Ceux qui doutent de ce projet qui requiert un faramineux investissement de 2,1 milliards US pourront se consoler. Bombardier fermera le robinet d'ici 2009!

Ceux qui doutent de ce projet qui requiert un faramineux investissement de 2,1 milliards US pourront se consoler. Bombardier fermera le robinet d'ici 2009!

Ira, ira pas? Au moins, Bombardier vient de se fixer un ultimatum après avoir tergiversé pendant 14 mois sur le sort de la CSeries, cette nouvelle famille d'avions de ligne dont le développement a été mis en veilleuse en janvier 2006.

À défaut d'être rapprochée, cette date butoir a le mérite d'être définitive. Bombardier devra se brancher d'ici la fin de 2008 pour que la CSeries puisse décoller en 2013, au moment jugé le plus opportun.

Entre-temps, Bombardier «intensifie ses négociations avec ses fournisseurs» afin de conclure des partenariats, a révélé Pierre Beaudoin, président et chef de l'exploitation de Bombardier Aéronautique, lors de la téléconférence tenue mercredi à l'occasion du dévoilement des derniers résultats financiers.

Bonne nouvelle? Cela dépend si l'on croit dans les chances du succès commercial de la CSeries, qui devra rivaliser avec les petits avions d'Airbus et de Boeing. Ceux qui croient dans le potentiel de ces avions de 110 à 130 passagers - et ils sont nombreux à Mirabel, au site présumé de l'assemblage final - seront heureux d'apprendre que Bombardier appuie sur l'accélérateur.

Ceux qui doutent de ce projet qui requiert un faramineux investissement de 2,1 milliards US pourront se consoler. Bombardier ne dépensera pas éternellement et fermera le robinet d'ici 2009!

Depuis le début de cette aventure, il s'est écoulé plus de 100 millions de dollars américains en frais de recherche et de développement. En comparaison, cette somme équivaut au bénéfice net que Bombardier a rapporté durant son année financière 2006-2007, soit 112 millions.

Or, même avec une équipe de développement réduite, la CSeries coûte autour de 20 millions par année à Bombardier. L'avionneur n'a pas les moyens d'investir autant d'argent sans que cela ne rapporte.

En effet, si la rentabilité de Bombardier Aéronautique s'est améliorée lors de la dernière année, grâce aux jets d'affaires qui se vendent comme des petits pains chauds, sa marge bénéficiaire, de 3,9 %, demeure fort éloignée de sa cible de 8 %.

La CSeries reste un véritable casse-tête pour Bombardier. Difficile de vendre l'avion à des compagnies aériennes quand on est incapable de préciser avec quel moteur il sera propulsé.

Difficile de convaincre des fournisseurs d'investir lorsque les clients sont invisibles. Or, le tiers des coûts de développement, soit 700 millions, doivent venir de ces futurs partenaires.

La difficulté de trouver des partenaires industriels se complique du fait que Bombardier s'est engagé à confier plusieurs des étapes de la production, dont l'assemblage final, à ses travailleurs des régions de Montréal et de Belfast, en Irlande du Nord.

Sans ces engagements, l'avionneur n'aurait pas obtenu des prêts et des contributions de 700 millions des gouvernements du Canada, du Québec et du Royaume-Uni.

La Chine, par exemple, est très intéressée par le projet de la CSeries. Mais à la seule condition que Bombardier confie à des entreprises chinoises la fabrication de composantes et de sous-ensembles à valeur ajoutée. Bref, que le pays profite de transferts de technologies.

Bombardier est déjà associée à une entreprise chinoise. Elle travaille de plus en plus étroitement avec la Shenyang Aircraft Company, une filiale de la China Aviation Industry Corporation 1 ou Avic I. Cet immense conglomérat chapeaute 47 usines, 31 instituts de recherche et 22 sociétés spécialisées qui emploient ensemble un quart de million de salariés.

Shenyang fabrique déjà les portes des avions régionaux turbopropulsés de série Q. Elle assemble aussi le fuselage avant et arrière du Q400. Bombardier l'a déjà identifiée comme un «partenaire privilégié» de la CSeries. Ainsi, si l'avionneur montréalais va de l'avant, Shenyang construirait le fuselage central, un gros morceau.

«Notre partenaire chinois avait déjà signifié un intérêt majeur à la CSeries et continue de travailler avec nous», a commenté Pierre Beaudoin mercredi, en notant que l'utilisation accrue de matériaux composites par les concepteurs de la CSeries fait saliver les Chinois.

L'intérêt d'un partenaire chinois est double, puisque une telle association ouvre les portes de l'Empire du Milieu, le deuxième marché en importance pour les avionneurs après les États-Unis.

«Pour connaître un gros succès local sur ces marchés, il faut assembler des composantes localement», a reconnu Pierre Beaudoin en faisant allusion aux marchés chinois et russe.

Comment allier ces impératifs qui semblent irréconciliables? Le problème n'est peut-être pas insoluble. Pour financer sa CSeries, Bombardier n'est pas obligée de confier du travail associé à cette seule famille d'appareils. Et pourquoi ne pas sous-traiter d'autres composantes et sous-ensembles des avions de série Q?

Les avions de la série Q sont assemblés à l'usine De Havilland, qui se trouve à Downsview, en banlieue de Toronto. Bref, c'est une usine qui est beaucoup moins sensible, politiquement parlant, que celles qui se trouvent au Québec. En plus, cette usine tourne actuellement à plein régime.

C'est là où sont assemblés les jets d'affaires Global Express. Vous voudriez acheter un Global ce matin qu'il vous faudrait attendre 24 mois, un délai trop long de l'aveu même de Bombardier.

Bref, il y aurait moyen de moyenner, comme disent les Québécois.

Il ne resterait plus alors qu'à identifier un moteur et trouver des clients. Un détail, quoi. En attendant, vous pouvez prendre cette page du journal et vous fabriquer un bel avion de papier.