Pierre, Guy, Suzie, Marc, Guilbeault, Mercier, Templeton. Ils sont tous là. Avec leurs beautés, leurs faiblesses, leurs travers et leurs aspirations, leurs expressions colorées et leurs silences meurtris. Car meurtrissures il y a dans Lance et compte, le film où un accident de la route décime une partie de l'équipe. Avec l'ouverture de ce nouveau chapitre, on peut se demander ce qui fait que tant de Québécois s'identifient à cette singulière équipe de hockey. Peut-être le fait que ses membres sont à la fois imparfaits et vrais. Rencontre avec quelques artisans.

Le mardi 16 décembre 1997 à 23h48, le vol 646 d'Air Canada en provenance de Toronto est sur le point d'atterrir sur la piste 15 de l'aéroport de Fredericton au Nouveau-Brunswick.

Les conditions atmosphériques sont mauvaises. À 35 pieds au-dessus du sol, le commandant de l'avion constate que l'atterrissage présente un risque et ordonne au premier officier de remettre les gaz. Trop tard.

L'appareil, un Canadair CL-600, effectue un décrochage aérodynamique, racle la piste et dérape avant de s'immobiliser à travers les arbres. Les 39 passagers et 3 membres d'équipage à bord sont sains et saufs, mais on compte 35 blessés.

Le comédien Carl Marotte fait partie de ces passagers.

Lorsqu'est venu le moment de tourner la scène de l'accident d'autobus qui se trouve au coeur de l'histoire de Lance et compte, le film (qui sera en salle vendredi prochain) Carl Marotte a replongé dans ce mauvais souvenir.

«J'ai trouvé ça difficile, dit-il. Après le tournage, j'ai senti que j'avais un peu retenu mon jeu. Je ne voulais pas pousser trop loin pour me retrouver dans cette même place. J'avais peur de me laisser aller dans cette scène-là. Je ne voulais pas retourner là.»

Équipe, famille

Dans le film, l'autobus en question roule entre Roberval et Québec, transportant les joueurs du National et les membres de leur entourage. Il y a plusieurs morts. On n'en dira pas plus, sinon que Pierre Lambert, incarné par Marotte, fait partie des survivants. C'est bien connu, Le Chat a neuf vies.

Mais il a aussi une âme. Qui est pas mal en bouillie. Comme le reste des membres du National et comme l'équipe, Pierre Lambert doit se reconstruire.

«Il est bouleversé par tout ce qui se passe, poursuit Marotte. C'est sûrement un des moments les plus difficiles de sa vie, avec la déception vécue auprès de Lucie Baptiste et le jour où son fils s'est presque noyé.»

Le National, c'est connu, tire sa force de son côté clan, tribal. C'est donc par le biais de membres du clan et en s'inspirant d'un regroupement externe que le club trouvera l'inspiration pour transcender le mal.

Pendant ce temps, Lambert reprendra des forces auprès des siens. «Avec la maturité vient la sagesse pour tous les personnages, observe Marotte. C'est la mêmechose avec Pierre Lambert. Il a pris beaucoup de maturité. Surtout en famille. C'est là que se trouve sa force, dans son rôle de père de famille.»

Lorsqu'on lui demande ce qui explique l'intérêt soutenu des gens pour la série, il répond que l'enthousiasme des comédiens et de l'équipe de tournage se transmet aux téléspectateurs.

«Je pense que les gens ressentent que nous avons encore notre passion, dit-il. Il n'y a pas d'égo, ni de vedettes sur le plateau. On partage le travail et tout ce qui vient avec. Le plus important dans tout cela est le casting réalisé par Jean-Claude Lord (le premier réalisateur) au tout début. Le casting est un des morceaux les plus importants d'un film ou d'une série. On a tendance à l'oublier.»

