Henri-Paul Rousseau a-t-il mérité sa paye en 2007? La question est simple, mais la réponse, elle, est tout sauf évidente.

Henri-Paul Rousseau a-t-il mérité sa paye en 2007? La question est simple, mais la réponse, elle, est tout sauf évidente.

Le président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec a empoché 1,8 M$ l'an dernier. C'est précisément 82 281$ de moins qu'en 2006. Exprimé en pourcentage, on parle donc d'une «pichenette» de 4,4%.

Or, 2007 passera à l'histoire au Canada comme l'année du PCAA ou, pour les intimes, le papier commercial adossé à des actifs. Cette crise n'a pas encore connu son dénouement.

C'est aujourd'hui que les détenteurs du PCAA qui avait été vendu par des boutiques indépendantes dont les arrières n'étaient pas assurés se prononceront sur ce qu'il convient d'appeler la «proposition Crawford».

Tout indique que l'hécatombe n'aura pas lieu, soit la liquidation en panique de 32 milliards de dollars de ce papier commercial qui ne s'échange plus depuis août dernier en vertu d'un accord de cessez-le-feu.

La firme de courtage Canaccord a sauvé la mise en promettant de rembourser ses 1430 clients particuliers à qui elle avait suggéré d'investir temporairement leurs liquidités dans ce type de papier commercial. Or, ces clients étaient assez nombreux pour faire dérailler la proposition.

En vertu de la proposition Crawford, les détenteurs de PCAA pourront échanger leurs placements à court terme contre des titres de sept à neuf ans dont les actifs sous-jacents ont été nettoyés.

Ceux-ci devraient donc être exempts d'horreurs comme des prêts hypothécaires à haut risque, le subprime en bon français. C'est la crainte que le PCAA ait été contaminé par le subprime américain qui a provoqué l'effondrement du marché.

Bref, Henri-Paul Rousseau peut souffler. La Caisse de dépôt, qui avait 13,4 milliards de dollars en papier commercial non bancaire lorsque la crise a éclaté, devrait pouvoir minimiser ses pertes.

Ayant récupéré plus de 750 millions de dollars en décembre, la Caisse a déjà radié 15% du 12,6 milliards restant, soit 1,9 milliard de dollars.

Forcément, ce dénouement relativement heureux teinte notre jugement sur la performance d'Henri-Paul Rousseau. D'autant que le président de la Caisse a travaillé presque nuit et jour pour négocier le fameux accord de Montréal, carburant au poulet rôti de Saint-Hubert, nous a révélé en primeur un journal torontois!

Mais il faut aussi voir que c'est la Caisse qui s'est mise dans le pétrin en investissant plus que n'importe qui d'autre dans ce type de véhicule financier -40% de ses liquidités! - dans l'espoir d'arracher un rendement légèrement supérieur. Teachers', la caisse de retraite des enseignants de l'Ontario, ne s'était pas aventurée dans ces contrées.

En rémunération, on ne juge toutefois pas les patrons à l'effort mais aux résultats.

La Caisse de dépôt a enregistré un rendement de 5,6% en 2007, contre 14,6% en 2006. Toutefois, elle a mieux fait que 90% des gestionnaires des caisses de retraite au Canada l'an dernier, notamment grâce à des placements privés heureux. La Caisse a ainsi battu son éternelle rivale, Teachers', qui n'a pu faire mieux que 4,5%.

En revanche, et c'est capital, la Caisse a moins bien fait, dans son ensemble, que les indices auxquels elle se compare. Ainsi, la performance des gestionnaires de la Caisse est, dans son ensemble, inférieure de 0,6% à celle des indices comparables.

Autrement dit, si j'avais investi les yeux fermés dans ces indices dans les mêmes proportions, j'aurais mieux fait que le Caisse.

C'est la faute du papier commercial, qui a retranché 1,3% au rendement global de la Caisse.

Malgré tout, Henri-Paul Rousseau a eu droit à une prime de 125 000$ en 2007. Ainsi, le comité de rémunération du conseil a seulement retranché 17 140$ à sa prime à court terme. Encore plus étonnant, sa rémunération à long terme a grimpé de 22 410$!

En comparaison, la Banque Nationale a carrément privé son PDG, Louis Vachon, de sa prime annuelle.

Explication de la Caisse? Henri-Paul Rousseau ressentira longtemps les contrecoups du papier commercial, parce que sa rémunération variable reflète des moyennes de performance sur plusieurs années. Trois ans en ce concerne la prime, cinq ans en ce qui concerne la rémunération à long terme.

Ainsi, la prime et la rémunération à long terme qu'Henri-Paul Rousseau a empochées en 2007 reflètent dans une large mesure ses bonnes performances des années passées.

Dans le contexte, il est presque impossible d'apprécier à quel point le grand patron de la Caisse est puni pour une contre-performance ou récompensé pour un bon coup.

Cela laisse les observateurs sur une drôle d'impression, impression qui est d'ailleurs assez répandue en ce qui concerne le milieu financier. L'ascenseur de la rémunération semble toujours monter plus vite qu'il ne redescend.