinq travailleurs.

En outre, la plupart des régimes européens ne sont pas capitalisés, c'est-à-dire qu'on n'a pas prévu de caisse pour financer les pensions futures. Les pays européens ne peuvent pas continuer longtemps comme cela.

Déjà, dans des pays comme l'Italie ou la Suède, on parle de porter l'âge statutaire de la retraite à 70 ans. Au Royaume-Uni, il est question de 68 ans. Toutefois, dans plusieurs cas, il demeure possible de toucher sa pension à 65 ans et même, dans plusieurs cas, avant.

En Suède, par exemple, il est possible de toucher sa pension de vieillesse n'importe quand entre 60 et 70 ans, le montant de la prestation étant évidemment ajusté en conséquence. Cela est cependant en train de changer, et certains pays (c'est notamment le cas au Royaume-Uni) pensent effectivement à retarder l'accès aux pensions de vieillesse de quelques années.

Cela ne veut pas dire que les gens devront travailler plus longtemps; il sera toujours possible de quitter le marché du travail à 65 ans, et de faire ajuster le paiement de sa retraite avec une prestation de raccordement (comme cela se fait déjà couramment au Canada, pour les travailleurs qui prennent leur retraite avant 65 ans).

Tout ce qu'on peut apprendre de l'expérience européenne, c'est que les régimes publics de pension européens ne sont pas en aussi bonne santé qu'au Canada, et que les correctifs font plus mal.

La législation ontarienne, comme celle du Québec et des autres provinces, ne contraint personne à travailler après 65 ans. Elle n'empêche personne de prendre une retraite anticipée. En revanche, elle interdit aux employeurs de forcer les travailleurs de 65 ans à laisser leur emploi du simple fait de leur âge.

C'est un authentique progrès social, et on comprend mal pourquoi les syndicats et les néo-démocrates s'y opposent autant.