À quand remonte le dernier film de cambriolage où tous les rôles étaient interprétés par des femmes? En existe-t-il seulement un? C'est un des intérêts d'Ocean's 8, le quatrième opus de cette réjouissante «franchise» inspirée d'un film de 1960 mettant en vedette Frank Sinatra.

Dans Ocean's Eleven, Ocean's Twelve et Ocean's Thirteen, George Clooney et ses compères (Brad Pitt, Matt Damon, Bernie Mac, etc.) incarnaient une bande de criminels cool, sympas et super bien sapés. Cette fois, c'est au tour d'une formidable brochette d'actrices de jouer les cambrioleuses «badass». Et elles le font avec un plaisir évident.

De la star au mètre carré

Quand Sandra Bullock, Cate Blanchett, Anne Hathaway, Mindy Kaling, Sarah Paulson et Awkwafina ont fait leur entrée dans la salle du majestueux temple égyptien d'Isis de Dendour du Metropolitan Museum, mardi matin, on a senti un frisson d'excitation traverser la pièce. Il faut dire qu'à elles huit (il manquait Helena Bonham Carter et Rihanna), ces actrices ont remporté quatre Oscars et plusieurs prix Emmy. Toutes vêtues avec style - «nous nous sommes textées ce matin pour savoir comment on s'habillerait», a lancé Sarah Paulson en riant -, elles étaient visiblement heureuses de se retrouver et de partager ce moment.

«Dans ce film, on montre des femmes qui prennent soin les unes des autres», a souligné Sandra Bullock, qui est sans contredit la reine d'Ocean's 8.

«Chaque femme est capable de reconnaître le talent de l'autre et lui dit: "Vas-y, brille, je suis derrière toi." Pour moi, cette solidarité féminine était ce qui comptait le plus, car ce n'est pas ce qu'on montre des femmes habituellement dans les médias.»

Quelle famille!

Ocean's 8 débute alors que la soeur de Danny Ocean, Debbie (interprétée par Sandra Bullock), sort de prison. Le crime coule dans les veines de cette famille, et loin d'être repentie, la jeune femme ne pense qu'à son prochain coup et, accessoirement, à se venger d'un petit ami qui l'a trahie.

Ce vol, elle l'a imaginé et peaufiné durant ses années d'incarcération. Il s'agit de s'emparer d'un célèbre collier du bijoutier Cartier - le Toussaint - évalué à 150 millions de dollars (voir encadré). Le genre de collier qu'on ne sort jamais du coffre-fort, à moins d'être accompagné de plusieurs agents de sécurité.

Debbie a un plan audacieux: substituer les diamants lors d'une soirée mondaine au Metropolitan Museum (le fameux Met Gala). Et elle s'entoure des meilleures dans leur domaine pour y arriver. Avec son amie Lou (Cate Blanchett, surprenante dans un rôle de propriétaire de bar), elle recrute son équipe de spécialistes: une pirate informatique (Rihanna), une bijoutière (Mindy Kaling), une receleuse (Sarah Paulson), une voleuse à la tire (Awkwafina) et une créatrice de mode (Helena Bonham Carter). C'est une star de cinéma, Daphne Kluger (interprétée par Anne Hathaway), qui portera le fameux collier.

Tournage à Manhattan

Alors que les autres films de la série Ocean se déroulaient à Las Vegas, Ocean's 8 a été entièrement tourné à New York. L'action culmine le soir du Gala - événement hyper glamour entièrement tourné entre les murs du musée - et propose plusieurs apparitions éclair, notamment de Kim Kardashian, Katie Holmes, Serena Williams, Heidi Klum, etc.

Il faut le dire, la mode est un personnage en soi dans le film : qu'il s'agisse des tenues des 10 personnages féminins, des robes de soirée ou des 100 costumes de soie qui habillent les serveurs en livrée le soir du Gala, la créatrice Sarah Edwards s'est associée à plusieurs grandes maisons de mode pour créer un environnement opulent. Stella McCartney, Alaïa, Prada, Burberry, Saint Laurent, Dolce & Gabbana, Vivienne Westwood, il y en a pour tous les goûts. On se croirait dans les belles années de Sex and the City.

