Quinze ans après À l’ouest de Pluton, film choral réalisé avec Myriam Verreault mettant en scène des jeunes d’une banlieue de Québec, Henry Bernadet pose son regard sur des adolescents du quartier Saint-Michel, à Montréal, dans Les rayons gamma.

Natif d’une banlieue blanche de Québec, à l’image de celle que l’on voyait dans À l’ouest de Pluton (2008), Henry Bernadet s’installe en 2014 à Montréal, dans l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, près d’une crèmerie en forme de château rose et bleu. La même où travaille l’un des personnages de son premier long métrage de fiction en solo, Les rayons gamma, qui met en scène des jeunes issus de la diversité culturelle.

« C’est pareil qu’À l’ouest de Pluton, mais c’est complètement l’inverse ! », lance le réalisateur, rencontré à Montréal après son passage au Festival de cinéma international de l’Abitibi-Témiscamingue. « On a présenté le film à Rouyn, devant un public de tous les âges. Il y a eu une ovation. Les gens avaient besoin de ce film-là, je le jure ! Des spectateurs sont allés voir les jeunes après la projection, c’était magique ! »

Film choral se déroulant le temps d’un été, Les rayons gamma repose sur trois histoires, développées avec la collaboration de Nicolas Krief et d’Isabelle Brouillette. Il y a d’abord celle d’Abdel (Yassine Jabrane), qui accepte difficilement la présence de son cousin Omar (Hani Laroum), que ses parents hébergent durant ses vacances. Puis celle de Fatima (Chaimaa Zinedine) et Naïma (Océane Garçon-Gravel), dont l’amitié sera mise à rude épreuve en raison des mauvaises fréquentations de la première. Et enfin, celle de Toussaint (Chris Kanyembuga), qui trouve une bouteille contenant un numéro de téléphone en allant pêcher.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Le réalisateur Henry Bernadet

Je ne voulais pas du tout faire un pamphlet contre le racisme, mais la réalité de ces jeunes m’a amené à mettre dans le film des scènes où des personnages en sont victimes. À un moment donné, on ne peut pas faire semblant que ça n’existe pas.

Le réalisateur Henry Bernadet

« Mon rêve, ce serait que les gens qui disent n’importe quoi sur eux voient le film. Ils verraient à quel point ces jeunes sont sympathiques, drôles, intéressants, fascinants, et je pense que ça transcende leur identité. Oui, ils ont une culture différente, mais on est comme eux. Le but, c’était de les rencontrer, simplement. »

Ouverture sur le monde

Après quelques années à vivre dans un quartier multiculturel de Montréal, Henry Bernadet a eu envie d’inclure les gens qu’il y croisait dans un projet de film. En compagnie de la dramaturge Emmanuelle Jimenez, il a arpenté son quartier à la recherche de gens et d’histoires. Pendant trois ans, il a rencontré des jeunes de l’école Georges-Vanier et a donné des ateliers de jeu à la caméra. Il a aussi distribué des questionnaires aux autres jeunes de l’école afin de mieux les connaître.

« C’était tellement stimulant que je n’avais plus le choix de faire un film. Il y avait tellement de matière qu’au départ, je pensais plus faire une fresque sur le quartier, ce que j’ai fait, mais pas forcément avec des jeunes. Puis, quand je suis allé à Georges-Vanier, j’ai rencontré des jeunes allumés et le fun avec qui j’ai vraiment développé une complicité… même s’ils me vouvoyaient et qu’il y avait un gap culturel. C’était un peu comme avec les jeunes d’À l’ouest de Pluton, étrangement. »

PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS OPALE

Les rayons gamma met notamment en scène des jeunes recrutés dans des écoles à travers des ateliers et des auditions.

En plus des élèves du cours de théâtre, on retrouve dans Les rayons gamma des jeunes recrutés dans d’autres écoles à travers des ateliers et des auditions.

Tous les jeunes qui jouent dans le film m’ont dit qu’ils ne se voyaient pas dans notre cinéma ni notre télé. Un de leurs buts, c’était de se voir, particulièrement pour Chaimaa, qui voulait montrer son monde, sa communauté.

Le réalisateur Henry Bernadet

« Moi aussi, je voulais les voir. Ils étaient vraiment prêts à embarquer dans cette aventure-là et ils sont fiers de l’avoir fait. Le film est un hommage, un poème, une lettre d’amour à un quartier que j’ai adoré », poursuit le réalisateur.

Durant le tournage, Henry Bernadet s’est permis d’ajouter un aspect documentaire dans certaines scènes, comme celle où un jeune Russe dévoile ses projets d’avenir à Toussaint. Afin de mieux explorer les décors du quartier, il a aussi inclus des plans d’un garçon qui fait du parkour et d’un autre pratiquant les arts martiaux mixtes.

« Quand on voit les jeunes de la diversité dans les médias, c’est qu’ils sont sources de problèmes ou victimes, c’est pour parler de pauvreté, des problèmes liés à l’immigration ou du phénomène des gangs, qu’on aborde un peu dans le film. Ceux que j’ai rencontrés sont sereins et vivent plein de choses. L’adolescence est une période intense et pleine de paradoxes ; chaque personnage du film fait une rencontre, va vers les autres. Je voulais montrer que c’était sans issue de rester replié sur soi à plein de niveaux, comme individu, mais aussi comme société. »

Le film Les rayons gamma est présenté au cinéma Impérial le 8 novembre, à 18 h, dans le cadre du Festival de cinéma francophone Cinemania

En salle le 10 novembre

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