(Ottawa) La scène disait tout : deux sièges d’auto d’enfant étaient bien attachés sur la banquette arrière, un gobelet de café près du siège du conducteur et un manteau visible aussi sur la banquette arrière. Le Jeep a vraisemblablement été volé en plein jour, pendant qu’une petite famille vaquait à ses activités normales.

Ce qu’il faut savoir

  • Un sommet national sur le vol d’autos a lieu ce jeudi à Ottawa afin de trouver des solutions pour contrer ce fléau.
  • Le vol d’autos représente une source importante de revenu pour le crime organisé.
  • Une importante délégation du Québec est attendue au sommet.

Le véhicule en question se trouvait dans un conteneur au port de Montréal. Il a été intercepté par les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) après qu’ils eurent obtenu un tuyau des forces policières. Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a pu constater de visu le fléau que représente le vol d’autos au pays, le 23 janvier, en effectuant une tournée de deux heures au port de Montréal, en compagnie du ministre des Transports, Pablo Rodriguez.

« Ce que j’ai vu, ça m’a vraiment frappé », a lancé le ministre dans une entrevue avec La Presse la veille du Sommet national sur le vol d’autos à Ottawa. « C’est probablement une personne qui a stationné sa voiture pour aller faire des courses dans un magasin ou pour aller manger dans un restaurant. Et puis la voiture a été volée. »

Cette tournée au port de Montréal l’a convaincu plus que jamais de la nécessité de tenir un sommet à Ottawa afin de mobiliser les provinces, les corps policiers, les diverses agences fédérales, les compagnies d’assurance et les constructeurs automobiles, entre autres, pour contrer un phénomène qui prend de l’ampleur et qui est devenu une source de financement importante du crime organisé.

« On a regardé des conteneurs qui avaient été ouverts. Il y avait une vingtaine de voitures et de camions qui avaient été saisis durant la semaine. Les agents de l’ASFC nous ont montré les opérations qu’ils mènent du début à la fin. Il y avait des policiers de la ville de Montréal qui étaient là pour prendre possession des véhicules comme preuves. Il y avait des véhicules du Québec et de l’Ontario », a-t-il aussi raconté.

Plaque tournante

Le sommet de ce jeudi est le fruit de plusieurs mois de préparation. L’idée d’en organiser un a germé dès la première rencontre entre M. LeBlanc et ses homologues provinciaux à Bromont, en septembre. Le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel, a rapidement levé la main. Le Québec sera d’ailleurs fortement représenté au sommet – la mairesse de Montréal, Valérie Plante, le maire de Laval, Stéphane Boyer, y seront, tout comme les patrons des corps policiers de Montréal, de Laval, de Gatineau et de la Sûreté du Québec ainsi que la PDG du Port de Montréal, Geneviève Deschamps.

En envoyant des cartons d’invitation aux parties intéressées, le ministre Dominic LeBlanc a insisté pour que tous arrivent dans la capitale fédérale avec des pistes de solutions concrètes. Car pour contrer ce fléau, selon M. LeBlanc, il faut une concertation sans précédent.

Le recours à de nouvelles technologies pour décourager les vols de voitures sera abordé, tout comme la possibilité de créer des équipes d’enquête conjointes par les divers corps policiers municipaux, provinciaux et la GRC.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Entouré de certains de ses collègues, le ministre fédéral de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, annonce un investissement pour freiner le vol de véhicules, mercredi.

À la veille du sommet, M. LeBlanc a d’ailleurs annoncé un investissement de 28 millions sur trois ans afin de renforcer la capacité de l’ASFC à mener des enquêtes, à détecter et fouiller les conteneurs de véhicules volés et à augmenter l’échange d’informations avec les forces policières au pays et à l’étranger.

Si on veut vraiment s’attaquer à ce fléau important qui inquiète les gens, il faut que tous les intervenants arrivent avec des propositions. Nous n’avons pas besoin de comprendre l’ampleur du problème ou de partager nos inquiétudes communes. Tout le monde est inquiet. Ce n’est pas le but du sommet.

Dominic LeBlanc, ministre fédéral de la Sécurité publique

En moyenne, une voiture est volée toutes les six minutes au pays, d’après un rapport publié en juin dernier. Selon les estimations de l’industrie automobile, les taux de vols d’autos ont augmenté de 50 % au Québec et de 48,3 % en Ontario en 2022 par rapport à l’année précédente. Le port de Montréal est d’ailleurs devenu une plaque tournante pour l’exportation de véhicules volés. La majorité de ces véhicules aboutissent en Afrique et au Moyen-Orient.

« Les renseignements fournis à l’Agence des services frontaliers demeurent la façon la plus efficace de cibler des conteneurs. […] L’Agence m’a confirmé que 100 % des renseignements qu’elle reçoit des corps policiers [faisaient l’objet d’une enquête]. Cent pour cent ! Donc, c’est un aspect qui est énormément important », a-t-il aussi relevé.

Problème complexe

L’an dernier, l’ASCF a pu intercepter 1800 voitures en tout. « Malheureusement, 1800 voitures, quand on regarde le nombre de voitures volées, ce n’est pas assez. Ils ont eu des renseignements, ils ont ouvert des conteneurs et ils ont saisi les voitures. Mais quand l’ASFC ouvre un conteneur et découvre des voitures volées de Toronto, il faut que la police de Toronto ou la Police provinciale de l’Ontario vienne les récupérer. Ça devient [des pièces à conviction] dans un procès criminel. On ne peut pas juste embaucher quelqu’un pour ramener cela à Toronto. Ça devient une preuve potentielle devant un tribunal. »

Autre statistique importante : 40 % des voitures volées sont destinées au marché canadien, selon les estimations de la GRC.

Tout le monde focalise sur les exportations. Il faut le faire. Mais il y a aussi un marché [intérieur].

Dominic LeBlanc, ministre fédéral de la Sécurité publique

« Souvent, les acheteurs ne savent pas que c’est une voiture volée. C’est devenu payant pour le crime organisé », a-t-il ajouté.

En entrevue, le ministre a souligné que les autorités font face à un problème complexe qui nécessite plus qu’une solution « simpliste ».

De passage au port de Montréal, mardi, le chef conservateur Pierre Poilievre a proposé d’acheter 24 scanneurs « à la fine pointe de la technologie ». Ces outils permettraient l’inspection des conteneurs qui quittent les grands ports fédéraux du pays. M. Poilievre a aussi promis d’embaucher 75 nouveaux agents d’inspection, dont une trentaine d’agents seraient déployés à Montréal.