Ceux qui s'attendaient à ce que le Canada plonge en récession cette année, et ils étaient assez nombreux, peuvent respirer pour l'instant.

Ceux qui s'attendaient à ce que le Canada plonge en récession cette année, et ils étaient assez nombreux, peuvent respirer pour l'instant.

Au premier trimestre de 2008 (janvier, février, mars), l'économie canadienne a subi une contraction de 0,3%. Techniquement, on considère qu'il y a récession lorsque l'économie recule pendant deux trimestres consécutifs. C'est donc avec une certaine inquiétude que les économistes attendaient la publication des résultats d'avril.

Or, lundi, Statistique Canada a annoncé une croissance de 0,4% en avril. Ce n'est pas énorme, certes, mais c'est nettement mieux que les prévisions de la plupart des experts. C'est largement suffisant, en tout cas, pour penser que le Canada passera à côté de la récession.

Les chiffres sont d'autant plus encourageants que le moteur de la croissance, en avril, a été le secteur manufacturier, le plus durement malmené depuis plusieurs années.

Ouf!

Malgré cette bonne nouvelle, il serait hautement imprudent de déboucher le champagne.

Premièrement, parce que cela ne sert pas à grand-chose de tirer des conclusions à partir des résultats d'un seul mois. On constate qu'il y a amélioration, c'est très bien, mais ça ne va pas plus loin que ça pour l'instant.

Deuxièmement, parce que le Canada traîne avec lui un certain nombre de graves problèmes structurels. C'est ce que s'est chargé de rappeler le Conference Board, qui publie à chaque année depuis 1997, à l'occasion de la Fête du Canada, un bilan comparatif qui mesure le rendement socio-économique du pays par rapport à 16 autres pays industrialisés.

Cette année, on perçoit clairement un sentiment de découragement chez les auteurs du rapport. «Malheureusement, déclare l'économiste Anne Golden, présidente de l'organisme, le Conference Board martèle ce message depuis 12 ans, et les mêmes difficultés surviennent année après année.»

Le document évalue la qualité de vie dans les différents pays en fonction de six grands dossiers: économie, innovation, environnement, éducation, santé et société. Pour chaque dossier, les pays reçoivent une note de A à D. Le Canada n'obtient aucun A, quatre B, un C et un D.

Dans cinq des six domaines, il se classe dans la moitié inférieure du groupe, c'est-à-dire qu'il ne peut faire mieux qu'une neuvième place. C'est pitoyable, et cela annonce de bien sombres lendemains. «La récréation est finie depuis déjà plusieurs années», commente le Conference Board. «Le Canada ne figure plus parmi les premiers et il y a lieu de craindre pour la prospérité future.»

Voyons ce qui se passe, dossier par dossier:

- ÉCONOMIE: Sur une longue période, la détérioration est manifeste. Au début des années 1970, le Canada occupait le quatrième niveau de vie chez les 17 pays étudiés, derrière les États-Unis, la Suisse et la Suède. Aujourd'hui, il a glissé au 11e rang et s'approche du peloton de queue. Les coupables: retard chronique de productivité, difficultés d'adaptation à la concurrence internationale, incapacité à attirer suffisamment d'investissements. Note: B.

- INNOVATION: C'est dans ce dossier hautement stratégique que le Canada obtient la pire note au classement, un D. Certes, il existe des instituts de recherche de qualité et un savoir scientifique reconnu, mais ce n'est pas assez si on compare avec les autres pays. Surtout, les entreprises canadiennes, qui ont un accès facile au marché américain, négligent d'investir dans la recherche et le développement. En conséquence, le Canada doit se contenter d'une 13e place.

- ENVIRONNEMENT: Bien que certains gestes positifs aient été posés, le Canada, sur une base par habitant, demeure le pire pollueur de la planète après l'Australie, Dans ces conditions, il ne doit pas se surprendre de récolter un pauvre C.

- ÉDUCATION: C'est le point fort du Canada, qui possède des institutions d'enseignement de grande qualité et affiche un taux de diplomation élevé. Toutefois, il y a des problèmes: quatre Canadiens sur 10 éprouvent des difficultés en lecture, écriture et calcul, et le pays est très en retard dans la formation de diplômés de troisième cycle. Note: B.

- SANTÉ; Du bon et du moins bon: dans l'ensemble, l'état de santé des Canadiens s'améliore, mais le «dérapage des taux de diabète et d'obésité, surtout chez les jeunes, signifie que les enfants actuels pourraient être les premiers depuis un siècle à connaître une moins bonne santé que celle de leurs parents». Neuvième place sur 17, note B.

- SOCIÉTÉ: Beaucoup de Canadiens sont fiers de leurs programmes sociaux, qui redistribuent la richesse de façon plus équitable qu'aux États-Unis. Mais tout n'est pas que rose. Dans certains indicateurs, comme le taux de suicide ou les vols par effraction, le Canada est en retard sur son voisin. Surtout, le Canada est en retard sur plusieurs autres au chapitre de la pauvreté des enfants. Dixième place, note B.

On peut, de trimestre en trimestre, s'accrocher aux résultats du produit intérieur brut (PIB). On peut, comme c'est le cas avec la publication des derniers chiffres, se réjouir de passer à côté de la récession. Mais il n'y aura rien de véritablement réglé avant que les Canadiens ne prennent au sérieux des avertissements crédibles et articulés, comme ceux du Conference Board.