«Je n'aime pas «les» monstres. Mais j'aime Gojira», rigolait l'acteur japonais Ken Watanabe (Inception, The Last Samourai) lors de l'entrevue qu'il a accordée à La Presse. Et il parle bien de Gojira, à la japonaise, non de Godzilla, comme on dit... partout ailleurs.

Le réalisateur Gareth Edwards et le producteur Thomas Tull ont même tenté, pendant le tournage, d'américaniser sa prononciation du nom du roi des monstres. «Mais j'ai gagné», pouffe-t-il avec le sourire fier et taquin d'un enfant qui a remis les adultes au pas.

Plus tard dans l'entrevue, il imitera le cri - long, puissant, terrifiant et à la fois éminemment triste - de la créature créée chez lui, au Japon, il y a exactement 60 ans. C'était dans le studio Toho, en 1954. Moins d'une décennie après les explosions des bombes d'Hiroshima et de Nagasaki. Un monstre comme l'allégorie d'une peur, d'une hantise. Celle du nucléaire.

Puisque Godzilla, rappelons-le, est le fruit de cette énergie.

Dans cette remise à jour du mythe - qui «oublie» sciemment le Godzilla (raté) de Roland Emmerich (1998) -, Ken Watanabe incarne Ishiro Serizawa (un nom comme un clin d'oeil au réalisateur du film original, Ishiro Honda; et au personnage qu'y incarnait Akihiko Hirata, Daisuke Serizawa), un scientifique dont le père est un survivant d'Hiroshima et qui est persuadé que les crimes de l'homme contre la nature expliquent l'existence même de Godzilla.

La tristesse du monstre

«Ce cri, son cri, long et triste, il le lance comme pour nous prévenir de la folie de l'humanité», fait l'acteur qui, s'il n'a pas d'attachement particulier pour le film original - «Il est déprimant et sérieux et il m'a fait très peur quand je l'ai vu à l'âge de 9 ou 10 ans» - est attaché à ce que représente l'oeuvre dans la cinématographie de son pays où la crainte du nucléaire est toujours présente, attisée en 2011 par la catastrophe de Fukushima.

Bref, il n'a pas hésité à se joindre à l'équipe dirigée par Gareth Edwards. «Je bâtis ma carrière comme ça, pièce après pièce, en choisissant des projets dont les thèmes me parlent. Ici, le rapport de l'homme avec la nature», fait celui qui est aussi d'un autre remake de taille, celui du Unforgiven de Clint Eastwood, refait au Japon par Lee Sang-il. «Que des histoires comme celle-là et celle de Gojira soient refaites dans une autre culture et avec une autre approche, pour moi, c'est une bonne chose. Ça permet à ces thèmes de voyager à travers des manières différentes de dire et de montrer.»

L'important demeurant, à ses yeux, l'honnêteté. La sienne, assure-t-il, guide tous ses choix. Dit-il cela par humilité? Rires. «Vous savez, Ken, en japonais, signifie «humble».» Qu'ajouter?