Un film prescient

Difficile de croire qu'Ocean's 8 a été imaginé il y a cinq ans, avant #metoo, alors que Harvey Weinstein régnait encore sur Hollywood. Avec son affiche 100 % féminine - à l'exception de James Corden et de Richard Armitage -, on dirait que ce film est une réponse aux événements des derniers mois.

«C'est incroyable de penser qu'il y a cinq ans, on se demandait si ce film pouvait être fait. C'est tellement génial que ce soit présenté maintenant et qu'on dise: "Bien sûr, évidemment, cela va de soi"», indique Cate Blanchett.

«Disons qu'il y avait moins de "bien sûr" et de "ça va de soi" à l'époque», a précisé, sourire en coin, le réalisateur et coscénariste Gary Ross.

«Je crois que tout le monde ici autour de la table s'entend pour dire qu'on veut davantage de femmes réalisatrices, a ajouté Cate Blanchett. Il le faut. Je reviens tout juste de Cannes, et sur 21 films, on comptait seulement trois réalisatrices. C'était une énorme pression pour elles. Avec Ocean's 8, on a un réalisateur qui aime vraiment les femmes et qui voulait faire un film où les femmes étaient en valeur, faisaient leur truc.»

«Oui, pour une rare fois, on ne voit pas des femmes qui se disputent l'attention d'un homme, a renchéri Awkwafina. C'est rare!»

«Honnêtement, il y a environ cinq rôles intéressants pour les femmes et on est toutes là à se battre pour les obtenir, a renchéri Sandra Bullock. Cette fois, on était là toutes ensemble. Je me sens vraiment chanceuse. Je crois qu'on a réussi à connecter à un niveau que je ne croyais pas possible.»

Même son de cloche de la part d'Anne Hathaway, qui n'en revient toujours pas d'avoir pu côtoyer ces actrices de qui, dit-elle, elle a beaucoup appris. «J'ai travaillé avec des femmes fantastiques, mais habituellement, on était une ou deux sur le plateau, pas plus. Cette fois, je sentais qu'on pouvait laisser tomber les masques, qu'on était dans un espace sécuritaire. C'était très spécial.»

Le film de la diversité

Ocean's 8 est un film de femmes, mais c'est aussi un film de la diversité, diversité incarnée par Mindy Kaling, Rihanna et Awkwafina.

«On a tourné dans les cinq districts de New York, et pour nous, c'était important de montrer les différentes expériences des New-Yorkais», a expliqué la coscénariste du film, Olivia Milch. «Dans ce film, on n'est pas montrées comme personnes de couleur, ajoute Awkwafina, qu'on a pu voir auparavant dans le film Dude. Ce n'était pas ce que définissait notre personnage. J'étais une fille de Queens et le fait que je sois asiatique n'avait rien à voir avec l'histoire. Pour moi, c'est ça, la représentation de la diversité.»

La petite histoire du collier Toussaint

Pour le film, la maison Cartier a créé une copie du collier Jeanne Toussaint, qui, à l'origine, en 1931, avait été dessiné pour un homme, le maharadja du Nawanagar, par Jacques Cartier. Ce sont de véritables maîtres joailliers de la maison Cartier qui l'ont conçu avec des oxydes de zirconium. Il leur a fallu huit semaines de travail pour créer cette superbe pièce faite sur mesure pour le cou de l'actrice Anne Hathaway. La maison Cartier a par ailleurs prêté de véritables parures de diamants ainsi que des montres et des accessoires pour le tournage de la scène du Gala du Met.

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Les frais de ce reportage ont été payés par Warner.

Photo fournie par Warner Bros.

Le fameux collier créé par la maison Cartier et porté par la comédienne Anne Hathaway dans le film Ocean's 8.