La sécurité se renforce depuis quelques jours autour du campement propalestinien situé sur les terrains de l’UQAM, après un week-end marqué par des affrontements entre policiers et manifestants. Ces derniers, qui dénoncent une intervention policière « démesurée », invitent les intéressés à venir grossir leurs rangs.

Les derniers jours ont été tendus aux abords du campement baptisé « Université populaire Al-Aqsa », qui est établi depuis une semaine sur la pelouse du Complexe des sciences Pierre-Dansereau, au centre-ville de Montréal. Selon nos informations, les effectifs policiers venaient tout juste d’être doublés autour des lieux mardi soir, passant d’environ une dizaine à une vingtaine de policiers.

Tout cela survient alors que des confrontations ont commencé vendredi soir dernier. Ce jour-là, des membres du campement ont apposé des graffitis sur le bâtiment universitaire derrière eux. On pouvait d’ailleurs toujours voir ces inscriptions au mur mardi, au passage de La Presse. « À bas l’empire » ou « Love la résistance », pouvait-on entre autres lire.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Graffiti aperçu sur un bâtiment de l’UQAM lors du passage de La Presse, mardi

Une forte présence policière était alors toujours sur les lieux, dont plusieurs agents à pied ainsi que des voitures de patrouille. Des gardes de sécurité privée sillonnaient aussi le secteur. Bref, tout le périmètre semblait sous haute surveillance.

D’après une source policière qui n’est pas autorisée à parler publiquement, les patrouilleurs auraient signalé dès vendredi aux campeurs que faire un graffiti sur un bâtiment public était une infraction. Certains d’entre eux auraient alors lancé des chaises et des tables sur les policiers. Puis, samedi, d’autres auraient volé des clôtures sur un chantier situé dans le quadrilatère délimité par les artères De Bleury, Sherbrooke, Président-Kennedy et Jeanne-Mance.

La tension serait toutefois montée d’un cran lundi, en milieu d’après-midi, lorsque des manifestants ont temporairement bloqué une intersection dans le secteur de l’avenue du Président-Kennedy et de la rue Saint-Urbain, tout près du quartier général du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

« Des manifestants ont fait des barricades pour bloquer la rue. Lorsque les policiers sont intervenus pour disperser les manifs, ils n’ont pas voulu obtempérer aux ordres. Les manifestants se sont précipités vers les policiers en les agressant », a affirmé l’agente Sabrina Gauthier, porte-parole du SPVM.

Une intervention jugée « démesurée »

Pendant ce temps, du côté des campeurs, c’est une tout autre vision. Sur Instagram, le collectif « Solidarité pour les droits humains des Palestiniennes et Palestiniens », qui s’identifie à l’UQAM, a dénoncé en réaction que l’intervention policière était « démesurée », jugeant que la police a « violemment attaqué » ses membres, le tout « sans préavis et sans avis de dispersion », alors que l’activité se voulait « festive ».

« Les manifestants ont été chassés avec du poivre de Cayenne, du gaz lacrymogène et des coups de matraque jusque dans la cour intérieure du Complexe des sciences », affirme l’association, qui a diffusé des images sur lesquelles on voit des policiers, équipés de casques, frapper des manifestants avec des bâtons.

Aux yeux du collectif, qui appelle à rejoindre son campement, cette situation « témoigne de la crainte de la police à voir s’étendre et se populariser la lutte pour la libération de la Palestine ».

Au SPVM, l’agente Gauthier confirme que du gaz irritant a été utilisé pour « disperser la foule ». Des bâtons ont également été utilisés puisque les manifestants fonçaient vers les patrouilleurs, ajoute-t-elle, en précisant que le calme était revenu peu après et qu’aucune arrestation n’avait été faite.

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Campement propalestinien de l’UQAM

Si les autorités policières ne parlent d’aucun blessé, les campeurs, eux, ont évoqué sur les réseaux sociaux « plusieurs blessés », dont des blessures à la tête et au visage liées aux coups de bâton ou encore au gaz irritant. Certains manifestants ont également « des plaies mineures et des contusions », affirme le collectif.

Quelles revendications ?

Au moment de l’installation du campement de l’UQAM, les organisateurs ont d’abord exigé le retrait immédiat de l’injonction visant le campement propalestinien de l’Université McGill. La direction de l’université anglophone s’est adressée en vain à la Cour supérieure afin que soient délogés les étudiants qui occupent son campus depuis deux semaines. Elle compte d’ailleurs en redéposer une nouvelle.

Les manifestants qui se trouvent au pavillon Pierre-Dansereau réclament aussi l’adoption d’un « boycottage académique vis-à-vis des universités israéliennes », et ce, par l’ensemble du réseau universitaire québécois.

« Il est inacceptable que le Québec, par ces ententes interuniversitaires, permette à des étudiants, à des étudiantes, et à des chercheurs et des chercheuses de contribuer à de tels crimes contre l’humanité », a déclaré la semaine dernière une porte-parole du regroupement, Leila Khaled.

Dans la foulée, l’UQAM avait fait valoir que sa Fondation « n’a aucun investissement dans l’armement, ayant adopté une politique d’investissement responsable il y a de nombreuses années, et qu’elle n’a pas actuellement d’entente de mobilité ni d’entente-cadre avec des universités israéliennes ».

Avec la collaboration de Daniel Renaud et de Léa Carrier, La Presse