Le déclenchement des élections, mercredi dernier, a mis fin abruptement aux travaux de la Commission des affaires sociales sur l'itinérance. La boucle ne sera donc jamais bouclée et c'est malheureux. Cela dit, les travaux de la commission étaient suffisamment avancés pour que le prochain gouvernement s'en inspire afin d'adopter, une fois pour toutes, une politique sur l'itinérance. Cette politique, réclamée depuis fort longtemps, est cruciale pour Montréal, particulièrement touché par le problème. Il est urgent qu'on coordonne les actions des différents ordres de gouvernement dans ce domaine.

Durant les travaux de la commission, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, et le maire de l'arrondissement Ville-Marie, Benoit Labonté, ont tous deux été montrés du doigt pour leur attitude à l'endroit des itinérants.

 

La Commission des droits de la personne a reproché à la Ville de Montréal de se livrer à du profilage social: sans modifier les règlements municipaux, on a renforcé ceux qui visaient les itinérants comme l'incivilité, par exemple.

Le maire Labonté aussi a été blâmé pour avoir adopté des règlements visant les itinérants dans l'arrondissement Ville-Marie: l'interdiction de se trouver dans un parc la nuit ou encore, d'y être accompagné d'un chien avait pour but d'éloigner les itinérants des parcs Viger et Émilie-Gamelin.

Or les parcs du centre-ville sont peut-être plus sûrs aujourd'hui, les itinérants, eux, ne sont pas disparus pour autant. Ils dorment désormais dans les entrées des commerces de la rue Sainte-Catherine et dans les plus petits parcs du quartier Centre-Sud. Certains se sont déplacés plus à l'est, dans Hochelaga-Maisonneuve.

Le Barreau du Québec a dénoncé, avec raison, la judiciarisation de l'itinérance au cours des dernières années. Les itinérants accumulent les contraventions mais sont incapables, on s'en doute, de les payer. Le bâtonnier du Québec estime que non seulement cette approche adoptée par les autorités ne règle rien mais en outre, elle paralyse le système judiciaire, coûte cher et surtout, viole les droits fondamentaux des personnes itinérantes.

Ces reproches ne doivent pas être pris à la légère.

Cela dit, des efforts ont été faits au cours des dernières années: la Ville de Montréal a nommé un procureur pour les personnes vulnérables, elle a mis sur pied un tribunal de la santé mentale ainsi qu'une équipe de médiation urbaine.

De son côté, l'arrondissement de Ville-Marie a réuni autour d'une même table commerçants, résidants et groupes communautaires pour tenter de trouver des solutions.

Le problème, comme l'ont souligné les organismes qui oeuvrent auprès des itinérants, c'est qu'on assiste à un double discours: d'un côté, la Ville et les arrondissements font preuve d'une certaine sensibilité, mais de l'autre, ils ont tendance à recourir à la répression.

Quant aux élus, ils sont coincés entre l'arbre et l'écorce: d'un côté, les citoyens leur demandent une ville sécuritaire et propre - personne n'a envie de trouver un homme et ses chiens endormis sur le pas de sa porte - et en même temps, ils sont aux prises avec des problèmes sociaux qui dépassent largement leurs compétences.

C'est pourquoi l'adoption d'une politique est si urgente.

Ce serait bien que les partis en campagne en fassent la promesse d'ici la fin de la campagne.

nathalie collard@lapresse.ca