La plus importante « autoroute à vélos » de Montréal est bloquée depuis quelques jours par la piétonnisation de la rue Saint-Denis pour la tenue d’un festival. Et de nombreux cyclistes s’indignent de voir le Réseau express vélo (REV) dévié vers des axes moins sûrs.

Ce qu’il faut savoir

  • Une portion importante du REV Saint-Denis est fermée en raison d’un festival.
  • Des cyclistes se plaignent que les itinéraires alternatifs proposés par la Ville ne sont pas sécuritaires.
  • Velo Québec réclame une meilleure coordination des mesures.

La rue Saint-Denis est en effet fermée depuis le début de la semaine sur un kilomètre et demi en raison de la tenue du Festival BD, du 24 au 26 mai.

Contrairement aux dernières années, l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal a décidé de complètement interdire le passage des vélos sur plus d’un kilomètre et demi du REV, soit entre les axes du boulevard Saint-Joseph et du square Saint-Louis. Il s’agit actuellement de l’un des tronçons du réseau cyclable montréalais les plus achalandés de l’île, avec en moyenne plus de 7500 passages par jour.

Questionné à ce sujet, l’arrondissement fait valoir que lors de l’édition 2022 du festival, le REV était demeuré ouvert, mais que « cela avait occasionné des enjeux de cohabitation et était accidentogène puisque les kiosques se trouvaient le long » de la piste cyclable.

En 2023, le Réseau express vélo avait été fermé seulement durant les heures du festival, soit généralement de 11 h à 18 h, puis rouvert durant la nuit et le matin.

« Il s’agissait là d’une solution mitoyenne qui toutefois laissait trop peu de place dans les espaces tentes pour les festivaliers. Il était aussi impossible d’étendre les tentes au centre de la rue en raison des demandes de sécurisation du Service de sécurité incendie de Montréal (SIM), soit de laisser six mètres au centre de la chaussée pour laisser passer les camions de pompiers », soutient la porte-parole, Geneviève Allard.

Cette année, les tentes du Festival sont plus spacieuses et « ne peuvent toujours pas empiéter dans cette zone de six mètres pour respecter les prérogatives du SIM et se retrouvent reculées dans le REV », ajoute-t-elle. C’est pourquoi l’arrondissement a consenti à « détourner le parcours du REV sur des aménagements cyclables adjacents ».

Des plans B qui ne sont pas sûrs

Officiellement, la Ville propose aux cyclistes d’opter pour deux autres chemins, en direction nord par la vélorue Saint-André et, au sud, par les axes Hôtel-de-Ville ou Laval. Dans la réalité, c’est plus compliqué.

Sur TikTok, mercredi, la médecin et résidente en santé publique « Michelle MD » a en effet déploré que, rue Saint-André, la « piste cyclable n’en est pas une ». Il s’agit plutôt d’une configuration à une seule voie automobile, avec de simples logos cyclistes au sol, mais sans protection.

On est en plein milieu de la rue et quand des autos veulent passer, on se tasse sur le côté pour les laisser passer. Il y a aussi des intersections sans arrêt ou feu de circulation qu’il faut traverser. […] Je ne me suis pas sentie en sécurité sur ce trajet.

Michelle MD, médecin, dans une vidéo vue des dizaines de milliers de fois

Au total, la cycliste dit avoir « dû traverser trois rues où il n’y avait pas d’arrêts dans le sens inverse, dont deux grands boulevards, Mont-Royal et Saint-Joseph, où [elle a] dû attendre longtemps avant qu’il n’y ait pas d’autos ». « Et même à ce moment-là, je ne pouvais pas parfaitement voir les autos qui s’en venaient à cause des autos stationnées », ajoute-t-elle.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le Service des incendies de Montréal exige que le centre de la rue Saint-Denis soit laissé libre, forçant les tentes du Festival BD à empiéter sur le REV.

Disant bien comprendre que la rue Saint-Denis « peut servir pour d’autres choses », la Montréalaise déplore toutefois que les options de rechange soient « dangereuses », alors que le REV est très fréquenté.

Compliqué de se déplacer

Vélo Québec partage cette opinion. « Il n’y a pas vraiment d’itinéraires sécuritaires conseillés, ni pour les voitures ni pour les vélos. Ça fait en sorte que beaucoup vont aussi se retrouver sur la rue Drolet, et là ça devient désagréable et moins sécuritaire. Il aurait pu y avoir des façons de faire pour que cet espace cycliste très apprécié ne soit pas 100 % perdu », affirme son PDG, Jean-François Rheault.

Tout cela s’ajoute au fait « qu’en ce moment, le viaduc Christophe-Colomb est fermé pour les vélos pendant les travaux ». « Ça devient extrêmement compliqué de se déplacer pour les cyclistes. C’est surtout l’accumulation de tout ça qui, au final, cause un problème », poursuit-il.

« Pour l’avenir, j’espère que la Ville va faire un bilan de tout ça et essayer d’adopter des mesures plus englobantes », ajoute M. Rheault.

Depuis la fermeture de ce tronçon du REV Saint-Denis, l’achalandage cycliste a sans surprise chuté, constate-t-on à la lecture des écocompteurs. Alors qu’en début de semaine, on comptait 7700 déplacements à deux roues par jour à l’angle de Saint-Denis et des Carrières, on n’en recensait plus que 481 jeudi.