Ce qui devait être une interception de routine pour des contrôleurs routiers a mené à la découverte de deux véhicules volés, mardi à Laval. Bien installés dans un conteneur, les bolides se dirigeaient vers le port de Montréal. L’association représentant ces constables réclame d’ailleurs de pouvoir armer ses membres, devant une présence « grandissante » du crime organisé au quotidien.

« On en voyait déjà dans le passé, des vols de véhicules, mais c’était plus espacé dans le temps. Maintenant, c’est vraiment récurrent, et c’est à coups de deux ou trois véhicules tout le temps », dit le président de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec (FCCRQ), Jean-Claude Daignault.

En après-midi, mardi, des agents du poste de contrôle routier Laval 25 ont intercepté le conducteur d’un camion tracteur non identifié qui transportait un conteneur et dont le véhicule présentait une défectuosité mécanique au niveau d’un phare. D’après le récit de la FCCRQ, le conducteur « ne semblait pas savoir ce qu’il transportait et n’avait pas de bon de livraison ».

Les contrôleurs ont alors ouvert le conteneur, où ils ont trouvé deux véhicules qui ont ensuite été photographiés. L’un d’eux avait un numéro de série, mais n’était pas connu dans le système de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Les agents ont alors contacté le Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ), qui a confirmé qu’il s’agissait de véhicules volés.

PHOTO FOURNIE PAR LA FRATERNITÉ DES CONSTABLES DU CONTRÔLE ROUTIER DU QUÉBEC

D’après le récit de la FCCRQ, le conducteur du camion « ne semblait pas savoir ce qu’il transportait et n’avait pas de bon de livraison ».

Heureusement, le camionneur a coopéré lors de sa mise en arrestation par les contrôleurs, après quoi des policiers de la Sûreté du Québec (SQ) ont pris le relais, avec des techniciens en identité judiciaire.

« Démunis »

Dans les six derniers mois, une dizaine d’évènements similaires se sont produits auprès de contrôleurs, affirme M. Daignault. Il presse notamment le gouvernement de pouvoir armer ses membres, qui ont de plus en plus peur d’exercer leur métier.

« Ce n’est pas juste les vols de véhicules, c’est aussi des saisies d’armes à feu. On côtoie dans notre travail des groupes criminels, mais on n’est pas équipés pour ça. Pour tout vous dire, j’ai beaucoup de monde qui ferme les yeux sur des contrôles, parce qu’ils veulent revenir à la maison à la fin de la journée. On est démunis face à ça », note le président.

On fait entre 80 000 et 100 000 interceptions par année. On travaille jour et nuit. On est l’équivalent d’un corps de police, mais sans l’être. Il n’y a aucun policier au Québec qui ferait notre travail s’il n’était pas armé.

Jean-Claude Daignault, président de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec

Ce dernier estime que les contrôleurs devraient aussi avoir un « accès complet » aux données du CRPQ afin de pouvoir intervenir plus rapidement en attendant l’arrivée de patrouilleurs. « Présentement, on détient des gens recherchés, mais on les laisse aller parce qu’on ne peut pas les mettre en état d’arrestation. C’est arrivé plusieurs fois dans le passé, sans que rien change », déplore-t-il.

Son groupe a déjà sollicité une rencontre avec le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel. Des discussions préliminaires ont déjà eu lieu dans les derniers mois avec la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, ainsi qu’avec des dirigeants de la SAAQ. Une cause est aussi entendue présentement à ce sujet devant le Tribunal administratif du travail (TAT).

« On a besoin de réponses et d’actions. On ne demande pas d’être la police, mais juste de pouvoir faire notre travail en toute sécurité. C’est ça que le gouvernement nous empêche de faire », affirme M. Daignault.

Québec reste prudent

Au cabinet de M. Bonnardel, on se fait pour le moment avare de commentaires en raison des procédures devant le TAT. « Pour ne pas nous immiscer dans le processus judiciaire, nous n’allons pas commenter et attendre la décision du tribunal », a indiqué l’attaché de presse Maxime Bélanger.

Tout cela survient alors qu’un sommet national pour lutter contre les vols de véhicules aura lieu à Ottawa ce jeudi. Comme plusieurs autres organismes, la Fraternité des constables du contrôle routier y sera, avec l’intention de faire valoir la nécessité d’augmenter les moyens de surveillance.

En moyenne, une voiture est volée toutes les six minutes au pays, d’après un rapport publié en juin dernier. Selon les estimations de l’industrie automobile, les taux de vols d’autos ont augmenté de 50 % au Québec et de 48,3 % en Ontario en 2022 par rapport à l’année précédente.

Le port de Montréal est d’ailleurs devenu une plaque tournante pour l’exportation de véhicules volés. La majorité de ces véhicules aboutissent en Afrique et au Moyen-Orient. Plusieurs stratagèmes sont utilisés pour déjouer les autorités policières. À Montréal, les véhicules volés se retrouvent dans le port parce que les réseaux criminels ont enregistré des entreprises qui servent d’écrans pour simuler des envois de marchandises.

Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance, La Presse