Une rencontre de groupe avec le couple Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri tient de l'exercice étrange et pour le moins décousu. Surtout avec un Bacri, toujours aussi ironique, dont on ne sait jamais s'il blague ou pas.

En cet après-midi de janvier, dans une chambre d'un chic hôtel parisien de la place de l'Opéra, la réalisatrice de Parlez-moi de la pluie essaie de parler sérieusement du tournage de son troisième film, mais c'est sans compter son éternel complice et compagnon, prompt à intervenir à tout moment pour faire le pitre, badiner ou compléter ses phrases avec un soupçon de moquerie.

L'arrivée impromptue de Jamel Debbouze dans la pièce sert de catalyseur à une nouvelle série de blagues.

«Ah! Le fameux Alain Delon dont tout le monde parle...», lance Bacri à l'acteur, qui lui donne la réplique dans le film.

«Vous voulez qu'on parle de mes cachets?» réplique Debouzze, tout sourire, à l'endroit du groupe de reporters.

Enjeux sociaux

Heureusement qu'il y a Agnès Jaoui pour ramener un peu de discipline dans l'entretien. La comédienne cinéaste signe avec Parlez-moi de la pluie son troisième long métrage, après Le goût des autres et Comme une image. Elle se donne aussi l'un des premiers rôles, celui d'une politicienne parachutée dans son patelin natal, dans le sud de la France, où sa route croisera celle d'un réalisateur (Bacri) et de son assistant d'origine algérienne (Debbouze), intéressés à faire un documentaire sur la réussite au féminin.

À travers ce scénario, écrit à quatre mains par Jaoui et Bacri, Parlez-moi de la pluie aborde plusieurs enjeux sociaux - féminisme, racisme, les femmes en politique - à travers le mépris larvé qui suinte en toile de fond.

«On aime beaucoup parler du mépris dans nos films, glisse Bacri. Il y en a toujours autant, c'est quelque chose qui ne manque pas. Nous nous méprisons les uns les autres, souvent sans le vouloir. Jamais quelqu'un fait le mal pour faire le mal. On a tout en soi, Hitler comme l'abbé Pierre...»

Complices

Jaoui et Bacri, complices à l'écran et à la ville, ont forgé, au fil de leur collaboration, une filmographie où les bons sentiments ont rarement leur place. Le duo aime tordre le cou aux conventions, décaper le vernis des apparences à travers les petits détails, déballer des vérités pas toujours agréables à entendre.

«Je ne me lasse pas de parler de la difficulté de vivre sa vie, d'échapper au poids et aux normes de la famille et de la société, mentionne la réalisatrice de 44 ans, dont le pays lui donne amplement matière à réflexion et à indignation. Le machisme, par exemple.

«Surtout le machisme sournois, c'est un thème qui me plaît beaucoup, ajoute-t-elle. C'est plus dur à confronter qu'un mec qui te dit clairement que la place d'une femme est à la maison, à s'occuper des enfants. Il y a même des femmes pour le penser.

«Comme réalisatrice, je n'ai jamais subi la moindre moquerie. Peut-être parce que nous sommes de plus en plus nombreuses à faire le métier. Ce n'est pas le cas en politique. C'est horrible! On a dit des choses à Ségolène Royal qu'on n'aurait jamais dites à un homme.»

La fructueuse collaboration entre Jaoui et Bacri ne semble pas vouloir pas se terminer. Le couple caresse l'idée d'écrire un conte de fée, pour adultes précisent-ils, mais le projet demeure embryonnaire. On aimerait bien explorer le genre. Est-ce qu'on va y arriver? On sait pas.»

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