Sur le plan des dépenses militaires, les différences entre les États-Unis et le Canada sont telles qu'il n'est pas exagéré de dire que c'est comme le jour et la nuit.

Sur le plan des dépenses militaires, les différences entre les États-Unis et le Canada sont telles qu'il n'est pas exagéré de dire que c'est comme le jour et la nuit.

Toutes proportions gardées, les Américains engloutissent dans leur armée deux fois plus d'argent que les autres pays riches, ce qui en fait, de très loin, la première puissance militaire de la planète.

Les Canadiens, eux, font exactement le contraire: leurs dépenses militaires sont deux fois moins élevées que celles des autres pays riches. À tel point que des pays aussi pacifiques que le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède ou la Suisse consacrent beaucoup plus de ressources que le Canada à leurs forces armées.

Dans ces conditions, on peut comprendre que le comité sénatorial sur la Défense et la Sécurité propose une augmentation substantielle du budget de la Défense d'ici 2012.

Le rapport du comité, déposé plus tôt cette semaine, a fait beaucoup de bruit. Ses membres proposent en effet une volte-face par rapport au projet américain de bouclier antimissile. Cette recommandation a retenu presque toute l'attention.

En février 2005, le gouvernement libéral de Paul Martin a refusé d'adhérer au projet de bouclier. Si on se fie aux sondages de l'époque, M. Martin pouvait compter sur un très large appui de l'opinion publique. Or, rien n'indique, aujourd'hui, que les gens ont changé d'idée sur la question. Visiblement, le comité aura fort à faire pour convaincre les Canadiens de la pertinence du bouclier.

Terrain solide Sur la question des dépenses militaires, par contre, le comité est en terrain plus solide. Le fait est qu'après des années de compressions dans le budget de la Défense, les forces armées canadiennes ne soutiennent plus la comparaison avec les autres pays industrialisés.

En 2004, dernière année pour laquelle on dispose de comparaisons internationales complètes, les dépenses militaires dans le monde dépassaient légèrement mille milliards de dollars (tous les montants, dans cette chronique, sont exprimés en dollars américains).

Les États-Unis, comme on vient de le voir, sont la première puissance militaire de la planète, et leur domination est absolue. À eux seuls, ils comptent pour près de la moitié de toutes les dépenses militaires dans le monde: plus de 475 milliards. La taille de l'économie américaine est tellement énorme que ce montant ne représente en fin de compte que 4,1 % du produit intérieur brut (PIB) américain. Pour un pays industrialisé, cette proportion est pourtant très élevée. La moyenne des pays de l'OCDE oscille aux alentours de 2 %. Par rapport aux autres pays riches, Washington demande donc à ses citoyens de faire un effort considérable pour financer ses dépenses militaires: en moyenne, celles-ci atteignent 1596 $ par habitant, un chiffre inégalé ailleurs dans le monde. Au Canada, le budget de la Défense coûte 326 $ par habitant, presque cinq fois moins qu'aux États-Unis.

Il faut dire qu'avec un PIB par habitant qui dépasse les 40 000 $, les Américains ont les moyens de leurs ambitions.

On ne peut en dire autant de tout le monde.

À cet égard, l'exemple le plus pathétique nous vient de Corée du Nord, où les dépenses militaires atteignent 7,7 milliards. Certes, ce montant semble assez insignifiant à côté du colosse américain: en six jours, les dépenses militaires des États-Unis sont égales à ce que les Nord-Coréens dépensent en une année complète.

Mais pour en arriver à ce résultat, le régime autoritaire de Pyongyang doit contraindre la population nord-coréenne à des sacrifices inouïs. Ses dépenses militaires engloutissent une incroyable proportion de 25 % du PIB, plus élevée que dans n'importe quel autre pays. Le financement des forces armées de Corée du Nord coûte 344 $ par citoyen, homme, femme, enfant.

Dans un pays où le PIB par habitant atteint tout juste les 1400 $, l'effort est surhumain.

Le cas de la République démocratique du Congo (ex-Zaïre) est également horrible: dans ce dépotoir de misère ravagé par la guerre, les dépenses militaires dévorent plus de 21 % des maigres ressources économiques.

Parmi les grands pays industrialisés, après les États-Unis, c'est la France qui dépense le plus d'argent pour son armée. À l'autre bout de l'échelle, sur un pied d'égalité avec le Canada, se trouve le Japon.

Si le budget canadien de la Défense fait aujourd'hui figure d'enfant pauvre, cela n'a pas toujours été le cas.

En 1991, il représentait 1,8 % du PIB, ce qui plaçait le Canada dans la bonne moyenne des pays riches.

Dans la lutte contre le déficit, la Défense a lourdement été mise à contribution.

Il n'a jamais été question, pour le Canada, d'atteindre le même niveau de dépenses militaires que son puissant voisin.

En revanche, on peut certainement se demander, comme le font les membres du comité sénatorial, s'il doit se contenter encore longtemps d'équipements vétustes.