Un nouveau Pierre

Père de deux enfants, Marotte a passé une vingtaine d'années à Toronto et a surtout tourné en anglais. Il a une fille inscrite à l'université et un fils de 26 ans. «Je l'ai coaché au hockey durant des années, dit le papa avec fierté. J'ai suivi le cours de Coaching Canada et j'ai mes certifications.»

Fan avoué des Bruins de Boston, il n'apprécie guère les récents règlements de la LNH. «J'aimais ça quand ça se terminait après la troisième période, dit-il. Si c'était match nul, c'était match nul. Si on joue une prolongation à quatre contre quatre, pourquoi on ne le fait pas durant toute la partie? C'est comme si on disait que le hockey n'est pas assez bon et qu'il faut ajouter de l'action. Je trouve que ça diminue le produit.»

De retour au Québec depuis quelques années, Carl Marotte sera, à compter de janvier, un nouveau Pierre, Bourassa en l'occurrence, dans la série Penthouse 5-0 mettant en vedette Élise Guilbeault et Isabelle Vincent. Toutes deux reprennent leur rôle d'Estelle Poliquin et Louise Nantel de Les hauts et les bas de Sophie Paquin.

«C'est très drôle, c'est hilarant, dit le comédien qui interprète un policier, voisin de palier des deux femmes toujours plongées dans des situations impossibles. Mais je n'ai jamais fait de la comédie. Alors, je suis un peu sur les nerfs. Je travaille sur le bout de mes pieds.» Sur le bout de ses pieds ? C'est bon signe! Ça signifie que Carl Marotte est prêt à bondir. Comme Le Chat.

MARC MESSIER

Rôle: Marc Gagnon, directeur général et coach du National

Né en: 1947

Gagnant de la Coupe Stanley en 1947:

Toronto en 6 matchs sur le Canadien.

Marc Messier fait dans la longue durée. Les personnages qu'il interprète dans Broue ont presque autant d'ancienneté que Marc Gagnon.

«Dans le film, Gagnon se rend quasiment malade, analyse-t-il. À la fin, il est usé et prend des décisions importantes pour le bien de l'équipe. Ce qui est très noble de sa part.»

«Ce que je trouve intéressant, c'est que le personnage a beaucoup évolué. Dans le film, c'est encore plus marquant, poursuit-il. Il y a 25 ans, il y avait une légèreté dans le personnage. Gagnon trompait sa femme, était jaloux, possessif, amer. Il était intéressant par ses défauts. Maintenant, il est plus profond. Il est généreux, amoureux, loyal. On le définit davantage par ses qualités que par ses défauts. Je l'aime bien ce personnage-là.»

MARINA ORSINI

Rôle: Suzie Lambert, conjointe de Marc Gagnon et femme de combat

Née en: 1967

Gagnant de la Coupe Stanley en 1967:

Toronto en 6 matchs sur le Canadien

Lorsqu'on lui demande quel est le trait de caractère qui s'est maintenu chez Suzie d'année en année, Marina Orsini répond: «Sa drive.»

«Ce que nous avions établi dès le départ était la «drive» de cette fille-là et c'est, je crois, ce qui est toujours ressorti. Dans chaque série, dans chaque téléfilm», dit-elle.

C'est encore le cas ici où Suzie aide Marc Gagnon à se relever de l'accident d'autobus mais se jette corps et âme dans une lutte de femmes en quête de justice sociale.

«Le coeur de l'histoire du film, c'est Marc Gagnon. Alors que dans la dernière série, c'était plutôt moi qui étais au coeur de l'intrigue avec le cancer du sein de Suzie. Cette fois, Suzie est là pour son mari. Je deviens un symbole de vie et d'espoir pour lui et toute l'équipe.»

CAROLINE HÉROUX

Rôle: Productrice

Née en: 1970

Gagnant de la Coupe Stanley en 1970:

Boston en 4 matchs contre St-Louis

Caroline Héroux est à Lance et compte ce qu'Obélix est à la potion magique; elle est tombée dedans étant petite. «Mon père Claude a parti la franchise, rappelle-t-elle. J'ai pris les rênes avec Lance et compte: nouvelle génération en 2001.»

