Les gouvernements devraient-ils tenter une offensive de la onzième heure pour tenter de convaincre Bernie Ecclestone de ramener le Grand Prix du Canada au calendrier de la saison 2009? Devraient-ils accepter d'allonger les millions que Normand Legault ne veut plus (et ne peut visiblement plus) payer pour faire tourner des F1 sur le circuit Gilles-Villeneuve?

Répondre intelligemment à ces questions supposerait qu'on sache avec précision ce qu'il en coûte pour faire venir la F1 à Montréal. Malheureusement, on l'ignore, en raison des clauses de confidentialité inscrites dans l'entente entre Legault et Tonton Bernie.

Mais on peut avoir une bonne idée de ce qui attend les gouvernements s'ils décident de plonger: en Australie, où le Grand Prix de Melbourne est organisé par une société d'État et attire des foules semblables à celui de Montréal, les pertes se sont chiffrées à 25 millionsl'an dernier et à 30 millionscette année.

Que sont 25 ou 30 millionssi un tel investissement permet d'assurer la pérennité d'une des plus grandes sources de visibilité de la métropole québécoise à l'étranger? Soyons cyniques: que sont 25 ou 30 millionspour des politiciens qui aimeraient bien se poser en sauveurs, des politiciens en pleine campagne électorale, comme Michael Fortier, ou qui le seront à court ou moyen terme, comme Raymond Bachand ou Gérald Tremblay?

Dans l'absolu, pas grand-chose. Vingt-cinq millions, à l'échelle québécoise, c'est un millième du budget de la santé. Une infime fraction, encore plus infime en regard des dépenses fédérales.

Mais 25, 30 millionsou n'importe quelle somme de cet ordre, c'est aussi beaucoup d'argent à mettre dans les poches d'un promoteur (je parle ici de Bernie Ecclestone et de ses actionnaires chez Formula One Management, la firme CVC Capital Partners) qui ne se distingue pas par la transparence de sa gestion. C'est aussi, sans doute, un prix plancher. Dans un sport menacé de «sérieuses difficultés» par l'explosion des coûts - dixit le président de la Fédération internationale de l'automobile, Max Mosley -, le tribut à verser à Bernie augmentera fatalement d'année en année. À Valence, en Espagne, l'augmentation inscrite dans le contrat est de 10% par an. Joli rendement.

Vingt-cinq ou 30 millions, c'est aussi beaucoup dans un contexte de crise économique appréhendée. C'est beaucoup quand on vient de supprimer des dizaines de millions dans la culture. C'est beaucoup, finalement pour un sport qui, si populaire soit-il, n'intéresse pas grand-monde à l'ouest de l'Outaouais - et laisse bien des Québécois indifférents.

Je ne dis pas qu'il ne faille pas investir dans la sauvegarde du Grand Prix, une institution qui génère des retombées économiques considérables - l'Association des hôtels du Grand Montréal parle de revenus de 20 millionsjuste pour les quatre jours du Grand Prix - et produit tout de même des recettes fiscales supplémentaires pour les gouvernements.

Mais je ne retiendrai pas mon souffle en attendant que ça se fasse. Pour paraphraser la formule du PDG de Tourisme Montréal, Charles Lapointe, qui était interrogé sur les chances de voir le Grand Prix revenir à Montréal en 2009, «mon niveau d'optimisme est plutôt bas».