La Gendarmerie royale du Canada (GRC) va déployer des policiers spécialistes de la sécurité nationale dans les régions éloignées du Québec, afin de protéger les infrastructures essentielles contre les acteurs hostiles, a appris La Presse. Un exemple concret du genre de dossiers qui préoccupent les autorités : de nouvelles accusations ont été portées mercredi contre un ex-chercheur d’Hydro-Québec soupçonné de s’être livré à de l’espionnage économique au profit de la Chine.

Yuesheng Wang, ancien scientifique d’Hydro-Québec spécialiste des batteries, avait été arrêté par la GRC en novembre 2022 parce que les policiers avaient déterminé qu’il se livrait à de l’espionnage industriel. La thèse des enquêteurs de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale était qu’il avait obtenu illégalement des secrets de la société d’État concernant le développement des batteries de nouvelle génération.

M. Wang avait été accusé d’obtention de secrets industriels, d’utilisation non autorisée d’un ordinateur, de fraude dans le but d’obtenir des secrets industriels et d’abus de confiance par un fonctionnaire public. Il avait nié les faits et pu demeurer en liberté en attendant son procès.

PHOTO TIRÉE DU PROFIL LINKEDIN DE YUESHENG WANG

Yuesheng Wang, accusé d’espionnage

Mercredi, la GRC a toutefois annoncé que la poursuite de l’analyse du dossier avait permis le dépôt de deux nouveaux chefs d’accusation, reliés à l’obtention de renseignements sensibles en prévision d’un acte d’espionnage économique et au fait d’avoir informé une entité étrangère ou une entité économique étrangère qu’il était disposé à commettre une infraction à son bénéfice. L’acte d’accusation déposé au palais de justice de Longueuil précise clairement que les gestes auraient été faits au bénéfice de la République populaire de Chine.

Améliorer la présence loin de la métropole

Les enquêteurs affectés aux enquêtes de sécurité nationale ont mis beaucoup d’efforts pour contrer l’action du régime chinois et de ses sympathisants allégués sur le sol québécois ces dernières années, avec notamment l’arrestation de M. Wang et d’un ancien employé de l’Agence spatiale canadienne à Saint-Hubert soupçonné d’avoir utilisé sa position pour aider une firme chinoise, ainsi que des opérations policières ayant ciblé ce que la GRC considérait comme des postes de police chinois clandestins à Montréal et à Brossard.

Mais le corps policier veut maintenant améliorer sa capacité de réaction loin de la métropole.

Il faut être présents en région. Ceux qui posent une menace, ils vont vers des choses qui sont d’intérêt pour eux. Ce n’est pas toujours dans les grands centres !

Sophie Thibeault, surintendante à la Gendarmerie royale du Canada

La GRC dispose déjà au Québec d’une équipe d’enquêteurs affectés à la protection des infrastructures essentielles. L’équipe est établie à Montréal, mais elle se déplace à travers le territoire. Elle concentre ses efforts sur les secteurs des transports, de l’énergie, de la finance et des télécommunications, mais son mandat englobe tous les secteurs jugés « essentiels à la santé, à la sécurité ou au bien-être économique des Canadiens et des Canadiennes, ainsi qu’au fonctionnement efficace du gouvernement », selon la définition de Sécurité publique Canada.

Les enquêteurs tissent des liens avec les entreprises privées et publiques des secteurs concernés, les informent sur les trucs des espions, les différents indicateurs de menaces, les bonnes pratiques en matière de sécurité. Outre les actions hostiles des puissances étrangères, ils sont chargés de la prévention en matière de terrorisme et de piratage informatique, par exemple. « La nature des menaces, c’est en perpétuel changement. On est toujours tributaires de ce qui se passe sur la scène internationale. Ça bouge », explique Sophie Thibeault.

« On a des enquêteurs experts en la matière, qui sont vraiment dédiés. L’expertise est là », dit-elle.

Côte-Nord et Bas-du-Fleuve

Pour 2024, le plan est d’avoir de façon permanente des policiers spécialisés dans des régions comme Québec, Sept-Îles et Rimouski. Il n’est pas exclu d’élargir encore le déploiement par la suite.

« La sécurité nationale, c’est une priorité de la GRC, alors j’ai eu plus de ressources ajoutées au niveau de notre programme », affirme la surintendante Thibeault, qui pourra compter sur plus d’effectifs que l’an dernier dans ce secteur.

Le déploiement de ces nouveaux effectifs survient alors que les autorités des États-Unis viennent d’annoncer, le 31 janvier, une opération pour perturber les activités de pirates au service du gouvernement chinois qui ciblaient les infrastructures essentielles sur le sol américain à l’aide de logiciels malveillants. Le Canada et plusieurs pays alliés avaient aussi sonné l’alarme au sujet de ces activités informatiques clandestines en mai dernier.