Pour des millions de Roumains, de Polonais et d'autres habitants d'Europe de l'Est, émigrer à l'Ouest pour trouver emploi et fortune était jusqu'à récemment une étape normale dans la vie d'un travailleur.

Pour des millions de Roumains, de Polonais et d'autres habitants d'Europe de l'Est, émigrer à l'Ouest pour trouver emploi et fortune était jusqu'à récemment une étape normale dans la vie d'un travailleur.

Mais l'économie est en panne au Royaume-Uni, en France et dans plusieurs pays riches. La désillusion s'installe. L'exil ne séduit plus.

C'est un constat étonnant, vu son ampleur et sa portée économique: près de la moitié du million de ressortissants des pays d'Europe de l'Est ayant émigré au Royaume-Uni, après leur intégration à l'Union européenne, en mai 2004, sont rentrés chez eux.

Dans un rapport publié la semaine dernière, l'organisme britannique IPPR (Institute for Public Policy Research) affirme que le nombre de personnes arrivant du groupe des «Huit» (République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie, Slovénie) est aussi en baisse au royaume d'Élisabeth II.

«Le nombre d'individus qui repartent est plus élevé que jamais et encore plus vont suivre», prédit l'IPPR. Quelque 665 000 ressortissants d'Europe de l'Est vivent encore au Royaume-Uni (800 000, selon d'autres sources). Ils étaient 550 000 en 2004.

Les raisons de cet exode? Une économie britannique en perte de vitesse, des emplois plus rares, le coût de la vie élevé Pour plusieurs, l'intégration sociale est aussi difficile. Et, surtout, les économies de l'Est se portent plutôt bien, merci.

Changements profonds

Avec le recul, on réalise que ce rapport témoigne des changements profonds qui sont en cours sur la planète.

Le Royaume-Uni, tout comme les États-Unis, le Canada et d'autres pays occidentaux, titubent au plan économique. Aussi, l'exil n'a plus le même attrait pour les habitants des pays en émergence

La Roumanie est un cas intéressant. Deux millions de Roumains vivent à l'étranger, ou 10% de la population. Mais le boom économique local - l'économie roumaine devrait croître de 6,2% cette année, selon le FMI - attire les exilés, selon des sources gouvernementales. La page de l'émigration est en train de tourner.

Et pourquoi pas? Le chômage en Roumanie, qui se maintenait au-dessus des 10% au début des années 2000, oscille entre 5 et 6%.

Dans un récent reportage, la BBC a signalé qu'un nombre croissant de Polonais vivant au Royaume-Uni rentrent au bercail. L'espoir a fait place à la désillusion. Et comment: 18% des sans-abri à Londres sont actuellement des ressortissants d'Europe de l'Est, selon une enquête.

À leur retour au pays, les Polonais trouvent une économie en croissance et, oh! surprise, du travail.

Les salaires grimpent

Si le chômage s'accroche aux environs de 8% en Europe de l'Ouest depuis 2002, il est passé de 14 à 9% à l'est du Vieux Continent. Or, le changement le plus important touche les salaires.

En Pologne et en Roumanie, ils ont grimpé de 7 % et 16% respectivement l'an dernier (contre une hausse de 2% en France et en Allemagne), selon l'institut Wiiw, basé à Vienne. Et ça grimpe encore.

Des industries importantes prospèrent. La République tchèque est devenue un haut lieu de la production automobile. Ce secteur représente 15% de la production industrielle du pays et emploie 100 000 personnes.

Et l'an dernier, les dix pays de l'Europe de l'Est ont reçu 39,3 milliards d'euros (62 milliards CAN) d'investissements étrangers, contre 24,5 milliards en 2000, estime le FMI.

Bref, les anciens «satellites» soviétiques volent très haut.

Inflation

Mais la mondialisation complique les choses sur la planète économique et personne n'échappe au fléau de l'heure: l'inflation.

Le coût de la vie à l'est du Danube grimpe à un rythme effarant. Par exemple, les prix des aliments ont bondi de 22% depuis un an dans ce coin d'Europe, contre une hausse de 14% à l'Ouest, estime le FMI.

L'ère de l'ouvrier pas cher tire aussi à sa fin. Les employés roumains, bulgares et tchèques refusent le fossé salarial qui les sépare de leurs confrères en France ou en Allemagne. Et ils durcissent le ton: à preuve, la grève déclenchée le mois dernier chez Dacia (groupe Renault), en Roumanie.

Aussi, les entreprises polonaises ou roumaines ne peuvent plus garantir aux investisseurs des coûts de production parmi les plus faibles au monde, comme il y a 10 ans.

En somme, la déprime économique dans les pays riches provoque de grands bouleversements sur le marché du travail européen.

Il y a cinq ans, Londres était un eldorado pour les émigrés polonais fuyant un chômage élevé. Les Polonais, chuchotait-on dans les salons, sont excellents en plomberie.

Mais voilà que l'économie britannique a des ratés; la livre sterling chute face à une monnaie polonaise forte et le monde change. Le plombier polonais va donc rentrer chez lui.