L’impasse demeure en matière de financement du transport collectif entre Québec et les villes du Grand Montréal, malgré deux réunions au sommet en moins d’un mois. À court terme, l’offre gouvernementale reste à 200 millions, ce qui laisse présager pour bientôt une hausse de la taxe sur l’immatriculation.

L’histoire jusqu’ici

22 avril

La Presse révèle que les maires du Grand Montréal menacent Québec d’imposer une taxe de jusqu’à 228 $ par auto sur tout le territoire métropolitain.

4 mai

La ministre Geneviève Guilbault dit vouloir « prendre le contrôle du destin du transport collectif » et « centraliser » sa planification avec la création de son agence des transports.

6 mai

En marge d’une rencontre avec les villes, le gouvernement Legault confirme avoir l’intention d’éponger environ 70 % du déficit « conjoncturel » des sociétés de transport du Grand Montréal, estimé à 284 millions pour 2025, soit 200 millions.

9 mai

Le projet de loi créant cette agence suscite dès son dépôt beaucoup d’inquiétudes dans le milieu du transport collectif.

24 mai

Aucune entente n’est conclue malgré une deuxième rencontre en moins d’un mois.

« On demeure très préoccupés pour l’année à venir. Le budget 2025 va rester extrêmement difficile. Et ça va imposer des choix importants pour les municipalités », a lâché vendredi la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, à la sortie d’une rencontre avec la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.

Il s’agissait du deuxième rendez-vous en moins d’un mois entre les maires du Grand Montréal et la ministre, qui se tenait cette fois en marge des assises de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), au centre-ville. La première avait eu lieu le 6 mai dernier.

Refusant de répondre aux questions des journalistes, les deux camps ont parlé d’une rencontre « constructive », même si on sent bien que le désaccord demeure entier en vue de la conclusion d’une entente.

La ministre ne semble pas avoir cédé sur son intention de se limiter à une aide de 200 millions aux transporteurs de la métropole, soit environ 70 % de leur déficit « conjoncturel » attribuable aux recettes tarifaires ayant fondu pendant la pandémie de COVID-19. Face à un manque à gagner de 561 millions, les sociétés de transport, elles, réclament un minimum de 421 millions.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault

C’est toujours l’objectif de régler ça avant l’été pour éviter le psychodrame de fin d’année.

Geneviève Guilbault, ministre des Transports et de la Mobilité durable

Elle affirme que différentes « propositions » ont été faites durant la rencontre, dont, en premier lieu, « de l’optimisation et de la mutualisation » de certains services. Les options en ce sens sont connues et nombreuses : jumelage de services d’autobus, partage d’infrastructures, réduction de masse salariale ou même fusion de sociétés de transport, comme l’a révélé La Presse plus tôt vendredi.

« On va ravoir des discussions, mais je suis très confiante qu’on va avoir une entente […] avec la prévisibilité souhaitée depuis très longtemps. Et enfin, on va y arriver », a poursuivi Mme Guilbault.

Une taxe augmentée ?

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) devra d’ici peu faire un choix important. Pour compenser l’immense écart, une hausse de la taxe sur l’immatriculation semble en effet inévitable. L’idée d’augmenter cette taxe d’environ 150 %, la faisant donc passer de 59 $ à 148 $ par voiture sur tout le territoire métropolitain, a d’ailleurs été abordée en marge de la rencontre de vendredi.

Cette augmentation pourrait toutefois être encore plus imposante. À la fin d’avril, La Presse avait déjà révélé qu’une hausse pour le moins salée, allant jusqu’à 280 %, a aussi été étudiée par les municipalités. En ce qui concerne les revenus, une telle mesure permettrait d’obtenir pas moins de 361 millions en 2025 seulement.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

Sur le principe, Catherine Fournier se dit prête à tout explorer en matière d’optimisation. « On est vraiment prêts à retourner toutes les pierres pour voir quel scénario nous permettrait d’avoir un système de transport collectif le plus efficient possible », a martelé Mme Fournier, sans s’avancer davantage.

Une transition numérique pointée du doigt

Dans le milieu du transport collectif, des voix commencent aussi à suggérer qu’il serait possible de « réduire l’ampleur » du plan de transformation numérique de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), baptisé « Concerto » et évalué à 162 millions, pour dégager de nouveaux fonds.

« Quand on sait qu’il manque des centaines de millions, on aurait intérêt à réduire l’ampleur du projet, et surtout éviter un dérapage à la SAAQclic », affirme une source bien au fait du dossier à ce sujet.

Ce virage numérique devait initialement coûter 57 millions, mais a connu plusieurs dépassements de coûts et « est toujours à l’étape de la planification », poursuit cette source, qui suggère de « commencer par le plus urgent », à savoir le paiement par téléphone et carte de crédit.

Officiellement, « Concerto » doit se faire en quatre grandes étapes. La première – on y est déjà – consiste en un seul mode, soit la carte OPUS, avec un système de recharge mobile qu’on a ajouté en avril dernier. Puis, dans le courant de 2025 ou 2026, le virage se poursuivrait avec l’ajout du paiement par carte bancaire et l’achat en ligne de billets ensuite validés avec le téléphone de l’usager. D’ici 2027, un système « multi-modes » serait déployé, possiblement au moyen d’une application mobile réunissant le métro, le bus, le REM, l’autopartage, le vélopartage, le taxi, le covoiturage ou encore les trottinettes électriques.

« Les usagers du transport collectif sont en droit de s’attendre à un système de gestion de titres simple, fluide et moderne. OPUS 1,0 est en fin de vie utile. Il y a une différence entre couper et faire mieux », a réagi vendredi le porte-parole de l’ARTM, Simon Charbonneau.