Si elle continue, c'est parce que l'intérêt est encore là. «J'ai deux enfants, dit-elle. La famille, c'est ma priorité. Je ne resterai jamais éloignée de mes enfants pour un projet qui ne m'allumerait pas.

Elle aime travailler avec Réjean Tremblay qui «a de bonnes idées» et qui est à l'écoute du point de vue féminin qu'elle apporte à la série.

Pour elle, le film est un cadeau au public. «On s'est dit qu'en faisant un long métrage, on partirait en région, avec les comédiens, pour dire merci aux gens de nous appuyer depuis si longtemps.»

RÉJEAN TREMBLAY

Rôle: Auteur et scénariste

Né en: 1944

Gagnant de la Coupe Stanley en 1944: Montréal en 4 matchs contre Chicago

«La création est un privilège,» dit Réjean Tremblay lorsqu'on lui demande s'il n'est pas lassé d'écrire sur Lance et compte. Et j'ai d'autres projets de séries en marche. D'avoir tous ces personnages qui vivent en moi, c'est un privilège. Et puis, j'écris dans La Presse depuis 36 ans et je ne suis pas tanné!»

Comme auteur dit-il, il est difficile de vivre un deuil. Ce qui est arrivé avec Scoop ou Casino. Or, ici, certains personnages disparaissent. L'auteur admet avoir mal dormi au moment où il a fallu choisir qui allait mourir dans l'accident d'autobus.

À son avis, le vrai thème du film est que les gens au Québec peuvent être gagnants en se roulant les manches. «Mais je n'ai jamais voulu faire de série avec de gros messages pesants, enchaîne-t-il. Raconte une bonne histoire et les gens vont suivre.»

JASON ROY LÉVEILLÉE

Rôle: Guy Lambert, joueur-étoile du National

Né en: 1983

Gagnant de la Coupe Stanley en 1983: Islanders de New York en 4 matchs contre Edmonton

Dans la vraie vie, il a joué dans des équipes de hockey jusqu'au niveau pee-wee. Il a aussi joué au football. Son numéro: le 56.

Pour la série et le film, où il endosse bien sûr le chandail numéro 13, il a retravaillé son patin avec de longues séances de power skating.

Mine de rien, ça fait 10 ans que Jason Roy Léveillée joue dans la série-culte. Une façon pour lui de vivre un peu plus que par procuration le rêve de tous les petits garçons de jouer dans la LNH.

«Dans le film, dit-il, je vis un drame énorme. Guy est paralysé par ce qui est arrivé. Il ne compte plus de buts. Et dans sa vie personnelle, il se pose beaucoup de questions.»

Pour lui, il était important de ne pas surligner ce Guy Lambert meurtri. «Je ne voulais pas trop mettre les violons.»

FRÉDÉRIK D'AMOURS

Rôle: Réalisateur

Né en: 1968

Gagnant de la Coupe Stanley en 1968:

Montréal en 4 matchs contre St-Louis

Frédérik d'Amours n'avait que 17 ans et rêvait d'être réalisateur lorsqu'il a pris place, en 1985, dans les gradins du Colisée de Québec comme figurant pour le tournage de Lance et compte. «Hollywood débarquait à Québec», se souvient-il.

Comment amener l'histoire au cinéma? «Il fallait partir d'un événement dramatique très fort (l'accident) et développer», dit-il.

Il a aussi utilisé des moyens techniques pour se démarquer: usage du cadrage 2:35 pour une image plus large, moins de caméra à l'épaule, plus de prises de vue en mouvement et de grues pour apporter une «dimension épique» à la tragédie, etc. «Pour les séquences de jeu, je voulais être sur la glace, proche des joueurs. Rappelez-vous le côté nerveux et dynamique des placages dans Any Given Sunday d'Oliver Stone. C'est ce que je voulais faire avec les scènes sur la patinoire.»